Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de La Garenne-Colombes a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté n° 2017-099 du 8 décembre 2017 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé à son encontre la carence définie par l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation au titre de la période triennale 2014-2016, de moduler dans le temps les effets de l'annulation contentieuse afin de préserver la sécurité juridique des décisions de préemption prises par le préfet des Hauts-de-Seine, ou déléguées à des tiers, en exécution de l'arrêté contesté et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1800756 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 septembre 2021, la commune de La Garenne-Colombes, représentée par Me Bernard, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la minute du jugement n'a pas été signée en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que la procédure contradictoire a été respectée ;
- ils ont commis une erreur en estimant que le prononcé de la carence était fondé et la sanction non disproportionnée ;
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- il est illégal en raison de l'illégalité de l'avis de la commission nationale instituée à l'article L. 302-9-1 du même code dès lors que son maire n'a pas été entendu par cette commission qui s'est réunie le 18 octobre 2017 et que l'avis de celle-ci n'a fait l'objet d'aucune publicité, ni ne lui a été notifié ;
- la procédure contradictoire n'a pas été respectée dès lors que les organismes consultatifs dont les avis ont été pris en compte par le préfet des Hauts-de-Seine n'ont pas été rendus destinataires de ses observations et que l'établissement public territorial Paris Ouest La Défense n'a pas été invité à présenter ses observations ;
- il méconnait les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le principe d'impartialité applicable à toute autorité administrative faute de dissociation des fonctions d'instruction et de jugement ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, dès lors qu'il ne prévoit pas le transfert à l'Etat des droits de réservation dont dispose la commune sur des logements sociaux existants ou à livrer ;
- il méconnaît le principe de sécurité juridique et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et de clarté de la norme, dès lors notamment qu'il ne précise pas les conditions d'exercice par l'Etat du droit de préemption urbain et qu'il ne prévoit pas le transfert à l'Etat des droits précités ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation de l'écart entre l'état des réalisations des logements sociaux et les objectifs notifiés, du degré d'engagement de la commune à atteindre ces objectifs et des difficultés objectives qu'elle rencontre ;
- le coefficient de majoration de 2,5 retenu est disproportionné.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 novembre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aventino,
- et les conclusions de M. Frémont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que, la commune de La Garenne-Colombes n'ayant pas rempli ses objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux pour la période triennale 2014-2016, le préfet des Hauts-de-Seine a, par un arrêté n° 2017-101 du 8 décembre 2017, pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, prononcé sa carence et fixé à 2,5 à compter du 1er janvier 2018, et pour une durée de trois ans maximum, le taux de majoration appliqué sur le montant du prélèvement prévu par les dispositions de l'article L. 302-7 du même code. La commune de La Garenne-Colombes demande à la cour d'annuler le jugement n° 1800756 du 12 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il ressort de la minute du jugement attaqué que celui-ci a été signé par la présidente de la formation de jugement, la rapporteure et la greffière d'audience conformément aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement manque en fait.
4. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La commune requérante ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit ou de fait qu'auraient commis les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur la légalité de l'arrêté du 8 décembre 2017 :
5. Aux termes de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation : " Les dispositions de la présente section s'appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France (...) qui sont comprises, au sens du recensement de la population, dans une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l'année précédente, moins de 25 % des résidences principales ". Aux termes de l'article L. 302-7 du même code : " A compter du 1er janvier 2002, il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l'article L. 302-5 (...) ". Dans sa rédaction applicable à la période triennale 2014-2016 en litige, le I de l'article L. 302-8 du même code prévoit que, pour atteindre, dans les communes d'Ile-de-France de plus de 1 500 habitants, un nombre de logements locatifs sociaux au moins égal à 25 % du nombre de résidences principales, au plus tard à la fin de l'année 2025, " le conseil municipal définit un objectif de réalisation de logements locatifs sociaux par période triennale " et le II du même article indique que " l'objectif de réalisation de logements locatifs sociaux défini au I précise la typologie des logements à financer (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 302-9-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, dans les communes soumises au prélèvement défini à l'article L. 302-7, au terme de la période triennale échue, les engagements figurant dans le programme local de l'habitat n'ont pas été tenus ou, à défaut de programme local de l'habitat, le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du dernier alinéa de l'article L. 302-8 n'a pas été atteint, le préfet informe le maire de la commune de son intention d'engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l'engagement de la procédure et l'invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois./ En tenant compte de l'importance de l'écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, du respect de l'obligation, visée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 302-8, de mettre en chantier, pour chaque période triennale, au moins 30 % de logements locatifs sociaux rapportés au nombre total de logements commencés, du respect de la typologie prévue au II du même article L. 302-8, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le préfet peut, par un arrêté motivé pris après avis du comité régional de l'habitat, prononcer la carence de la commune. Par le même arrêté et en fonction des mêmes critères, il fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l'année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l'article L. 302-7 et après avis de la commission mentionnée au I de l'article L. 302-9-1-1. Le prélèvement majoré ne peut être supérieur à cinq fois le prélèvement mentionné à l'article L. 302-7. Le prélèvement majoré ne peut excéder 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune figurant dans le compte administratif établi au titre du pénultième exercice. (...) / L'arrêté du représentant de l'Etat dans le département peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une commune n'a pas respecté son objectif triennal de réalisation de logements sociaux, il appartient au préfet, après avoir recueilli ses observations et les avis prévus au I de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, d'apprécier si, compte tenu de l'écart existant entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, il y a lieu de prononcer la carence de la commune, et, dans l'affirmative, s'il y a lieu de lui infliger une majoration du prélèvement annuel prévu à l'article L. 302-7 du même code, en fixant alors le montant dans la limite des plafonds fixés par l'article L. 302-9-1.
En ce qui concerne la légalité externe :
7. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté litigieux qu'après avoir visé les textes applicables et les principaux éléments de la procédure mise en œuvre, le préfet a indiqué, notamment, que le bilan triennal 2014-2016 fait état de la réalisation de - 32 logements sociaux, soit un taux de réalisation de - 7,3 % au regard de l'objectif triennal de 437 logements et que les difficultés avancées par la commune ne sont pas de nature à justifier à elles seules le non-respect des obligations ainsi constaté. L'arrêté litigieux, rédigé dans des termes qui en permettent une critique utile, doit dès lors être regardé comme suffisamment motivé.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable : " I. - Pour les communes n'ayant pas respecté la totalité de leur objectif triennal, le représentant de l'Etat dans le département réunit une commission chargée de l'examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux. Cette commission, présidée par le représentant de l'Etat dans le département, est composée du maire de la commune concernée, du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat si la commune est membre d'un tel établissement, des représentants des bailleurs sociaux présents sur le territoire de la commune et des représentants des associations et organisations dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées, œuvrant dans le département. / Cette commission est chargée d'examiner les difficultés rencontrées par la commune l'ayant empêchée de remplir la totalité de ses objectifs, d'analyser les possibilités et les projets de réalisation de logements sociaux sur le territoire de la commune et de définir des solutions permettant d'atteindre ces objectifs. / Si la commission parvient à déterminer des possibilités de réalisation de logements sociaux correspondant à l'objectif triennal passé sur le territoire de la commune, elle peut recommander l'élaboration, pour la prochaine période triennale, d'un échéancier de réalisations de logements sociaux permettant, sans préjudice des obligations fixées au titre de la prochaine période triennale, de rattraper le retard accumulé au cours de la période triennale échue. Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle saisit, avec l'accord du maire concerné, une commission nationale placée auprès du ministre chargé du logement. / II. - La commission nationale, présidée par une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé du logement, est composée de deux membres de l'Assemblée nationale et de deux membres du Sénat, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un membre de la Cour des comptes, d'un membre du Conseil général de l'environnement et du développement durable, de représentants des associations nationales représentatives des élus locaux, de l'Union nationale des fédérations d'organismes d'habitations à loyer modéré et du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, ainsi que de représentants des associations et organisations œuvrant dans le domaine du logement des personnes défavorisées désignés par le Conseil national de l'habitat. / Cette commission entend le maire de la commune concernée ainsi que le représentant de l'Etat du département dans lequel la commune est située. / Si la commission parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale, elle peut recommander au ministre chargé du logement un aménagement des obligations prévues à l'article L. 302-8. / Si la commission parvient à déterminer des possibilités de réalisation de logements sociaux correspondant à l'objectif triennal passé, elle recommande l'élaboration, pour la prochaine période triennale, d'un échéancier de réalisations de logements sociaux permettant, sans préjudice des obligations fixées au titre de la prochaine période triennale, de rattraper le retard accumulé au cours de la période triennale échue et la mise en œuvre de l'article L. 302-9-1. / (...) Les avis de la commission sont motivés et rendus publics. / III. - Préalablement à la signature par les représentants de l'Etat dans les départements des arrêtés de carence dans les conditions définies à l'article L. 302-9-1, dans le cadre de la procédure de bilan triennal, la commission nationale peut se faire communiquer tous les documents utiles et solliciter les avis qu'elle juge nécessaires à son appréciation de la pertinence d'un projet d'arrêté de carence, de l'absence de projet d'arrêté de carence et de la bonne prise en compte des orientations nationales définies par le ministre chargé du logement. Elle peut, dans ce cadre, de sa propre initiative ou sur saisine du comité régional de l'habitat et de l'hébergement, émettre des avis et des recommandations aux représentants de l'Etat dans les départements. Elle transmet ses avis au ministre chargé du logement. / (...) ".
9. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation que la commission nationale placée auprès du ministre du logement dispose d'une double compétence. D'une part, en application du II de cet article, elle est saisie par la commission départementale mentionnée au I du même article, avec l'accord du maire concerné, dans l'unique hypothèse où cette commission départementale parvient à la conclusion que la commune ne pouvait, pour des raisons objectives, respecter son obligation triennale. D'autre part, en application du III de cet article, la commission nationale peut, de sa propre initiative, le cas échéant après avoir demandé la communication de tous documents qu'elle juge utiles ou sollicité les avis qu'elle estime nécessaires, émettre, à l'intention du préfet, un avis sur la pertinence de projets d'arrêté de carence, ou au contraire de l'absence de projet d'arrêté de carence, sans qu'il soit nécessaire pour elle, dans ce cadre, de procéder à une quelconque audition ou réunion, ni de motiver, rendre public ou notifier son avis à la commune concernée.
10. En l'espèce, en dépit d'un visa erroné de l'arrêté attaqué, il résulte de l'instruction que l'avis du 18 octobre 2017 de la commission nationale a été rendu de sa propre initiative, sur le fondement du III de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation. La commission nationale n'était donc pas tenue d'entendre le maire de la commune avant d'émettre son avis, ni de notifier celui-ci à la commune concernée ou d'en assurer la publicité. Le moyen tiré de ce que la procédure contradictoire n'a pas été respectée devant cette commission nationale ne peut dès lors qu'être écarté dans ses deux branches.
11. En troisième lieu, l'article R. 362-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que : " Le comité régional de l'habitat et de l'hébergement est également consulté : / (...) Au vu des bilans triennaux prévus à l'article L. 302-9, sur les projets d'arrêtés prévus à l'article L. 302-9-1 ... ".
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine a indiqué le 13 février 2017 au maire de La Garenne-Colombes son intention d'engager à son encontre la procédure de constat de carence et l'a invité à présenter ses observations dans un délai de deux mois. Le maire de La Garenne-Colombes a fourni les explications requises le 26 avril 2017, ce qui a permis au préfet d'en tenir compte avant la réunion du comité régional de l'habitat qui s'est tenue le 3 juillet 2017. La procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation a donc été respectée.
13. D'autre part, aucune disposition légale ou règlementaire n'impose que le comité régional de l'habitat dispose des observations du maire avant d'émettre l'avis prévu à l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation sur la procédure de constat de carence engagée à l'encontre d'une commune. Il en est de même pour la commission nationale, lorsqu'elle se prononce, comme en l'espèce, sur la situation de la commune de sa propre initiative, en application du III de l'article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l'habitation.
14. Enfin, il ne résulte d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe, que le préfet serait tenu préalablement au prononcé du constat de carence, de consulter d'autres personnes publiques, notamment l'établissement public territorial dont la commune serait membre, quand bien même l'Etat se substitue alors à ce dernier pour l'exercice du droit de préemption urbain en vertu de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.
15. Par suite, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire préalable à l'édiction de l'arrêté attaqué doit être écarté dans toutes ses branches.
16. En quatrième lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". La majoration du prélèvement obligatoire prévue par les dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation présente le caractère d'une sanction. Toutefois, d'une part l'autorité préfectorale investie de ce pouvoir de sanction ne peut, eu égard à sa nature et sa composition, être regardée comme un tribunal au sens des stipulations précitées. D'autre part, les exigences d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne s'appliquent pas à une autorité administrative telle que le préfet de département. Par suite, la commune ne saurait utilement soutenir que la désignation de ce préfet comme autorité administrative compétente pour prononcer la sanction mentionnée par L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation serait de nature, au motif que les services de la préfecture de région sont chargés d'élaborer et de mettre en œuvre les politiques de l'Etat en matière de logement, dans le cadre desquelles ils instruisent et délivrent notamment les agréments et conventionnements nécessaires pour la réalisation de logements sociaux sur les territoires communaux et établissent les bilans triennaux que le législateur, aux termes de l'article L. 302-9- 1 du code de la construction et de l'habitation, impose de mener à l'issue de chaque période triennale échue, à porter atteinte au principe d'impartialité.
17. En tout état de cause, l'attribution à une même administration du pouvoir d'agir pour le développement d'un secteur d'activité et de sanctionner les manquements à la réglementation applicable ne porte par elle-même aucune atteinte au principe d'impartialité s'imposant à toute autorité administrative. Enfin, la circonstance que la procédure suivie devant cette autorité ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne serait pas de nature à entraîner une méconnaissance du droit à un procès équitable dès lors que cette sanction peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté dans ses diverses branches.
En ce qui concerne la légalité interne :
18. En premier lieu, la commune reprend, en appel, le moyen qu'elle avait invoqué en première instance tiré de ce que l'arrêté en litige méconnait les dispositions de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation dès lors qu'il ne prévoit pas le transfert des droits de réservation de la commune à l'Etat. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise au point 23 du jugement de première instance.
19. En deuxième lieu, la commune de La Garenne-Colombes ne peut utilement invoquer les principes de sécurité juridique et les objectifs à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme pour contester une décision individuelle prononçant sa carence et lui infligeant une sanction. En tout état de cause, l'arrêté en litige qui emporte par l'effet de la loi, à compter de son édiction et pendant toute sa durée d'application, le transfert à l'Etat de l'exercice du droit de préemption sur le territoire de la commune et des droits de réservation dont dispose la commune sur des logements sociaux existants ou à livrer, n'avait pas à prévoir de dispositions transitoires ni de mode d'emploi de l'exercice par l'Etat de ces pouvoirs. L'absence de telles précisions n'est dès lors pas de nature à caractériser une atteinte au principe de sécurité juridique ou aux objectifs à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme.
20. En troisième lieu, lorsqu'une commune demande l'annulation d'un arrêté préfectoral prononçant sa carence et lui infligeant un prélèvement majoré en application de l'article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habitation, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer si le prononcé de la carence procède d'une erreur d'appréciation des circonstances de l'espèce et, dans la négative, d'apprécier si, compte tenu des circonstances de l'espèce, la sanction retenue est proportionnée à la gravité de la carence et d'en réformer, le cas échéant, le montant.
21. Il résulte de l'instruction que le nombre de logements locatifs sociaux réalisés sur le territoire de la commune de La Garenne-Colombes au titre du bilan triennal 2014-2016, lequel n'avait pas à inclure les logements dont l'agrément n'avait pas encore été délivré, est de - 32 logements sociaux pour un objectif de réalisation de 437 logements, soit un taux de réalisation de - 7,3 %. En outre, alors que les agréments ou conventionnements de logements sociaux réalisés au titre de cette période, devaient comporter 30% minimum de financement en prêt locatif aidé d'insertion (PLAI), son bilan triennal fait apparaître que seuls 18 logements agréés ou conventionnés ont été financés en PLAI ou assimilés, soit un taux de réalisation limité à 14%.
22. La commune de La Garenne-Colombes fait valoir que, malgré les efforts consentis pour mener une politique volontaire de création de logements respectueuse des objectifs légaux de mixité sociale de l'habitat, la superficie réduite de son territoire, la rareté et le prix élevé du foncier, de même que l'absence d'espaces verts, ont constitué des obstacles à la réalisation des objectifs qui lui ont été assignés en application des dispositions précitées. Toutefois, elle n'établit pas que ces contraintes rendraient effectivement impossible ou trop difficile la réalisation du nombre de logements attendus sur son territoire. Si elle fait également état de difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la ZAC des Champs-Philippe, celles-ci sont pour la plupart postérieures à la période 2014-2016. Elle ne justifie pas davantage que les difficultés engendrées par les transferts de compétences au profit des EPT au 1er janvier 2016 auraient retardé ou empêché un tel projet, alors qu'en tout état de cause, la production des 262 logements restants à réaliser, selon ses propres dires, dans le cadre de cette opération n'aurait pas permis à la commune de la Garenne-Colombes d'atteindre les objectifs assignés au titre de cette période triennale.
23. Il est constant toutefois que la commune de La Garenne-Colombes justifie avoir mis en place dans son plan local d'urbanisme des instruments en vue de favoriser le logement social, comme l'inscription d'emplacements réservés au logement social, la mise en œuvre de quotas de logements sociaux dans certains programmes immobiliers, ainsi qu'un conventionnement avec l'établissement public foncier d'Ile-de-France et adopté un nouveau programme local de l'habitat en octobre 2015. Néanmoins, alors que la plupart de ces mesures a été mise en place à la fin de la période triennale considérée, il ne résulte pas de l'instruction que ces outils se seraient traduits par des réalisations effectives de logements au cours de la période en cause, ni qu'ils sont suffisants pour rattraper le déficit de réalisation sur la période 2014-2016 tout en atteignant les objectifs assignés pour la nouvelle période.
24. Par suite, eu égard au taux négatif de réalisation des objectifs fixés et à la portée des difficultés alléguées, le constat de carence dressé par le préfet des Hauts-de-Seine n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation.
25. En dernier lieu, eu égard aux éléments énoncés aux points 21 à 24 du présent arrêt et alors que la loi lui permettait de fixer un taux maximal de 5%, il ne résulte pas de l'instruction que le taux de majoration de 2,5 présenterait un caractère disproportionné au regard des taux précités de réalisation des objectifs tant quantitatifs que qualitatifs fixés pour la période en cause.
26. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Garenne-Colombes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de La Garenne-Colombes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Garenne-Colombes et au ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
La rapporteure,
B. AVENTINOLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion du territoire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
N° 21VE02614