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15/12/2023 | FRANCE | N°19PA01633

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 15 décembre 2023, 19PA01633


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Eurovia Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 2 266 006,08 euros TTC augmentée des intérêts moratoires au taux de 7,05% et de leur capitalisation au titre du solde du lot n°3 du marché de réaménagement des pelouses centrales de l'hippodrome d'Auteuil.



Par un jugement n° 1718130/4-2 du 15 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a donné acte du désistement de

la société Eurovia Ile-de-France de ses conclusions en tant qu'elles portent sur la somme de 31 757,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eurovia Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 2 266 006,08 euros TTC augmentée des intérêts moratoires au taux de 7,05% et de leur capitalisation au titre du solde du lot n°3 du marché de réaménagement des pelouses centrales de l'hippodrome d'Auteuil.

Par un jugement n° 1718130/4-2 du 15 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a donné acte du désistement de la société Eurovia Ile-de-France de ses conclusions en tant qu'elles portent sur la somme de 31 757,57 euros TTC et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt avant dire droit du 21 juillet 2021, la Cour a, sur la requête présentée par la société Eurovia Ile-de-France tendant à la réformation du jugement et à la condamnation de la Ville de Paris au titre du solde du lot n°3 du marché de réaménagement des pelouses centrales de l'hippodrome d'Auteuil, ordonné une expertise.

Par une ordonnance du 20 octobre 2021, le premier vice-président de la Cour administrative d'appel a désigné M. A... C... en qualité d'expert.

Par un arrêt du 1er avril 2022, la Cour a décidé que l'expertise prescrite par l'arrêt avant dire droit sera également conduite en présence de la société Péna Paysages (anciennement Péna et Peña), de l'Atelier d'architecture Franck Hammoutène, de Omnium General d'ingénierie (OGI) et Light Cibles.

Par un arrêt du 18 janvier 2023, la Cour a décidé que l'expertise prescrite par l'arrêt avant dire droit sera également conduite en présence de l'entreprise Gagneraud et de la société OTCI.

M. A... C... a déposé son rapport le 31 mars 2023.

Par des mémoires, enregistrés les 27 juillet 2023 et 15 septembre 2023, la société Eurovia Ile-de-France, représentée par l'AARPI CLL avocats, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 15 mars 2019 ;

2°) de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 2 051 947,80 euros TTC augmentée des intérêts moratoires au taux de 7,05 % et de leur capitalisation à chaque année échue et à échoir, au titre du solde du marché ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 43 728 euros au titre des dépens ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 80 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de rejeter les conclusions des sociétés OGI et Péna Paysages présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a droit au paiement d'une somme de 37 985,89 euros TTC au titre des prestations complémentaires exécutées ou, à défaut, une somme de 5 591,50 euros HT admise par le CCIRA de Paris, qui n'entrent pas dans les prévisions du marché forfaitaire et des avenants 1 et 2 ;

- le maître d'ouvrage a commis plusieurs fautes contractuelles qui ont entraîné un allongement global de 13,1 mois de la durée des travaux du lot n° 3, à savoir l'exécution retardée des travaux relevant du lot n° 9, la réception en l'état par le maître d'ouvrage des fonds de forme laissés par la société Gagneraud malgré leur état défectueux et le mode de gestion du marché par le maître d'ouvrage au cours de la phase 2 des travaux ;

- les termes de l'avenant n° 2 doivent être interprétés comme visant uniquement l'abondement du compte prorata en raison du retard de 14 mois constaté, à date, sur les délais de chantier et non l'ensemble des conséquences financières de ce retard pour lesquelles elle est fondée à demander une indemnisation ;

- elle a, en tout état de cause, droit à indemnisation au titre de l'allongement de la durée du chantier qui n'était pas connu à la date de signature de l'avenant n° 2, soit après le 6 décembre 2013 ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation de l'ensemble des préjudices liés aux perturbations subies en cours d'exécution des travaux et ayant entraîné un allongement de la durée du chantier reconnu par l'expert, y compris, afin de préserver le caractère forfaitaire des coûts exposés au titre de l'exécution des travaux, le prix lié à la location de bungalows pour l'ensemble de la durée de l'allongement constaté, peu important la présence effective de bungalows sur l'ensemble de cette durée ;

- les dépens devront être mis à la charge de la ville de Paris qui devra lui rembourser la provision de 40 000 euros qu'elle a versée à l'expert ;

- les frais exposés et non compris dans les dépens comprennent une somme de 35 000 euros au titre de frais d'assistance au cours de l'expertise, effectivement versés à M. B..., en qualité d'expert technique, 35 000 euros au titre des frais d'avocat et 10 000 euros de frais de procédure ;

- il ne peut être fait droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par des parties dont elle n'a pas demandé la condamnation et qui ont été attraites à la cause à la demande de la ville de Paris.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2023, la ville de Paris conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Eurovia Ile de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le décalage du démarrage des travaux de construction du bâtiment de 14,5 mois ne démontre pas, à lui seul, que le lot n°9 aurait été une cause majeure de retard du chantier ;

- le maître d'œuvre est exclusivement ou, à tout le moins, très majoritairement responsable de l'allongement calendaire du chantier lié aux travaux de ce lot ;

- c'est le maître d'œuvre qui a commis une faute en proposant la réception des fonds de forme alors qu'elle s'est montrée pro-active pour débloquer la situation en confiant les travaux de reprise à la société Colas ;

- dès lors que le montant contractuel des travaux n'était pas atteint, la société Eurovia n'était en aucun cas fondée à suspendre ses travaux en février 2014 ;

- la seule circonstance que le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre n'aient pas fait usage de la possibilité dont ils disposaient, en vertu des articles 14 et 15 du CCAG Travaux, d'ordonner à la société Eurovia des prestations supplémentaires ou modificatives par ordre de service pour lui imposer d'exécuter les travaux restant à réaliser en fin de chantier ne permet en aucun cas de caractériser une quelconque faute de la maîtrise d'ouvrage ;

- l'avenant n°2 avait pour objet d'intégrer tous les surcoûts liés à l'allongement du délai d'exécution du marché au-delà de ses prévisions initiales ;

- les bungalows ayant été retirés avant la fin du chantier, il convient de soustraire le montant de location des bungalows du montant de l'indemnité.

Par un mémoire en observations enregistré le 25 juillet 2023, la société Omnium General d'Ingenierie (OGI), représentée par Axial Avocats, demande que soit mise à la charge de la société Eurovia Ile de France une somme de 3 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

Par un mémoire en observations enregistré le 13 septembre 2023, la société Pena paysages, représentée par la SCP Raffin et Associés, demande que soit mise à la charge de la société Eurovia Ile de France une somme de 3 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

Par un mémoire en observations enregistré le 27 septembre 2023, la société OTCI, représentée par la SELAS Cabinet Perreau, demande que soit mise à la charge de la ville de Paris une somme de 1500 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

La société Atelier d'architecture Frank Hammoutene, représentée par Me Goulet a présenté des observations, enregistrées le 2 octobre 2023.

Par ordonnance du 14 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2023 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 26 juin 2023, par laquelle la présidente de la cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. C....

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Meyer, représentant la société Eurovia Ile-de-france, de Me Sagalovitch, représentant la ville de Paris, de Me Spoerry, représentant la société Pena paysages et de Me Fernet, représentant la société OTCI.

Considérant ce qui suit :

1. Par un appel d'offres ouvert, la ville de Paris a engagé une procédure d'attribution d'un marché public de travaux, à prix global et forfaitaire, relatif à l'aménagement des pelouses centrales de l'hippodrome d'Auteuil, situé dans le Bois-de-Boulogne à Paris, comprenant neuf lots séparés. La société Eurovia Ile-de-France s'est vu attribuer le lot n° 3 " voirie, réseaux divers, petites maçonneries, mobiliers standards " pour un montant prévisionnel de 4 453 038,39 euros HT et pour une durée d'exécution des travaux fixée à vingt-et-un mois. Par deux avenants signés les 20 février 2012 et 6 mai 2013, ce montant a été porté à la somme de 4 886 481,11 euros HT. Les travaux ont été réceptionnés le 23 juin 2014. La ville de Paris a établi le décompte général à la somme de 6 181 404,90 euros TTC et l'a notifié à la société Eurovia le 24 mars 2016, qui l'a signé avec réserves le 3 mai 2016. La société Eurovia Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 2 266 006,08 euros TTC au titre du solde du marché. Le tribunal administratif de Paris a, par jugement du 15 mars 2019 dont la société Eurovia Ile de France a relevé appel, donné acte du désistement de cette société de ses conclusions en tant qu'elles portent sur la somme de 31 757,57 euros TTC et a rejeté le surplus de sa demande. Par un arrêt avant dire droit du 21 juillet 2021, la Cour a ordonné une expertise. M. A... C... a déposé son rapport le 31 mars 2023.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

2. L'entreprise titulaire d'un marché a droit au paiement des travaux non-prévus au marché initial qui lui ont été commandés par ordre de service régulier. L'entreprise a également droit, y compris dans le cadre d'un marché à prix global et forfaitaire, au paiement des travaux supplémentaires qui, bien qu'ils aient été réalisés sans ordre écrit ou verbal du maître de l'ouvrage, ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

3. La société Eurovia Ile-de-France demande le paiement d'une somme de 37 985,89 euros TTC correspondant à huit devis relatifs, selon elle, à des travaux supplémentaires non prévus dans le marché initial et validés par la maîtrise d'œuvre.

S'agissant du devis n° 60 qua du 9 janvier 2013 :

4. Aux termes de l'article 4.5.5 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) commun aux lots 2 à 8 : " Compte prorata : Un compte prorata est prévu au marché ; sa gestion est à la charge du lot 3. Le descriptif du compte est joint en annexe du CCAP ".

5. La société Eurovia Ile-de-France demande le paiement d'une somme de 4 412,57 euros HT correspondant à une partie non retenue par le maître d'ouvrage d'un devis n° 60 qua du 9 janvier 2013 relatif à l'arrêt du chantier jusqu'au 30 avril 2013, d'un montant total de 9 737,57 euros HT. Toutefois, il est constant que la somme demandée correspond à la gestion du compte prorata et à la location de mobilier, alors que ces prestations constituent des obligations du titulaire expressément prévues par les stipulations citées au point précédent. La société Eurovia Ile-de-France n'est dès lors pas fondée à en demander le paiement au titre des prestations supplémentaires, quand bien même le maître d'œuvre aurait mentionné la totalité de son devis dans un document d'accostage qu'il a au demeurant rectifié par la suite.

S'agissant du devis n° 64 ter du 28 mai 2014 :

6. Aux termes de l'article 1.3.2 du CCTP commun aux lots 2 à 8 : " VRD, petites maçonneries, mobiliers standards : Ce lot comprend notamment les prestations suivantes : Démolitions et évacuations du Hangar pelouse A, Terrassement complémentaires, (...) Cette liste n'étant pas exhaustive. ". Aux termes de l'article 8.1 du CCTP du lot n° 3 : " Prescriptions générales : (...) Le prix de terrassement défini au présent marché s'applique explicitement au terrassement du terrain en place quelle que soit sa nature et la profondeur de terrassement, il comprend l'enlèvement des réseaux existants abandonnés. (...) ".

7. La société Eurovia Ile-de-France demande le paiement d'une somme de 2 044 euros correspondant à une partie non retenue par le maître d'ouvrage d'un devis n° 64 ter du 28 mai 2014 relatif à la reprise du nettoyage du terrain pour les terres renforcées - terrains basket hockey (pelouse C), d'un montant de 5 666,08 euros HT. Il résulte toutefois des stipulations citées au point précédent que l'ensemble des terrassement nécessaires à l'exécution du marché sont compris dans le forfait.

S'agissant du devis n° 73 bis du 16 janvier 2013 :

8. La société Eurovia Ile-de-France demande le paiement d'une somme de 2 290,28 euros HT correspondant à un devis n° 73 bis du 16 janvier 2013 relatif à la fourniture et la pose d'une marche supplémentaire. Toutefois, il n'est pas contesté qu'ainsi que l'a relevé la maîtrise d'œuvre, la nécessité de réaliser cette marche supplémentaire résulte d'une erreur de la société requérante sur le positionnement du canal qui n'était pas conforme au plan d'exécution. cette dernière n'est dès lors pas fondée à demander le paiement de cette prestation rendue nécessaire par une mauvaise exécution de ses obligations contractuelles.

S'agissant du devis n° 76 bis du 28 mai 2014 :

9. L'entrepreneur, y compris dans le cas des marchés à prix global et forfaitaire, peut demander à être indemnisé à hauteur des travaux supplémentaires qu'il a réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage dès lors que ces travaux sont indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Il en va ainsi, notamment, sauf stipulations contraires, lorsque l'exécution défectueuse de travaux par une entreprise tierce a pour effet d'obliger l'entrepreneur intéressé à effectuer des travaux non prévus au marché pour rendre les ouvrages en cause aptes à recevoir les installations dont il a la charge.

10. Aux termes de l'article 2.4 du CCTP commun aux lots 2 à 8 : " Limites des prestations entre les différents lots : L'entrepreneur est réputé, par le fait de sa soumission, avoir pris connaissance de la nature et de l'emplacement des travaux (...) De plus, seules les pièces écrites et les plans concernant le présent marché figurent dans le dossier, il est par conséquent précisé que l'entrepreneur doit consulter les limites de prestations des autres lots et prendre connaissance des plans et pièces écrites de ces lots, ainsi que tous les raccordements avec ces lots ou les surfaces existantes dus au titre du présent marché. / De ce fait, l'entrepreneur du présent marché ne pourra prétendre ignorer les prestations et obligations des éventuels autres corps d'état dont les travaux peuvent être exécutés en liaison avec les siens (...). Lorsqu'un corps d'état doit exécuter ses ouvrages consécutivement aux travaux d'un ou de plusieurs corps d'état, il a obligation de vérifier et de prendre, sous sa responsabilité, les travaux du ou des corps d'état précédents, du fait même qu'il entreprend sans réserve son propre travail (...) ". Si ces stipulations mettent à la charge de l'entrepreneur une obligation de co-activité avec les titulaires des autres lots, et lui imposent de réaliser les travaux non effectués par un autre corps d'état ou nécessitant des reprises, elles ne peuvent être interprétées comme excluant le paiement des travaux supplémentaires indispensables à l'exécution de son lot, alors même qu'ils seraient rendus nécessaires à la suite une erreur commise par un autre corps d'état.

11. La société Eurovia Ile-de-France demande le paiement d'une somme de de 3 085,50 euros HT correspondant à un devis n° 76 bis du 28 mai 2014 relatif à l'enlèvement des terres végétales sur zones dallées et terres renforcées, dont la prise en compte lui a été refusée au motif que cette prestation correspondait au non-respect du plan d'exécution par le titulaire du lot n° 7 qui aurait dû intervenir postérieurement à l'intervention de la société requérante. Il résulte de l'instruction que ces travaux, non compris au forfait, étaient indispensables à la remise en état du site avant l'intervention de la société Eurovia Ile-de-France.

S'agissant du devis n° 92 bis du 20 novembre 2014 :

12. La société Eurovia Ile-de-France demande le paiement d'une somme de 625 euros HT correspondant à un devis n° 92 bis du 20 novembre 2014 relatif à une intervention complémentaire en étanchéité de la rivière (Pelouse A). Il résulte de l'instruction que le paiement de cette prestation a été refusé au motif que les surcoûts demandés par la société requérante seraient liés à la coactivité, en raison de leur réalisation après l'intervention du lot n° 6. Toutefois, il est constant que ces travaux, non prévus au marché, présentaient un caractère indispensable à la bonne exécution du lot n° 3.

S'agissant du devis n° 99 du 3 juin 2013 :

13. Aux termes de l'article 1.2.3 du CCTP commun aux lots 2 à 8 : " Propreté : Une attention particulière sera prise par les entreprises pour protéger les pistes adjacentes aux pelouses ainsi que les traversées de pistes au niveau des passages sablés entre les pelouses. / L'entreprise devra veiller à laisser le site propre et à déposer ses protections et ses barriérages aux différentes traversées de pistes au plus tard à 16h00 les veilles de courses. Il est a noté que les différents engins de terrassement et de démolition devront être placés sur des lieux de parkings préalablement définis, sur le site ou à sa proximité. ".

14. La société Eurovia Ile-de-France demande le paiement d'une somme de 1 056 euros HT correspondant à un devis n° 99 du 3 juin 2013 relatif à l'évacuation de déblais stockés aux abords du terrain de rugby. Il résulte toutefois de l'ordre de service du 29 mai 2013 " sans incidence financière " que " Un volume de déblais évalué à 200 m3 s'est accumulé le long du terrain de rugby, côté ouest. Le groupement Cochery/Eurovia en est responsable pour une partie estimée à 20 %. Il est demandé à l'entreprise de mettre en œuvre les moyens nécessaires à l'évacuation de ses déblais en décharge, avant le 24/05/2013 ". Dès lors, l'évacuation des déblais mentionnés par le devis relevait de la responsabilité de la société Eurovia Ile-de-France en application des stipulations citées au point précédent qui mettent à sa charge une obligation générale de propreté.

S'agissant du devis n° 118 du 6 décembre 2013 :

15. Aux termes de l'article 1.1 du CCTP commun aux lots 2 à 8 : " Objet du présent CCTP : L'entreprise comprend toutes les études, travaux et fournitures nécessaires à la parfaite réalisation des prestations, telles que définies ci-après dans le présent C.C.T.P., cette liste n'étant pas limitative. ". Si ces stipulations mettent à la charge des entrepreneurs l'ensemble des études nécessaires à la réalisation des prestations incluses dans le forfait, elles ne sauraient être interprétées comme incluant également les études induites par les modifications des travaux demandées par le maître d'œuvre, y compris les devis complémentaires et dossiers des ouvrages exécutés (DOE).

16. La société Eurovia Ile-de-France demande le paiement d'une somme de 17 230,60 euros HT correspondant à une partie non retenue par le maître d'ouvrage d'un devis n° 118 du 6 décembre 2013 relatif aux études complémentaires et DOE pour les travaux de la phase 2 (pelouse A), d'un montant de 17 925,60 euros HT. Toutefois, la société requérante ne justifie par aucun document de la réalité des études visées par ce devis, au demeurant non produit à l'instance, et des travaux auxquels elles se rapportent, à l'exception des prestations d'essai et de mise en service relatives au poste HTA et exclues de l'avenant n° 2, pour un montant de 2 393,75 euros HT. La société requérante n'est ainsi fondée à demander la prise en compte de ce devis qu'à hauteur de la somme de 2 393,75 euros HT.

S'agissant du devis n° 124 du 24 mars 2014 :

17. La société Eurovia Ile-de-France demande le paiement d'une somme de 1 275 euros HT correspondant à une partie non retenue par le maître d'ouvrage d'un devis n° 124 du 24 mars 2014 relatif au chargement et transport de dalles granit inutilisées, d'un montant de 2 550 euros HT. Il résulte toutefois de l'instruction que cette prestation, réalisée à la demande de France Galop, société utilisatrice du site pendant les travaux, a été effectuée sans ordre de service et sans demande du maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre. Par ailleurs, la société Eurovia n'apporte aucune démonstration du caractère indispensable de cette prestation.

S'agissant du montant des travaux supplémentaires :

18. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11, 12 et 16 que la société Eurovia Ile-de-France est fondée à demander la condamnation de la ville de Paris à lui verser une somme de 6 104,25 euros au titre des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés.

19. La société Eurovia Ile-de-France n'est cependant pas fondée à demander que cette somme soit augmentée de la révision des prix, en l'absence de démonstration d'un décalage entre l'établissement des devis et l'exécution des travaux et dès lors qu'il n'est pas davantage démontré que les devis ont été établis sur la base des prix unitaires figurant au marché.

En ce qui concerne l'allongement de la durée du chantier :

S'agissant de la responsabilité de la ville de Paris :

20. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues, c'est-à-dire des sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

21. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que l'allongement de la durée du chantier a pour origine plusieurs fautes directement imputables au maître d'ouvrage ayant impacté " le chemin critique " du marché, à savoir le décalage des travaux du lot n° 9 " Bâtiment Vestiaire " réalisés par l'entreprise Gagneraud qui se sont achevés le 20 novembre 2013, la société Eurovia Ile-de-France s'étant trouvée dans l'impossibilité d'intervenir avant l'achèvement de ces travaux compte tenu de leur ampleur et de l'absence de coordination de la part de l'OPC, l'état dégradé des fonds de forme laissés par l'entreprise Gagneraud en novembre 2014 et la décision du maître d'ouvrage de réceptionner ces travaux sans exiger de cette entreprise qu'elle exécute les travaux de reprise, ainsi que la gestion du marché au cours de la phase 2 des travaux, dès lors que le maître d'œuvre n'a pas émis en temps voulu, à la demande du maître d'ouvrage, les ordres de service nécessaires à la poursuite du chantier, laissant perdurer des discussions sur les aspects financiers qui ont entrainé des retards de décision et des décalages des travaux. Il résulte également des conclusions de l'expert que les diverses causes imputables à Eurovia alléguées par la ville de Paris sont survenues, si elles se sont produites, alors que le chemin critique était déjà impacté par le lot 9 et n'ont donc pu avoir d'effet sur l'allongement du chantier. Si la ville de Paris soutient que le maître d'œuvre est exclusivement ou, à tout le moins, très majoritairement responsable de l'allongement calendaire du chantier lié aux travaux du lot n° 9, il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a ordonné le commencement des travaux des autres lots en connaissance de cause sans prendre en compte dans les documents contractuels l'allongement déjà prévisible de la durée du chantier. Si la ville de Paris soutient également que la deuxième cause de retard est imputable à la faute du maître d'œuvre qui a proposé la réception des fonds de forme alors qu'elle s'est montrée " pro-active " pour débloquer la situation en confiant les travaux de reprise à la société Colas, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que le maître d'ouvrage a prononcé la réception en étant informé de l'état insatisfaisant des fonds de forme laissés par l'entreprise Gagneraud. Enfin, si la ville de Paris fait également valoir que la dernière cause de retard est due aux prétentions financières de la société requérante qui a souhaité interrompre les travaux en février 2014 alors que le montant contractuel des travaux n'était pas atteint, il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a fait le choix de retarder le chantier du fait des différents financiers avec la société Eurovia Ile-de-France alors qu'il pouvait faire usage de la possibilité dont il disposait, en vertu des articles 14 et 15 du CCAG Travaux, d'ordonner à cette société des prestations supplémentaires ou modificatives par ordre de service pour lui imposer d'exécuter les travaux restants à réaliser en fin de chantier.

22. Il résulte de l'instruction que l'allongement global du chantier du lot n°3 lié à l'addition des fautes commises par le maître d'ouvrage telles qu'elles ont été relevées par l'expert est de 13,1 mois, dont 10,6 mois imputables aux travaux du lot n° 9, 2 mois imputables à l'état des fonds de forme laissés par l'entreprise Gagneraud et la décision du maître d'ouvrage de réceptionner ces travaux et 0,5 mois imputable à la gestion du marché au cours de la phase 2 des travaux. Si la ville de Paris soutient que l'avenant n° 2 avait pour objet, outre la modification du montant du marché relative à la réalisation de travaux supplémentaires, la prise en compte des conséquences financières de l'allongement du délai de chantier, excluant ainsi toute indemnisation supplémentaire, il ne ressort pas des termes de cet avenant, qui ne porte que sur les conséquences de l'allongement de la durée du chantier sur le compte prorata, que celui-ci avait vocation à traiter des autres conséquences financières de l'allongement du chantier.

23. Il résulte de ce qui précède que la société Eurovia Ile-de-France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences financières de l'allongement de la durée du chantier imputable aux fautes du maître d'ouvrage.

S'agissant du montant des préjudices :

24. Il résulte de l'instruction, en particulier des conclusions du rapport d'expertise, que le montant des préjudices subis par la société Eurovia Ile-de-France en raison de l'allongement de la durée du chantier peut être calculé, sur la base de l'allongement du chantier de 13,1 mois, desquels il convient de déduire la période d'interruption du chantier du 14 juin au 1er décembre 2013, soit 5,5 mois, en prenant en compte les coûts dépendant de la durée des travaux, lesquels comprennent le coût du conducteur de travaux, la location externe de bungalows, des frais divers liés à l'installation du chantier et, s'agissant des frais liés à la gestion du compte prorata pour la durée de l'allongement du chantier non prise en compte par l'avenant n°2, le coût du conducteur de travaux et les frais généraux. Si la ville de Paris fait valoir que les bungalows auraient été retirés avant la fin du chantier, elle ne produit aucune pièce permettant d'établir la date à laquelle la société requérante aurait procédé à ce retrait, aucune mention d'un tel retrait ne figurant dans le compte rendu de chantier n°85 du 5 février 2013 auquel elle renvoie. Dans ces conditions, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnisation due à la société Eurovia Ile-de-France en raison de l'allongement de la durée du chantier à la somme de 55 542 euros HT retenue par l'expert, laquelle somme comprend la révision des prix.

S'agissant des intérêts moratoires et de leur capitalisation :

25. Il résulte du I l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics alors applicable, que, " pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date de réception du décompte général et définitif par le maître d'ouvrage ". Pour l'application de ces dispositions, reprises à l'article 2 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation par le maître d'ouvrage. Il suit de là que la société requérante a droit aux intérêts moratoires contractuels à compter du 17 juin 2016, soit quarante-cinq jours après la réception par la commune, le 3 mai 2016, de sa réclamation accompagnant la signature avec réserves du décompte général, au taux de 7,05 %. Ces intérêts seront capitalisés le 27 novembre 2017, date d'introduction de la requête de première instance à laquelle était due plus d'une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque date anniversaire.

Sur les dépens :

26. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

27. Dans les circonstances de l'espèce, doivent être mis à la charge définitive de la ville de Paris les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant-dire droit du 21 janvier 2021 et qui ont été liquidés et taxés à la somme de 43 728 euros.

Sur les frais non compris dans les dépens :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Eurovia Ile-de-France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la ville de Paris, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la longueur de la procédure comprenant les opérations d'expertise, de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 10 000 euros au titre des frais exposés par la société Eurovia Ile-de-France au même titre, le choix de l'entreprise de se faire assister par un cabinet de conseil extérieur durant les opérations d'expertise ne pouvant être pris en compte à ce titre. Il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par les sociétés Pena paysages, Omnium General d'Ingénierie et OTCI qui, si elles ont été attraites aux opérations d'expertise, ne sont pas parties à la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1718130/4-2 du 15 mars 2019 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La ville de Paris est condamnée à verser à la société Eurovia Ile de France la somme de 61 646,25 euros HT au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires au taux de 7,05 % à compter du 17 juin 2016 capitalisés le 27 novembre 2017 et à chaque date anniversaire.

Article 3 : Les frais et honoraires de l'expert, taxés et liquidés à la somme de 43 728 euros sont mis à la charge définitive de la ville de Paris.

Article 4 : La ville de Paris versera la somme de 10 000 euros à la société Eurovia Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société Eurovia Ile-de-France, à la ville de Paris, à la Société Pena paysages, à la société Atelier d'architecture Franck Hammoutène, à la société Omnium General d'Ingénierie (ogi), à la société Light cibles, à la société Gagneraud construction et à la société OTCI.

Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Heers, présidente,

Mme Bruston, présidente assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

S. BRUSTON

La présidente,

M. HEERSLa greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19PA01633


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01633
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;19pa01633 ?
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