Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300280 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2023 sous le numéro 2301908, M. C... B..., représenté par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, et subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration étant irrégulier dès lors qu'il ne précise pas si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut ou pas bénéficier d'un traitement approprié, ni si les soins nécessités par son état de santé présentant un caractère de longue durée et s'ils doivent être en l'état poursuivis ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet a méconnu le principe d'égalité ;
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le délai de départ volontaire :
- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours n'est pas motivé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 28 novembre 2023, présenté pour M. B..., est parvenu à la Cour après la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
II. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2023 sous le numéro 2301909, M. C... B..., représenté par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 avril 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'exécution du jugement litigieux risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour lui et ses proches dès lors que l'obligation de quitter le territoire dont il a fait l'objet par l'arrêté du 28 septembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et qu'il y a des moyens sérieux d'annulation du jugement dont il demande le sursis à exécution, eu égard notamment à la violation par cet arrêté des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Un mémoire, enregistré le 28 novembre 2023, présenté pour M. B..., est parvenu à la Cour après la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- et les observations de Me Coulet-Rocchia, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité comorienne, demande l'annulation du jugement du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 28 septembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur la jonction :
2. Les affaires enregistrées sous les n° 23MA01908 et 23MA01909 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger de questions communes. Il y a donc lieu d'y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête tendant à l'annulation du jugement et de l'arrêté litigieux :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué du 28 septembre 2022 vise les textes dont il est fait application, en particulier l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en précisant les éléments déterminants de la situation du requérant, dont son identité, sa date de naissance, la date de son entrée sur le territoire français et les motifs ayant conduit à lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, en visant également l'avis rendu le 29 juillet 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à la suite du contrôle du dossier médical de l'intéressé. Il en ressort également que le préfet des Bouches-du-Rhône a examiné la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant qu'il ne faisait valoir aucun motif exceptionnel, ni considération humanitaires qui justifierait son admission au séjour sur ce fondement, ainsi qu'au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en mentionnant que M. B..., célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et où résident ses parents. Ledit arrêté mentionne en outre que l'intéressé n'établit pas l'existence d'une des protections envisagées par l'article L. 611-3 du code faisant obstacle à qu'il fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'une insuffisance de motivation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. " Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser l'admission au séjour sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Il ressort de l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII que si l'état de santé de M. B..., qui a été amputé des deux jambes au niveau du genou en 2014 à la suite d'un choc septique, nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les certificats médicaux produits par le requérant, dont deux émanant du docteur A... qui indiquent seulement, sans être davantage circonstanciés, que le renvoi dans son pays d'origine lui ferait encourir un risque vital ou une incapacité à se déplacer totale, ne remettent pas utilement en cause cette appréciation. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour M. B... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine, ni sur la durée nécessaire d'un tel traitement. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux serait illégal par voie de conséquence de l'illégalité de cet avis, alors au demeurant que cet arrêté n'a pas été pris pour l'exécution de cet avis qui n'en constitue pas davantage la base légale, doit donc, en tout état de cause, être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
7. Si M. B... soutient que la décision lui refusant l'attribution d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucune précision quant à la nature des liens qu'il aurait tissé en France, ni sur leur intensité, alors que sa seule présence sur le territoire français et les soins médicaux dont il y a bénéficié ne sauraient à eux seuls en justifier, et qu'il ne conteste pas que ses parents résident aux Comores, où il n'est dès lors pas dépourvu de liens familiaux. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
8. D'une part, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français assortit un refus de titre de séjour, la motivation de celle-ci se confond avec celle du refus de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que le refus de séjour est lui-même motivé, de mention spécifique pour respecter les exigences de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne seraient pas compatibles avec les objectifs de cette directive. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision de refus de séjour est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la mesure d'éloignement en litige doit être écarté.
9. D'autre part, si le requérant soutient que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu le principe d'égalité eu égard à la motivation de son arrêté quant à l'obligation de quitter le territoire, il n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
10. En outre, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 7 du présent arrêt que la décision refusant un titre de séjour à M. B... est légale. Ce dernier n'est donc pas fondé à soutenir que la décision de l'obligation à quitter le territoire serait illégale par voie de conséquence de celle lui refusant la délivrance de ce titre.
11. Enfin, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
12. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision./ L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas./ Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. "
13. Il ne résulte pas de ces dispositions, ni d'aucune autre, que l'autorité administrative devrait, lorsqu'elle édicte une obligation de quitter le territoire, l'assortir d'une motivation spécifique sur son choix de ne pas accorder un délai supérieur au délai de principe de trente jours. Ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté.
Sur la requête tendant au sursis à exécution du jugement :
14. Par le présent arrêt, il est statué sur la requête d'appel dirigée contre le jugement du 11 avril 2023 du tribunal administratif de Marseille. En conséquence, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 23MA01909.
Article 2 : La requête n° 23MA01908 de M. B... et le surplus des conclusions de sa requête n° 23MA01909 sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer ainsi qu'à Me Coulet-Rocchia.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2023.
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Nos 23MA01908, 23MA01909