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14/12/2023 | FRANCE | N°22DA01968

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 14 décembre 2023, 22DA01968


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'enjoindre aux parties de réaliser une médiation et de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles la société NRL a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société au titre de la période couvrant les années 2009 à 2011, ainsi que des

pénalités correspondantes.



Par un jugement no 2000034 du 21 juillet 2022, le tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'enjoindre aux parties de réaliser une médiation et de prononcer la décharge ou, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles la société NRL a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 et des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de cette société au titre de la période couvrant les années 2009 à 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 2000034 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2022, M. B... D..., représenté par Me Saidi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) en tant que de besoin, d'enjoindre aux parties de réaliser une médiation ;

3°) de prononcer la décharge de l'imposition réclamée à la société NRL ou, à titre subsidiaire, la réduction de cette imposition à hauteur de la somme de 7 442 euros correspondant au montant des pénalités qui lui a été assigné ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 213-7 du code de justice administrative ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le mémoire en défense de l'administration était irrecevable ;

- la procédure de vérification de comptabilité de la société NRL était irrégulière dès lors que l'avis de vérification a été envoyé à une adresse erronée et a été reçu par un tiers, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne démontre pas la notification régulière de la proposition de rectification adressée à la société NRL ;

- l'imposition mise à sa charge est disproportionnée et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'administration ne pouvait pas simultanément assortir les impositions d'intérêts de retard et de majorations ;

- la mise en demeure qui lui a été adressée était insuffisamment motivée ;

- la procédure de recouvrement de l'impôt a méconnu l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il est fondé à invoquer l'irrégularité du recouvrement des impositions à son égard ;

- l'administration ne pouvait pas engager à son encontre une action de recouvrement en l'absence d'un jugement pénal définitif ;

- l'action de mise en recouvrement engagée dix ans après les années d'imposition a méconnu le principe de sécurité juridique ;

- l'administration a méconnu l'autorité de la chose jugée et le principe d'égalité en ne recouvrant l'imposition en litige qu'à son égard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) NRL, dont M. B... D... était gérant et détenait la moitié du capital social, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle cette société a été assujettie à des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période couvrant les années 2009 à 2011.

2. Par un jugement du 16 mars 2017, le tribunal correctionnel de Lille a déclaré M. B... D... coupable de faits de fraude fiscale pour avoir soustrait volontairement et frauduleusement la SARL NRL au paiement des droits de taxe sur la valeur ajoutée dus au titre de la période couvrant les années 2009 à 2011 et des cotisations d'impôt sur les sociétés dues au titre des exercices clos en 2010 et 2011, l'a condamné pour ces faits à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 5 000 euros, et l'a déclaré solidairement tenu avec la SARL NRL au paiement des impôts fraudés ainsi que des majorations fiscales en application de l'article 1745 du code général des impôts.

3. M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge ou la réduction des impositions et des pénalités correspondantes mises à la charge de la société NRL, au paiement desquelles il est solidairement tenu. Toutefois, par un jugement du 21 juillet 2022 dont M. B... D... relève appel, le tribunal a rejeté cette demande.

Sur la demande de médiation faite devant le tribunal et devant la cour :

4. Aux termes de l'article L. 231-7 du code de justice administrative : " Lorsqu'un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel est saisi d'un litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu l'accord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre celles-ci ". Aux termes de l'article L. 213-10 du même code : " Les décisions prises par le juge en application des articles L. 213-7 et L. 213-8 ne sont pas susceptibles de recours. ".

6. Si M. B... D... a demandé au tribunal qu'il soit enjoint aux parties de réaliser une médiation, l'administration s'est expressément opposée à une telle mesure dans son mémoire enregistré le 12 avril 2022. Dès lors et en tout état de cause, le tribunal a pu sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 231-7 du code de justice administrative, rejeter les conclusions de M. B... D... présentées à cette fin. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande réitérée devant la Cour.

Sur la régularité du jugement :

7. Aux termes de l'article 408 de l'annexe II au code général des impôts : " I. - 1° Le directeur départemental des finances publiques (...) ou, s'agissant des impositions et pénalités établies à l'initiative d'une direction spécialisée des finances publiques ou d'un service à compétence nationale, le directeur chargé de cette direction ou de ce service a seul pouvoir de : / a) Statuer sur les réclamations contentieuses mentionnées à l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; / (...) / 1° bis. Le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel est situé le siège du tribunal administratif ou, s'agissant des impositions et pénalités établies par une direction spécialisée des finances publiques ou un service à compétence nationale, le directeur chargé de cette direction ou de ce service, a seul pouvoir (...) de représenter l'Etat devant le tribunal administratif dans les instances engagées à la suite de ces réclamations (...) ; / (...) ; / II. - Pour l'exercice de leurs attributions en matière contentieuse (...), les directeurs mentionnés au I peuvent déléguer leur signature, dans les limites et conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget, aux agents placés sous leur autorité qui ne bénéficient pas de la délégation mentionnée au III. / III. - A compter du jour où prend effet l'acte les nommant dans leurs fonctions, les responsables des services dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé du budget et les agents chargés de leur intérim peuvent signer, au nom du directeur sous l'autorité duquel ils sont placés, les décisions et actes mentionnés au I. Cet arrêté fixe également les conditions et les limites de la délégation. (...) ".

8. Le II de l'article 212 de l'annexe IV au même code dispose : " Les agents exerçant leurs fonctions dans les services de direction peuvent en outre recevoir une délégation de signature à l'effet : 1° de présenter devant les juridictions administratives ou judiciaires des requêtes, mémoires, conclusions ou observations (...) ".

9. Si M. B... D... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont admis la recevabilité du mémoire en défense enregistré le 23 juin 2020, il ne résulte pas de l'instruction que son signataire, lequel disposait d'une délégation de signature à cette fin consentie par une décision du 4 mai 2020 du directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord, aurait été en situation de " conflit d'intérêt " du simple fait qu'il exerçait par ailleurs les fonctions de conciliateur fiscal départemental, et ce quand bien même le requérant sollicitait une procédure de médiation.

10. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. B... D..., aucun texte ni principe général du droit n'impose qu'un arrêté accordant une délégation de signature comporte une " durée de validité ".

11. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif doivent être écartés.

Sur la régularité de la procédure d'imposition de la SARL NRL :

12. En premier lieu, M. B... D... a réitéré en appel ses moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Toutefois, il n'a apporté aucun élément nouveau, de fait ou de droit, de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens aux points 6 à 9 du jugement attaqué. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de les écarter.

13. En second lieu, la personne déclarée débiteur solidaire, sur le fondement de l'article 1745 du code général des impôts, dispose des mêmes droits que le débiteur principal pour contester les impositions de ce dernier, tant que subsiste la solidarité. Par suite, la mise en demeure de payer une imposition adressée à un contribuable sur le fondement d'une décision du juge judiciaire ayant condamné l'intéressé à la solidarité avec un autre contribuable constitue un événement de nature à rouvrir le délai de réclamation au sens des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

14. Si la mise en demeure adressée à M. B... D... a ainsi constitué un événement, au sens de ces dispositions, qui lui ouvrait un droit propre de réclamation pour contester, devant l'administration, l'assiette et le calcul des impositions mises à la charge de la SARL NRL dans le délai prévu à cet article, M. B... D... a exercé ce droit puisqu'il a présenté une réclamation le 28 décembre 2018. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir, en invoquant le principe du respect des droits de la défense, qu'il n'a pas été en mesure de contester le principe et l'assiette des impositions en litige.

Sur le bien-fondé des impositions mises à la charge de la SARL NRL :

15. M. B... D... soutient que les impositions mises à la charge de la SARL NRL et dont il est redevable solidairement sont disproportionnées au regard de sa situation familiale et personnelle et méconnaissent, de ce fait, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, à supposer même qu'il soit dirigé contre l'imposition à laquelle a été assujettie la SARL NRL, ce moyen est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition établie en application de la loi fiscale à l'encontre de la société dont l'intéressé était le gérant et détenait la moitié du capital social.

Sur les intérêts de retard et les pénalités :

16. Contrairement à ce que soutient M. B... D..., lorsque, comme en l'espèce, un contribuable n'a pas satisfait, dans les délais légaux, aux obligations déclaratives auxquelles il était tenu, l'ensemble des droits dus à ce titre, qu'ils fassent ou non l'objet d'une déclaration ultérieure, peut être soumis, outre l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, aux majorations prévues par l'article 1728 du même code. Dès lors, l'administration a pu à bon droit soumettre les droits dus par la SARL NRL, d'une part, à l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts, et, d'autre part, à la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du même code.

Sur le recouvrement des impositions à l'encontre de M. B... D... :

17. Si M. B... D... conteste tant la régularité que le bien-fondé de la procédure de recouvrement des impositions dues par la SARL NRL et dont il est redevable solidairement en exécution du jugement du tribunal correctionnel de Lille du 16 mars 2017, de tels moyens sont sans incidence sur l'assiette de l'impôt mis à la charge de cette société, objet du présent litige. Ils doivent donc être écartés comme inopérants.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 30 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°22DA01968

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01968
Date de la décision : 14/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SAIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-14;22da01968 ?
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