La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2023 | FRANCE | N°23PA01164

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 13 décembre 2023, 23PA01164


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 3 janvier 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français.



Par un jugement n° 2300135 du 9 mars 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 20 mars 2023, M. A.

.., représenté par Me Compin-Nyemb, demande à la Cour :



1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2023 ;



2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 3 janvier 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2300135 du 9 mars 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2023, M. A..., représenté par Me Compin-Nyemb, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2023 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 3 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 janvier 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A..., ressortissant ivoirien, né en 1990, à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. A... fait appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 janvier 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français.

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée et qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° / (...) / 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail / (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions de l'arrêté du 3 janvier 2023, que pour obliger M. A... à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que, d'une part, l'intéressé, qui ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, que, d'autre part, il n'est pas titulaire d'une autorisation de travailler en France et qu'enfin, son admission en France au titre de l'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 17 juin 2019 et qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français depuis lors.

5. Tout d'abord, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché l'obligation de quitter le territoire français d'un défaut d'examen de la situation de M. A.... En particulier, si le requérant justifie en appel comme en première instance qu'il est entré en France, pour la dernière fois, le 30 octobre 2017 sous couvert d'un visa Schengen en cours de validité, il ne peut toutefois reprocher au préfet de la Seine-Saint-Denis d'avoir considéré qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français à la date de la décision attaquée dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que, lors de son interpellation qui a précédé l'intervention de l'obligation de quitter le territoire français, M. A... n'a pas été en mesure de présenter un " document transfrontière ". Par suite, ce moyen doit être écarté.

6. Ensuite, si le requérant indique qu'il exerce une activité professionnelle en France depuis plusieurs années et qu'il travaille au sein de la société "C... " depuis le 1er juin 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a commis aucune erreur de fait en considérant que l'intéressé n'était pas titulaire d'une autorisation de travailler en méconnaissance des dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de travail présentée par la société " C... " afin que M. A... puisse y exercer le métier d'agent polyvalent, a été établie le 17 février 2023, soit après l'intervention de l'obligation de quitter le territoire français attaquée, et qu'au surplus, cette demande n'a pas été visée par les services du ministre chargé de l'emploi. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de fait doit être écarté.

7. Enfin, si M. A... soutient qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, il ne peut utilement en discuter à l'appui de ses conclusions qui tendent seulement à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les faits de prise de nom d'un tiers et de défaut de permis de conduire relevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis dans son arrêté du 3 janvier 2023 servent uniquement à justifier, au titre de la menace pour l'ordre public, le risque que le requérant se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français et, par suite, à fonder la décision du 3 janvier 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'octroyer à M. A... un délai de départ volontaire en application des dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale / (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est le père d'une fille, née en France le 5 septembre 2019, qu'il a reconnue le 18 mars 2019, ne vit pas avec la mère de son enfant et n'a jamais vécu avec elles. Le requérant justifie, par la production de plusieurs factures d'achat ainsi que quelques certificats médicaux, qu'il a effectivement contribué à l'éducation et à l'entretien de sa fille depuis sa naissance jusqu'en septembre 2020. Toutefois, si, par un jugement avant dire droit du 20 septembre 2021, le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Paris a décidé, à titre provisoire, que l'autorité parentale sera exercée conjointement par les deux parents et que l'enfant résidera chez la mère, M. A... ne fournit pas plus en appel qu'en première instance d'éléments attestant qu'il aurait effectivement exercé le droit de visite et d'hébergement que le juge aux affaires familiales lui avait pourtant accordé, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé loue un logement personnel depuis le 19 février 2022. Par ailleurs, si M. A..., qui est tenu de verser à la mère de sa fille une contribution mensuelle de 85 euros pour l'entretien et l'éducation de celle-ci en vertu du jugement avant dire droit du 20 septembre 2021, produit en appel comme en première instance des relevés bancaires faisant apparaître qu'il a versé à la mère de son enfant à cinq reprises, entre janvier 2022 et novembre 2022, une somme variant de 50 euros à 200 euros, il ne peut être regardé comme ayant contribué régulièrement à l'entretien de sa fille, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant perçoit un salaire mensuel moyen d'environ 1 600 euros depuis le 1er juin 2021. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le requérant ne peut être regardé comme ayant contribué régulièrement à l'entretien de sa fille ni effectivement à son éducation depuis le 20 septembre 2021, soit depuis un an et quatre mois à la date de la décision attaquée. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui est célibataire en France, serait dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. Dans ces conditions, et alors même qu'il exerce une activité salariée depuis le 1er juin 2021, la décision attaquée n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, ni n'a porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01164
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : COMPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;23pa01164 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award