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13/12/2023 | FRANCE | N°22PA01809

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 13 décembre 2023, 22PA01809


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête n° 2015389, la société par actions simplifiée Oscar a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution complémentaire de crédits d'impôt recherche et innovation dont elle s'estime titulaire au titre des exercices clos en 2017 et 2018.



Par une requête n° 2021477, la société Oscar a demandé au même tribunal de prononcer la restitution complémentaire d'un crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire au tit

re de l'exercice clos en 2019.



Par un jugement n°s 2015389/2-1, 2021477/2-1 du 22 février 2022,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête n° 2015389, la société par actions simplifiée Oscar a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution complémentaire de crédits d'impôt recherche et innovation dont elle s'estime titulaire au titre des exercices clos en 2017 et 2018.

Par une requête n° 2021477, la société Oscar a demandé au même tribunal de prononcer la restitution complémentaire d'un crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire au titre de l'exercice clos en 2019.

Par un jugement n°s 2015389/2-1, 2021477/2-1 du 22 février 2022, le Tribunal administratif de Paris, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2022, la société Oscar, représentée par Me Malric, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 février 2022 ;

2°) de prononcer la restitution complémentaire de crédits d'impôt recherche et innovation dont elle s'estime titulaire au titre des exercices clos en 2017 et 2018 ainsi que celle d'un crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire au titre de l'exercice clos en 2019 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser les intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale a fait une inexacte application des dispositions du b) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ;

- elle a méconnu les énonciations du paragraphe 320 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 ainsi que le guide du crédit d'impôt recherche ;

- elle ne peut refuser le bénéfice du crédit d'impôt au motif qu'elle a collaboré avec une autre entreprise dans la poursuite de projets de recherche et développement ; elle a réalisé des activités de recherche en son nom propre et avec ses propres compétences.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de remboursement des intérêts moratoires est prématurée ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Oscar, société mère du groupe fiscalement intégré comprenant la société Olfeo, qui exerçait une activité d'édition de logiciels système et de réseau, a demandé à l'administration fiscale la restitution immédiate de crédits d'impôt recherche et innovation à hauteur de 301 889 euros au titre de l'exercice clos en 2017 et de 343 478 euros au titre de l'exercice clos en 2018 ainsi que la restitution immédiate d'un crédit d'impôt recherche à hauteur de 483 087 euros au titre de l'exercice clos en 2019, à raison des dépenses de recherche supportées par ces deux sociétés au cours de ces exercices. L'administration fiscale n'ayant fait droit à ses demandes qu'à raison des dépenses de recherche engagées par la société Olfeo, au cours des exercices clos en 2017, 2018 et 2019, pour des montants respectifs de 284 231 euros, 323 560 euros et 473 546 euros, la société Oscar a porté le litige devant le Tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 22 février 2022, a rejeté ses demandes tendant à la restitution complémentaire de ces crédits d'impôt à hauteur de 17 658 euros au titre de l'exercice clos en 2017, de 19 918 euros au titre de l'exercice clos en 2018 et de 9 541 euros au titre de l'exercice clos en 2019. La société Oscar fait appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin de restitution :

En ce qui concerne la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) / (...) / II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes (...) / (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) / (...) / c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de (...) 50 % des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b (...) / (...) / k) Les dépenses exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité et définies comme suit : / 1° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits autres que les prototypes et installations pilotes mentionnés au a / 2° Les dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation des opérations mentionnées au 1° / 3° Les autres dépenses de fonctionnement exposées à raison des opérations mentionnées au 1° ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de (...) 50 % des dépenses de personnel mentionnées au 2° / (...) ". Il résulte de ces dispositions que seule l'entreprise ou, en cas de groupe fiscalement intégré, l'un de ses membres, qui expose les dépenses de recherche visées au II, qu'elle effectue les opérations de recherche en cause pour son propre compte ou pour le compte d'une entreprise qui lui en confie la réalisation, est, en principe, en droit de bénéficier à ce titre du crédit d'impôt qu'elles instituent.

3. D'autre part, aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise / (...) / Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs (...) à l'occasion d'opérations de recherche ". Aux termes de l'article 49 septies I de la même annexe à ce code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour la détermination des dépenses de recherche (...), il y a lieu de retenir : / (...) / b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires ".

4. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, et compte tenu, le cas échéant, de tous éléments produits par l'une ou l'autre des parties, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

5. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale n'a pas fait droit aux demandes de la société Oscar tendant à la restitution de crédits d'impôt recherche et innovation, dont elle s'estime titulaire, à raison des dépenses de personnel et des autres dépenses de fonctionnement que cette société a exposées à concurrence d'un montant net total de 29 575 euros au titre de l'exercice clos en 2017, de 28 785 euros au titre de l'exercice clos en 2018 et de 31 804 euros au titre de l'exercice clos en 2019, au motif que la société Oscar ne justifie pas avoir réalisé, par ses propres moyens, des travaux de recherche ou d'innovation pour son propre compte ou pour celui de sa filiale qui lui en aurait confié la réalisation.

6. La société Oscar soutient qu'elle a participé, par l'entremise de son président, M. A..., à des travaux de recherche et développement menés en collaboration avec sa filiale, la société Olfeo, dans le cadre de la mise en œuvre des projets " Plateforme de filtrage " et " Shadow IT " et qu'ainsi, les dépenses de personnel et les autres dépenses de fonctionnement qu'elle a engagées à raison de ces travaux au cours des exercices en litige doivent être incluses dans l'assiette des crédits d'impôt recherche et innovation dont elle s'estime titulaire au titre des exercices clos en 2017, 2018 et 2019. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, et contrairement à ce que soutient la société requérante, la collaboration avec sa filiale peut se manifester par des travaux de recherche effectués par la société Oscar soit pour son propre compte, soit pour le compte de la société Olfeo dans le cadre d'une sous-traitance dont l'existence n'est pas établie par la seule production des dossiers techniques élaborés par les deux sociétés. En outre, et en tout état de cause, si la société Oscar, qui n'a d'ailleurs déclaré qu'une activité de holding, indique que M. A... a réalisé divers travaux de recherche indispensables à la réalisation des projets " Plateforme de filtrage " et " Shadow IT ", les fiches de paie de M. A..., produites en première instance au titre des années d'imposition en litige, ne portent que sur la rémunération de celui-ci en sa qualité de président de la société Oscar et ne font donc pas apparaître qu'en dehors de ses fonctions de président, M. A..., dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'il serait titulaire d'un diplôme d'ingénieur dans le domaine de l'informatique ou qu'il aurait acquis une expérience dans ce domaine, aurait été rémunéré, fût-ce pour partie, à raison d'une activité consacrée à la réalisation d'opérations de recherche pour le compte de la société Oscar ou pour celui de la société Olfeo pour la mise en œuvre des projets " Plateforme de filtrage " et " Shadow IT ", le ministre relevant en défense que les crédits d'impôt recherche et innovation que le service a remboursés à la société requérante l'ont d'ailleurs été exclusivement au nom de sa filiale, la société Olfeo, qui fait partie du groupe fiscalement intégré dont l'intéressée est la société mère. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que les dépenses de personnel et les autres dépenses de fonctionnement qu'elle a engagées, au cours des exercices clos en 2017, 2018 et 2019, n'étaient pas éligibles aux crédits d'impôt recherche et innovation prévus à l'article 244 quater B du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

8. En premier lieu, la demande de restitution de crédits d'impôt recherche et innovation a le caractère d'une réclamation préalable au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Par suite, le refus de l'administration fiscale de faire droit à une telle demande ne constituant pas un rehaussement d'imposition, la société Oscar n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement implicite des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative de la loi fiscale énoncée au paragraphe 320 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 du 2 novembre 2016.

9. En second lieu, la société Oscar n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement implicite des dispositions précitées du même article L. 80 A, des commentaires figurant aux pages 9, 15 et 47 du guide du crédit d'impôt recherche, rédigé par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, dès lors que ce guide n'émane ni de l'administration fiscale ni d'un organisme ayant compétence pour connaître des impositions en litige.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Oscar n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires :

11. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés / (...) ".

12. Dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 10 que l'Etat n'a pas à prononcer la restitution des crédits d'impôt en litige, d'une part, et qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a procédé à aucune restitution de ces crédits, d'autre part, les conclusions de la société Oscar tendant à l'application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Oscar demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Oscar est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Oscar et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01809


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01809
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS LEYTON LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;22pa01809 ?
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