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13/12/2023 | FRANCE | N°22PA00602

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 13 décembre 2023, 22PA00602


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme Vivendi a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le rétablissement des déficits reportables déclarés à la clôture de chacun des exercices 2008 à 2011 pour un montant total de 2 401 602 058 euros, dont 930 193 456 euros au titre de la provision rectifiée pour l'exercice 2008, 330 300 000 au titre de la provision rectifiée pour l'exercice 2009, 1 089 161 331 euros au titre de la moins-value à court terme rectifiée pour l'exercice 2010 e

t 48 947 271 euros au titre de la moins-value à court terme pour l'exercice 2011.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Vivendi a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le rétablissement des déficits reportables déclarés à la clôture de chacun des exercices 2008 à 2011 pour un montant total de 2 401 602 058 euros, dont 930 193 456 euros au titre de la provision rectifiée pour l'exercice 2008, 330 300 000 au titre de la provision rectifiée pour l'exercice 2009, 1 089 161 331 euros au titre de la moins-value à court terme rectifiée pour l'exercice 2010 et 48 947 271 euros au titre de la moins-value à court terme pour l'exercice 2011.

Par un jugement n° 1914463/1 du 2 décembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 février 2022 et le 26 octobre 2022 la société Vivendi, représentée par Me Austry et Me Milsztjan, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1914463/1 du 2 décembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer le rétablissement des déficits reportables initialement déclarés à hauteur de 930 193 456 euros au titre de l'exercice clos en 2008, de 333 300 000 au titre de l'exercice clos en 2009, de 1 089 161 331 euros au titre de l'exercice clos en 2010 et de 48 947 271 euros au titre de l'exercice clos en 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour être entaché de contradiction dans ses motifs ;

- dès lors que, lors de l'acquisition des titres en cause, elle n'avait aucune intention, ni aucune possibilité d'exercer une influence sur la gestion opérationnelle de la société NBCU, détenue à 80 % pour une entité tierce, et que ces titres étaient destinés à être cédés dès leur acquisition et non à être détenus durablement, lesdits titres ne peuvent être qualifiés de titres de participation, les événements postérieurs à l'acquisition et l'application du régime mère-fille étant à cet égard sans incidence ;

- les titres en litige constituent ainsi des titres de placement, dont la comptabilisation initiale en titres de participation résulte d'une erreur comptable non délibérée, sans intention d'optimisation fiscale.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- les observations de Me Austry, pour la société Vivendi.

Une note en délibéré, enregistrée le 14 novembre 2023, a été présentée pour la société Vivendi.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de plusieurs vérifications de la comptabilité de la société Vivendi portant sur les exercices 2006 à 2012, l'administration fiscale a procédé à des rehaussements, en base, d'un montant global de 2 401 602 058 euros au titre des exercices 2008 à 2011, résultant de la remise en cause des provisions pour dépréciation et des moins-values à court terme relatives aux titres de la société NBCU, alors inscrits au bilan de la requérante comme titres de placement, à la suite de la requalification de ces titres par le service en titres de participation. Des propositions de rectification ont en conséquence été adressées à la société Vivendi le 18 décembre 2012 au titre des exercices 2006 à 2008, le 23 décembre 2013 au titre des exercices 2009 et 2010, le 19 décembre 2014 et le 10 juillet 2015 au titre de l'exercice 2011. La Commission nationale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires a, dans sa séance du 9 décembre 2016, émis un avis défavorable au maintien des rectifications, que l'administration n'a pas suivi, sauf en ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré mise à la charge de la société requérante, qu'elle a abandonnée. La société Vivendi fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au rétablissement des déficits reportables qu'elle avait constatés à la clôture de chacun des exercices en cause, par réintégration, au sein des déficits rectifiés par le service, de la provision pour dépréciation des titres NBCU d'un montant de 930 193 456 euros au titre de l'exercice 2008, de la provision pour dépréciation de ces mêmes titres d'un montant de 330 300 000 euros au titre de l'exercice 2009, de la moins-value à court terme sur cession d'une partie de ces titres d'un montant de 1 089 161 331 euros au titre de l'exercice 2010 et de la moins-value à court terme sur cession du solde de ces titres d'un montant de 48 947 271 euros au titre de l'exercice 2011.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction dans ses motifs, ce moyen se rattache au raisonnement suivi par le Tribunal administratif et est sans incidence sur sa régularité. Il doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé des rectifications :

En ce qui concerne la qualification des titres NBCU :

3. Aux termes du 4 de l'article 39 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " (...) 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : a. aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans ; b. aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables, quelle que soit la durée de leur détention. Le cas échéant, ces moins-values sont diminuées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B. 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4. ". Aux termes du I de l'article 219 du même code : " (...) a ter. Le régime des plus-values et moins-values à long terme cesse de s'appliquer au résultat de la cession de titres du portefeuille réalisée au cours d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1994 à l'exclusion des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation et des parts de fonds commun de placement à risques ou de société de capital-risque qui remplissent les conditions prévues au II ou au III bis de l'article 163 quinquies B à l'article 1er-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier et qui sont détenues par l'entreprise depuis au moins cinq ans. / Pour les exercices ouverts à compter de la même date, le régime des plus ou moins-values à long terme cesse également de s'appliquer en ce qui concerne les titres de sociétés dont l'actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l'activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte. Il ne s'applique pas non plus aux titres émis par les organismes de placement collectif immobilier ou par les organismes de droit étranger ayant un objet équivalent mentionnés au e du I de l'article L. 214-92 du code monétaire et financier. Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même des actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice ainsi que des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères ou, lorsque leur prix de revient est au moins égal à 22 800 000 euros, qui remplissent les conditions ouvrant droit à ce régime autres que la détention de 5 % au moins du capital de la société émettrice, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable. ". Enfin, aux termes de l'article 145 du même code, dans cette même rédaction : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères (...) est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / (...) b. Les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation. / (...) c. Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans (...) ". Les titres de participation sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Une telle utilité, qui ne saurait se réduire à l'influence ou au contrôle de la société émettrice des titres, peut également être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent, au moment de l'acquisition, l'intention de l'acquéreur de créer un lien durable avec la société émettrice et que cette acquisition, notamment par les prérogatives juridiques qu'elle confère à l'acquéreur, contribue de façon significative à l'exercice de son activité.

4. Les titres qui revêtent, sur le plan comptable, le caractère de titres de participation sont nécessairement soumis au régime des plus-values et moins-values à long terme, que ces titres ouvrent droit ou non au régime des sociétés mères. Il en résulte qu'une inscription de ces titres en comptabilité dans un compte de titres de participation, qui est commandée par le respect de la réglementation comptable à laquelle se réfère la loi fiscale, ne matérialise aucune décision de gestion de l'entreprise. Une telle écriture comptable peut, si la qualification de titres de participation retenue s'avère erronée, être corrigée tant à l'initiative de l'administration que, sous réserve que cette erreur ne revête pas un caractère délibéré, de l'entreprise.

5. Il est constant qu'en contrepartie de la cession, le 11 mai 2004, de la société Vivendi Universal Entertainment (VUE), filiale de Vivendi, à la société NBC, filiale de la société états-unienne General Electric, opération à l'origine de la création de la société NBC Universal (NBCU), Vivendi a obtenu le paiement de 8,002 milliards d'euros, dont 4,929 milliards d'euros sous forme de titres de la société NBCU. A compter du mois de novembre 2006 ces titres de la société NBCU, auparavant détenus indirectement par Vivendi au travers de sociétés holdings intermédiaires, ont été détenus directement par Vivendi, qui les a alors inscrits dans son bilan dans la catégorie " titres de participation ", maintenant ainsi la qualification qui leur avait été donnée dès 2004. Cette détention directe a également porté le pourcentage des titres de NBCU détenus par Vivendi de 18,47 % à 20 %. Le 24 juin 2008, la société Vivendi, estimant avoir commis une erreur comptable, a procédé à un reclassement desdits titres en " titres de placement " dans le compte 273 " titres immobilisés de l'activité de portefeuille " (TIAP), d'une valeur de 6,3 milliards d'euros. Enfin, le 26 septembre 2010, Vivendi a cédé 7,66 % du capital de la société NBCU à la société General Electric pour 1 425 350 137 euros et, le 25 janvier 2011, le reliquat des titres pour 2 794 949 688 euros, accusant à cette occasion une moins-value à court terme totale de 1 138 108 602 euros, qu'elle a déduite de ses résultats imposables. L'administration fiscale a considéré que les titres de la société NBCU ayant en réalité la nature de titres de participation, les produits s'y rattachant relevaient donc du régime des plus-values à long terme, et elle a remis en cause les incidences du reclassement des parts de la société NBCU en titres de placement à compter de l'année 2008 en rejetant la déductibilité du résultat imposable de la requérante des dotations aux provisions constituées ainsi que des moins-values de cessions constatées.

6. Pour soutenir que les titres de la société NBCU en litige ne constituaient pas des titres de participation au sens de la réglementation comptable, mais des titres de placement lui permettant de déduire de son résultat fiscal les dotations aux provisions pour dépréciation des titres en cause et les moins-values de cession afférentes auxdits titres, la société Vivendi fait valoir que son intention lors de l'acquisition de ces titres était leur revente rapide pour se désendetter à brève échéance, sans intention d'exercer une influence sur la gestion de la société NBCU, et que les conditions de leur acquisition, si elles lui ménageaient les moyens de préserver la valeur des titres, ne lui permettaient pas de participer à la gestion effective de l'activité de la société NBCU, dont 80 % des titres étaient détenus par la seule société General Electric.

7. Pour estimer, au contraire, que les titres NBCU en cause revêtent la nature de titres de participation et non celle de titres de placement, catégorie dans laquelle la société Vivendi a reclassé les titres en cause le 24 juin 2008, l'administration cite les déclarations faites dès 2003 par le président-directeur général de la requérante, selon lesquelles : " NBC Universal est une alliance bénéfique pour Vivendi Universal. Cet accord s'est construit dans un partenariat durable ", relève que, dès l'acquisition de ces titres en 2004, la requérante a appliqué aux remontées de dividendes attachés aux titres NBCU le régime des sociétés mères, qui est conditionné à un engagement de conserver les titres durant au moins deux ans, que les dates de cession des titres en cause, initialement prévues entre 2006 et 2011, ont été repoussées jusqu'à 2016 à la faveur de réaménagements dudit accord, que la méthode de consolidation des titres par mise en équivalence, utilisée par la société Vivendi, est prescrite par le code de commerce pour les entreprises sur lesquelles est exercée une " influence notable ", laquelle est présumée lorsque la société mère dispose, directement ou indirectement, d'une fraction au moins égale à 20 % des droits de vote, ce qui est le cas de la requérante, qui détient en outre trois sièges sur quinze au conseil d'administration de la société NBCU, permettant ainsi à l'intéressée de participer effectivement à la gestion de NBCU grâce notamment aux droits de représentation, d'information et d'approbation qui en découlent et au pouvoir de s'opposer à toute opération entraînant une dilution de sa participation. Le service fait en outre valoir que la société requérante s'est comportée en actionnaire actif en participant, en 2007 et en 2008, à des augmentations de capital afin de maintenir son taux de participation au sein de la société NBCU.

8. Il résulte cependant de l'instruction qu'à la date d'acquisition des titres NBCU en litige, la société Vivendi se trouvait en situation de très fort endettement et avait déjà publiquement fait état de sa volonté de se désendetter en cédant ses actifs états-uniens dans le domaine du cinéma et de l'audiovisuel, ce qu'elle a fait le 11 mai 2004 en vendant notamment sa participation dans la société Vivendi Universal Entertainment (VUE) à la société états-unienne NBC, filiale de la société General Electric (GE), pour plus de 8 milliards d'euros dont près de 5 milliards payés en échange de 20 % des titres de cette société NBC, devenue NBC Universal (NBCU), détenus indirectement par la société Vivendi jusqu'en novembre 2006, puis directement par cette dernière à compter de cette date. Les titres litigieux sont ainsi entrés dans le patrimoine de la société Vivendi en tant que simples moyens de paiement aux termes de l'accord qui, conclu entre la société GE et la requérante, garantissait en outre à cette dernière la perception de dividendes trimestriels provenant de la trésorerie de la société NBCU, indices que la motivation de l'intéressée était de valoriser au mieux cet investissement dans un objectif patrimonial devant lui permettre de réduire sa dette. Au demeurant, il résulte des pièces versées aux débats que la communauté financière a analysé les titres NBCU ainsi détenus comme des relevant des éléments de liquidités.

9. Il résulte certes de l'instruction qu'à la date à laquelle Vivendi a initialement acquis ces titres en 2004, aux termes de l'accord définitif conclu le 11 mai 2004 avec General Electric, les statuts de la société NBCU lui ont accordé 3 des 15 sièges au conseil d'administration, ainsi que des droits de veto et d'approbation. Toutefois ce pourcentage de détention ne suffit pas à caractériser la possibilité, ni la volonté pour Vivendi, qui s'était contractuellement réservé la possibilité de revendre ces titres à partir du 19ème mois de détention, d'exercer une influence et encore moins un contrôle sur la société émettrice, dès lors qu'il est constant que les 80 % restants des titres de NBCU étaient détenus par la seule société General Electric, de sorte que les droits que les 20 % de détention du capital de NBCU conféraient à la société Vivendi ne pouvaient être que défensifs. A cet égard, la circonstance que la société Vivendi aurait, par la suite, entendu préserver ce pourcentage en participant à une augmentation de capital de NBCU, tout comme le fait que la requérante a, en définitive, conservé ces titres durant près de 7 ans, sont sans incidence, l'intention de l'acquéreur des titres devant en principe s'apprécier au moment de cette acquisition. Est également sans incidence sur la qualification des titres en litige l'application du régime des sociétés mères aux remontées de dividendes provenant de NBCU, l'inscription de titres ouvrant droit au régime des sociétés mères dans un compte de titres de participation ne constituant pas une présomption irréfragable valant décision de gestion de l'entreprise, et l'utilité pour l'activité de l'entreprise, nécessaire pour qu'une participation capitalistique soit qualifiée de titres de participation, excluant la simple recherche d'une rentabilité financière. Dans ces conditions, la requérante est donc fondée à soutenir que les titres de la société NBCU qu'elle a détenus indirectement dès 2004, puis directement à partir de 2006, ne constituaient pas, pour elle, des titres de participation, mais bien, ainsi que l'a au demeurant considéré la Commission nationale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, des titres de placement, ce qui l'a conduite à procéder à la correction de son erreur comptable en les inscrivant comme tels dans sa comptabilité le 24 juin 2008.

En ce qui concerne la demande de substitution de motif :

10. Toutefois l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier l'imposition en substituant un motif à un autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu du motif substitué. L'administration fiscale demande, à titre subsidiaire, que soit substitué au motif tiré de ce que les titres en litige constituent des titres de participation le motif tiré de ce que l'erreur commise par la société Vivendi en comptabilisant ces titres comme des titres de participation entre 2006 et 2008 a été commise délibérément, de sorte que le contribuable n'était pas en droit de procéder à la rectification d'une erreur de cette nature en reclassant, comme il l'a fait le 24 juin 2008, les actions de la société NBCU en titres de placement.

11. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...), soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) " ; aux termes de l'article L. 59 C du même livre : " La Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du code général des impôts intervient pour les entreprises qui exercent une activité industrielle et commerciale sur les désaccords en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxes sur le chiffre d'affaires dans les mêmes conditions que celles définies à l'article L. 59 A " ; aux termes de l'article L. 59 A de ce livre : " I.- La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition (...) / II.- Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la commission peut se prononcer sur le caractère anormal d'un acte de gestion (...), sur le principe et le montant des amortissements et des provisions ainsi que sur le caractère de charges déductibles des travaux immobiliers ".

12. Il résulte des dispositions citées au point précédent que la question de savoir si une erreur comptable revêt un caractère délibéré, ce qui a pour effet d'interdire au contribuable de procéder à sa rectification, n'est pas susceptible de donner lieu à des questions de fait au sens des dispositions du premier alinéa du II de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, la demande de substitution de motif formulée par l'administration ne prive pas la société Vivendi de la garantie prévue à l'article L. 59 de ce livre.

13. Le ministre soutient qu'en inscrivant les titres de la société NBCU en titres de participation continûment au cours des exercices 2006 à 2008, la société Vivendi a délibérément commis une erreur comptable qu'elle n'était par suite pas en droit de rectifier le 24 juin 2008.

14. Pour combattre ce caractère délibéré, la société requérante se prévaut de la publication, en avril 2008, d'une instruction fiscale relative à la taxation des plus-values sur titres, de ce que l'application du régime de faveur des sociétés mères n'est pas subordonnée au classement des titres détenus en titres de participation et qu'un tel classement ne saurait s'analyser comme traduisant de sa part une volonté d'optimisation fiscale.

15. L'administration, quant à elle, fait valoir que l'instruction fiscale qui, publiée en avril 2008, se borne à commenter le passage progressif du taux d'impôt sur les sociétés de 19 % à 0 % applicable aux plus-values à long terme, ne fait que reprendre la définition des titres de participation inscrite dans la documentation administrative depuis 1999, que la société Vivendi maîtrise parfaitement la législation fiscale de sorte que, compte tenu de la portée financière de l'entrée dans son patrimoine des titres de la société NBCU, le classement comptable desdits titres en 2006 a nécessairement été expertisé, ainsi que ses implications, au nombre desquelles figure le bénéfice d'une exonération fiscale des plus-values escomptées, tandis qu'en l'absence de changement dans les conditions et les perspectives de détention de ces titres entre 2006 et 2008, rien ne justifiait une modification de leur classement, sinon qu'il est apparu au fil du temps que les titres en cause se déprécieraient de façon durable, perspective qui rendait plus attractif le régime fiscal des titres de placement qui permet, à la différence de celui des titres de participation, de déduire du résultat fiscal les provisions pour dépréciation ainsi que les moins-values de cession sur titres. Dans ces conditions, l'administration établit le caractère délibéré de l'erreur comptable ayant consisté, pour la société Vivendi, à classer, dans un premier temps, les titres NBCU en titres de participation, alors surtout qu'ainsi qu'il a déjà été dit au point 9, ces titres ont été reçus à l'occasion de la cession par l'intéressée des actifs de la société VUE dans une perspective de désendettement et de rentabilité financière. Il y a par suite lieu, pour la Cour, d'accueillir la demande de substitution de motif formulée par l'administration, qui est, dès lors, fondée à refuser à la société Vivendi le droit de rectifier l'inscription initiale en titres de participation des titres NBCU en cause, de sorte que ne peuvent qu'être rejetées les conclusions de la requérante tendant au rétablissement des déficits qu'elle a déclarés en tant qu'ils résultent du classement en titres de placement des titres en litige, qui lui a permis de déduire de ses résultats imposables les provisions pour dépréciation et les moins-values de cession concernant ces titres.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vivendi n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Vivendi est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Vivendi et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

L. CHANALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00602
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;22pa00602 ?
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