Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'un trop-versé par la société SetP Global Ratings France d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt pour un montant de 483 441 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2018.
Par un jugement n° 2002625/1-1 du 27 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 décembre 2021 et 2 mars 2022, la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France, représentée par Me Cassan, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2021 ;
2°) de prononcer la restitution d'un trop-versé par la société SetP Global Ratings France d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt pour un montant de 483 441 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a méconnu la charge de la preuve en estimant qu'elle n'a pas apporté la preuve des coûts supportés par tout moyen et plus particulièrement par l'ensemble des modes de preuve prévus par la doctrine administrative ;
- en tout état de cause, elle justifie que les actions attribuées ne sont pas issues d'une augmentation de capital et que le prix d'achat des actions refacturé par la société mère à la société SetP Global Ratings France n'est pas excessif ;
- le service a méconnu le paragraphe 140 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-PTP-20-70-10 du 15 septembre 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Cassan, avocate de la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France.
Une note en délibéré, présentée pour la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France, a été enregistrée le 28 novembre 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La société de droit irlandais SetP Global Ratings Europe Limited a absorbé par fusion, avec effet au 31 juillet 2018, la société par actions simplifiée de droit français SetP Global Ratings France, dont elle était l'unique associée. La société absorbée, qui a été automatiquement dissoute le même jour du fait de l'opération de fusion-absorption, a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 31 août 2018. Par une réclamation du 27 juin 2019, la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France, a demandé à l'administration fiscale la restitution d'un trop-versé par la société SetP Global Ratings France d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt pour un montant total de 483 441 euros au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2018, au motif que la société SetP Global Ratings France avait omis de déduire de son résultat une charge de 1 403 895 euros correspondant à la refacturation des coûts d'attribution gratuite d'actions de la société de droit américain Mc Graw Hill Financial Inc., dénommée ultérieurement la société SetP Global Inc. (ci-après la société mère américaine), à des salariés de la société SetP Global Ratings France, précédemment dénommée la société Standard et Poor's Credit Market Services France (ci-après la filiale française), en exécution d'une convention signée entre ces deux sociétés les 10 et 14 décembre 2015 et prenant effet au 1er janvier 2015, la société américaine étant la mère de la société française. Après le rejet de sa réclamation par l'administration fiscale le 12 décembre 2019, la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France a porté le litige devant le Tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 27 octobre 2021, a rejeté sa demande. Cette société fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans l'hypothèse où les premiers juges auraient méconnu, comme le soutient la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France, les règles d'administration de la preuve pour juger le litige qui leur était soumis tant au regard de la loi fiscale que de son interprétation administrative, une telle méconnaissance, qui se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué, resterait en tout état de cause sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la loi fiscale :
3. Le premier alinéa du I de l'article L. 225-197-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au présent litige, relatif à l'actionnariat des salariés dans les sociétés anonymes, également applicable aux sociétés par actions simplifiées en vertu de l'article L. 227-1 du même code, permet à l'assemblée générale extraordinaire d'une société anonyme d'autoriser " le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre ". En vertu des dispositions de l'article L. 225-197-2 de ce code, alors applicable, les actions peuvent, dans les mêmes conditions que celles mentionnées à l'article L. 225-197-1 précité, être attribuées notamment aux " membres du personnel salarié des sociétés (...) dont 10 % au moins du capital ou des droits de vote sont détenus, directement ou indirectement, par la société qui attribue les actions ".
4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...) / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais/ (...) ". Aux termes du I de l'article 217 quinquies de ce code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Pour la détermination de leurs résultats fiscaux, les sociétés peuvent déduire les charges exposées (...) du fait de l'attribution gratuite d'actions en application des articles L. 225-197-1 à L. 225-197-3 du (...) code [de commerce] / (...) ". En vertu des dispositions combinées du IV de l'article 80 quaterdecies du même code et du I de l'article 38 septdecies de l'annexe III à ce code, dans leur rédaction applicable au présent litige, lorsque l'attribution d'actions gratuites est effectuée par une société dont le siège social est situé à l'étranger et qui est société mère ou filiale de l'entreprise dans laquelle l'attributaire exerce son activité, il incombe à la filiale ou à la société mère française de délivrer " un état individuel aux bénéficiaires (...) d'actions gratuites attribuées à compter du 28 septembre 2012 (...), au plus tard le 1er mars de l'année de dépôt de leur déclaration de revenus souscrite au titre de l'année (...) de l'acquisition définitive des actions gratuites ". Cet état mentionne, notamment, l'objet pour lequel il est établi, la raison sociale et le siège social de la société émettrice des titres et, le cas échéant, celle de l'entreprise qui établit l'état, l'identité et l'adresse du bénéficiaire, le nombre d'actions acquises et leur valeur unitaire à la date d'acquisition définitive ainsi que les dates d'attribution et d'acquisition définitive des actions attribuées gratuitement.
5. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
6. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre du dispositif d'intéressement en actions mis en place en 2002 par la société mère américaine, celle-ci a décidé, en mars 2015, d'attribuer à des salariés de sa filiale française 16 075 actions gratuites. Ces actions ont été définitivement acquises par les salariés bénéficiaires de la filiale française entre janvier et mars 2018. La société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France fait valoir que, le 15 juin 2018, la société mère américaine a adressé à sa filiale française une facture, intitulée " Equity recharge compensation - granted year 2015 ", d'un montant total de 1 622 061,30 dollars ayant pour objet de transférer à la filiale française, conformément aux stipulations de l'article 4 d'une convention signée entre ces deux sociétés les 10 et 14 décembre 2015, les charges correspondant aux rachats d'actions entre 2015 et 2017 par la société mère américaine en vue de leur attribution aux salariés bénéficiaires de sa filiale française en 2018. La filiale française a comptabilisé le remboursement de cette somme à sa société mère américaine au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2018, en débitant le compte de classe 42, personnel et comptes rattachés, et en créditant le compte courant d'associé de sa mère, pour un montant de 1 403 895 euros.
7. La société requérante soutient qu'en application des dispositions précitées du I de l'article 217 quinquies du code général des impôts, les charges de la société mère américaine refacturées à sa filiale française pour un montant de 1 403 895 euros sont déductibles du résultat fiscal de cette dernière au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2018.
8. En produisant en appel comme en première instance la facture émise le 15 juin 2018 par la société mère américaine, honorée par sa filiale française, ainsi que la convention des 10 et 14 décembre 2015 en exécution de laquelle cette facture a été émise, la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France établit, sans être contestée sur ce point par le ministre, la correction de l'inscription en comptabilité des charges litigieuses. En revanche, pour contester le montant des charges dont la société requérante demande la déduction, le ministre fait valoir en défense que ni la facture du 15 juin 2018 ni les autres éléments produits par la société requérante ne font apparaître que les actions rachetées par la société mère américaine entre 2015 et 2017 étaient effectivement destinées à être remises aux salariés de sa filiale française en l'absence de suivi individualisé de ces actions. A cet égard, aucun des documents présentés par la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France, notamment ceux produits pour la première fois en appel, ne justifie que les charges facturées par la société mère américaine, dont le montant est exprimé de manière globale et dont la consistance n'est en outre pas précisée, ont été réellement exposées au profit des salariés de la filiale française, alors que, d'une part, il n'est pas démontré, ni même allégué par la société requérante, que la législation américaine ne prévoirait pas, à la différence des dispositions des articles L. 225-197-1 et L. 225-197-2 du code de commerce applicables au présent litige, que les instances dirigeantes d'une société de capitaux sont tenues de déterminer l'identité des bénéficiaires des attributions d'actions gratuites et que, d'autre part, la société requérante ne produit pas, dans la présente instance, les états individuels délivrés par la filiale française ou tous autres documents probants qui auraient permis, le cas échéant, d'établir, au regard des documents détenus par la société mère américaine, que les actions qui ont été définitivement attribuées aux salariés de la filiale française sont au nombre de celles qui ont été rachetées par la société mère américaine. La circonstance invoquée par la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France que la société mère américaine a racheté 7 577 656 actions entre le 1er janvier 2017 et le 30 janvier 2018 pour un prix moyen d'achat supérieur à celui des 16 075 actions attribuées définitivement à des salariés de la filiale française entre janvier et mars 2018 et qu'ainsi, le volume des actions rachetées excède celui nécessaire pour couvrir le plan de groupe d'attribution d'actions gratuites existantes, est à cet égard sans incidence. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale n'a pas admis la déduction des charges en litige pour un montant de 1 403 895 euros.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
10. La société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative de la loi fiscale énoncée au paragraphe 140 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-PTP-20-70-10 du 15 septembre 2014, selon laquelle " (...) pour les sociétés cotées étrangères dont la législation n'exige pas un suivi particulier des achats et ventes de ses propres titres et lorsque le volume d'actions rachetées excède celui nécessaire pour couvrir (...) le plan de groupe d'attribution d'actions gratuites existantes, il sera admis d'évaluer le prix d'achat des actions en retenant le prix moyen payé par la société pour racheter ses propres titres : / - au cours du mois où les actions gratuites deviennent définitivement acquises. Toutefois, pour la détermination de ce prix moyen, ne sont pris en compte que les acquisitions réalisées avant cette date / (...) ".
11. Toutefois, la société requérante, n'est pas fondée à se prévaloir de cette interprétation, si elle a entendu le faire, dès lors qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, la société SetP Global Ratings France, qui a été imposée conformément à sa déclaration sans faire l'objet d'un rehaussement, n'en a pas fait application lors du dépôt du formulaire n° 2572 de liquidation de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2018 et que, d'autre part, cette société pouvait l'appliquer au moment de sa déclaration qui est intervenue le 15 novembre 2018, l'acquisition définitive des actions en litige ayant eu lieu entre janvier et mars 2018 et la refacturation des frais supposément liés à l'attribution de ces actions étant intervenue le 15 juin 2018. Par suite, ce moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société SetP Global Ratings Europe Limited venant aux droits et obligations de la société SetP Global Ratings France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SetP Global Ratings Europe Limited et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2023.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAU
Le président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06335