Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 30 avril 2019 par lequel le maire de la commune d'Ambon (Morbihan) ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Orange UPR Ouest pour l'installation d'une antenne-relais de radiotéléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section D n° 420 située au lieu-dit " D... ".
Par un jugement n° 1904629 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 22NT01953, les 24 juin et 22 septembre 2022, la commune d'Ambon, représentée par Me Lahalle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 avril 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune d'Ambon soutient que la demande de M. B... devant le tribunal administratif est irrecevable, M. B... n'ayant pas intérêt à agir.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 août et 12 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Matel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune d'Ambon une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par la commune d'Ambon n'est pas fondé ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
La société Orange, représentée par Me Gentilhomme, a produit des observations enregistrées les 26 septembre 2022 et 28 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué.
II. Par une requête et des mémoires enregistrés, sous le n° 22NT01976, les 27 juin, 26 septembre, 14 octobre 2022 et 16 février 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Orange, représentée par Me Gentilhomme, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 avril 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 5 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Orange soutient que :
- la demande de M. B... devant le tribunal administratif est irrecevable, M. B... n'ayant pas intérêt à agir ;
- la décision en litige ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 121-8 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 août et 12 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Matel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Orange UPR Ouest une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Orange ne sont pas fondés.
La commune d'Ambon, représentée par Me Lahalle, a produit des observations enregistrées le 22 septembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dubost ,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- et les observations de Me Colas, représentant la commune d'Ambon, de Me Guranna substituant Me Gentilhomme, représentant la société Orange et de Me Matel, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 30 avril 2019, le maire de la commune d'Ambon (Morbihan) ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société Orange pour l'installation d'une antenne-relais de radiotéléphonie mobile sur la parcelle cadastrée section D n° 420 située au lieu-dit " D... ". M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler cet arrêté. La commune d'Ambon et la société Orange relèvent appel du jugement du 28 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 30 avril 2019 précédemment mentionné.
2. Les requêtes n° 22NT01953 et 22NT01976 présentées respectivement par la commune d'Ambon et la société Orange sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
En ce qui concerne " l'intervention " de la société Orange dans l'instance n° 22NT01953 :
3. La société Orange, bénéficiaire de la décision de non-opposition à déclaration préalable de travaux, était partie en première instance et a fait appel du jugement attaqué dans l'instance enregistrée sous le n°22NT01976. Elle a été invitée par la cour à présenter des observations sur la requête n° 22NT01953 présentée pour la commune d'Ambon. Dès lors, ses écritures doivent être prises en compte en tant que simples observations.
En ce qui concerne " l'intervention " de la commune d'Ambon dans l'instance n° 22NT01976 :
4. La commune d'Ambon, qui ne s'est pas opposée à déclaration préalable de travaux contestée, était partie en première instance et a fait appel du jugement attaqué dans l'instance enregistrée sous le n°22NT01953. Elle a été invitée par la cour à présenter des observations sur la requête n° 22NT01976 présentée pour la société Orange. Dès lors, ses écritures doivent être prises en compte en tant que simples observations.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une autorisation de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
7. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige a pour objet l'implantation d'un pylône treillis d'une hauteur de 30 mètres surmonté de trois antennes d'une hauteur de 2,70 mètres chacune. La maison d'habitation de M. B... est distante de la parcelle d'implantation du projet d'environ 190 mètres. Si les parcelles séparant la propriété de l'intéressé et le pylône projeté sont boisées, ces arbres sont situés à une altitude inférieure à celles de la propriété de M. B... et de l'équipement projeté et ne permettent ainsi pas de masquer ce dernier. En outre, il ressort des pièces du dossier que la maison d'habitation de M. B... se situe à une altitude moins élevée que celle du terrain d'assiette du projet, accroissant ainsi la visibilité de l'antenne depuis la propriété. En outre, M. B... a produit un procès-verbal de constat réalisé par un huissier le 13 février 2020, comportant notamment des photographies, qui établit qu'une partie du pylône litigieux est visible, à l'œil nu, depuis différents endroits de son habitation ainsi que depuis l'extérieur, malgré la présence d'arbres. Ainsi, eu égard à la distance séparant le terrain d'assiette du projet du domicile de l'intéressé, aux caractéristiques du pylône projeté notamment quant à sa hauteur, M. B... justifie que cet ouvrage est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien pour lui conférer un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir à l'encontre de la décision contestée.
8. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme : " En dehors du périmètre des sites patrimoniaux remarquables, des abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement, les constructions nouvelles suivantes doivent être précédées d'une déclaration préalable, à l'exception des cas mentionnés à la sous-section 2 ci-dessus : (...) j) Les antennes-relais de radiotéléphonie mobile et leurs systèmes d'accroche, quelle que soit leur hauteur, et les locaux ou installations techniques nécessaires à leur fonctionnement dès lors que ces locaux ou installations techniques ont une surface de plancher et une emprise au sol supérieures à 5 m2 et inférieures ou égales à 20 m2. " Aux termes de l'article L. 121-8 du même code : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-10 dudit code : " Par dérogation à l'article L. 121-8, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ces opérations ne peuvent être autorisées qu'en dehors des espaces proches du rivage, à l'exception des constructions ou installations nécessaires aux cultures marines. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-11 de ce code : " Les dispositions de l'article L. 121-8 ne font pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d'origine animale ne soient pas accrus. " Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-12 du même code : " Les ouvrages nécessaires à la production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L. 121-8, lorsqu'ils sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées. ".
9. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu ne permettre l'extension de l'urbanisation dans les communes littorales qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants et a limitativement énuméré les constructions, travaux, installations ou ouvrages pouvant néanmoins y être implantés sans respecter cette règle de continuité. L'implantation d'une infrastructure de téléphonie mobile comprenant une antenne-relais et ses systèmes d'accroche ainsi que, le cas échéant, les locaux ou installations techniques nécessaires à son fonctionnement n'est pas mentionnée au nombre de ces constructions. Par suite, elle doit être regardée comme constituant une extension de l'urbanisation soumise au principe de continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
10. D'une part, le schéma de cohérence territoriale de la communauté de communes Arc Sud Bretagne, applicable au litige et auquel la commune d'Ambon appartient, identifie le bourg d'Ambon en tant qu'agglomération et le lieu-dit " Bétahon " en tant que village et la parcelle d'implantation du projet est située en dehors de ces espaces. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et photographies produits, que la parcelle est située au lieudit " D... ", au sein d'un vaste espace naturel et agricole et est isolée de toute construction. Le projet n'est ainsi pas situé au sein d'un secteur déjà urbanisé caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions ni en continuité d'une agglomération ou d'un village existant. La construction d'une antenne-relais constituée d'un pylône treillis en acier de 30 mètres de hauteur, surmonté de trois antennes de 2,70 mètres et ses installations techniques, constitue, par suite, eu égard à la configuration des lieux, une extension de l'urbanisation qui ne pouvait être légalement autorisée au regard des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code l'urbanisme.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Ambon et la société Orange ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté contesté du maire d'Ambon.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement à la commune d'Ambon et à la société Orange de la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune d'Ambon et de la société Orange une somme de 750 euros chacune au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1 : Les requêtes de la commune d'Ambon et de la société Orange sont rejetées.
Article 2 : La commune d'Ambon et la société Orange verseront à M. B... une somme de 750 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ambon, à la société Orange et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01953, 22NT01976