Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur son recours formé contre la décision du 23 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Douala (Cameroun), refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France.
Par un jugement n° 2114323 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer le visa de long séjour sollicité, sous réserve que Mme B... A... bénéficie d'une inscription pour la prochaine année universitaire, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juin 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 juin 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins de maintien illégal sur le territoire ; Mme B... A... n'a pas démontré le caractère sérieux et cohérent de son projet d'études ni la nécessité de poursuivre son cursus en France.
La requête a été communiquée à Mme B... A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Dubost.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante camerounaise née en 2001, s'est vu refuser le visa qu'elle sollicitait afin de poursuivre en France des études de préparation à l'examen du parcours d'accès spécifique santé (PASS), par une décision du 23 septembre 2021 des autorités consulaires françaises à Douala. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre cette décision le 7 octobre 2021. Par un jugement du 20 juin 2022, dont le ministre de l'intérieur relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision implicite et a enjoint au ministre de faire délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois, sous réserve que Mme B... A... bénéficie d'une inscription pour la rentrée universitaire. Par une ordonnance rendue le 4 août 2022 sous le n° 22NT01943, le président de la 5ème chambre de la cour a sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Il ressort des pièces du dossier que l'autorité administrative s'est fondée, pour rejeter la demande de visa, sur la circonstance qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à d'autres fins que celles pour lesquelles un visa pour études est sollicité.
3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, et à des conditions particulières, fixées par l'article 11. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission. ".
4. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de visa de long séjour formée pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 alors en vigueur de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
5. Le point 2.1 de cette instruction, intitulé " L'étranger doit justifier qu'il a été admis dans un établissement d'enseignement supérieur pour y suivre un cycle d'études " indique notamment : " Il présente (...) au dossier de demande de visa un certificat d'admission dans un établissement en France. ". Reprenant le f) du 2 de l'article 20 de cette directive, l'instruction, en son point 2.4 intitulé " Autres vérifications par l'autorité consulaire " indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études. ".
6. Ainsi, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle des juges de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... A..., née en 2001, a obtenu en 2020 le diplôme du baccalauréat avec mention passable puis a suivi au Cameroun un enseignement préparant au brevet de technicien supérieur (BTS) de la filière santé au cours de l'année 2020-2021. Mme B... A... s'est inscrite au sein du centre préparatoire aux carrières médicales pour suivre en France une formation préparant à l'examen du parcours d'accès spécifique santé (PASS) dans le cadre d'un projet professionnel de kinésithérapeute. Toutefois, le service de coopération et d'action culturelle a émis un avis défavorable à sa demande compte tenu des résultats scolaires passables obtenus et elle ne justifie pas des résultats qu'elle aurait pu obtenir au cours de sa première année de BTS. De plus, alors que la formation à laquelle Mme B... A... s'est inscrite n'est pas diplômante et ne lui garantit pas un accès aux études de kinésithérapie qu'elle souhaite poursuivre, elle ne conteste pas les allégations du ministre selon lesquelles une formation supérieure équivalente existe au Cameroun. En outre, il est constant que la mère de Mme B... A... réside en France. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, rejeter la demande de visa litigieuse au motif d'un risque de détournement de l'objet du visa sollicité en qualité d'étudiant.
8. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler la décision contestée, sur ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Il appartient alors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... A... devant le tribunal administratif de Nantes.
10. En premier lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision implicite et ne peut, par suite, qu'être écarté.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".
12. Si Mme B... A... fait valoir que la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'est pas motivée malgré la demande de communication de motifs qu'elle a formée, aucune pièce du dossier ne permet d'établir qu'elle aurait effectivement adressé une telle demande. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme B... A..., la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer le visa sollicité.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2114323 du tribunal administratif de Nantes du 20 juin 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... A....
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Dubost, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
La rapporteure,
A.-M. DUBOST
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01942