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12/12/2023 | FRANCE | N°22NT01809

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 12 décembre 2023, 22NT01809


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Lagos (Nigéria) du 9 octobre 2019 rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour le jeune D... B... en qualité de membre de famille bénéficiaire de la protection subsidiaire.



Par un jugement n° 2104019 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Lagos (Nigéria) du 9 octobre 2019 rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour le jeune D... B... en qualité de membre de famille bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Par un jugement n° 2104019 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2022, Mme A... C..., représentée par Me Bourgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 novembre 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'un défaut de motivation au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et d'un défaut d'examen sérieux de sa demande ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; les pièces au dossier établissent l'identité du demandeur de visa et sa filiation, en l'absence de fraude établie par l'administration ; le délai mis pour déposer la demande de visa s'explique par sa situation personnelle ayant justifié la reconnaissance de sa qualité de réfugiée ; en tout état de cause la filiation par possession d'état est établie ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante nigériane née le 19 septembre 1988, s'est vue accorder le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 juin 2008. Le 23 juillet 2019, le jeune D... B..., qu'elle présente comme son fils, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de membre de famille bénéficiaire de la protection subsidiaire auprès des autorités consulaires françaises au Nigéria. Par une décision du 9 octobre 2019, celles-ci ont rejeté cette demande. Par une décision implicite née le 6 février 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre cette décision consulaire. Par un jugement du 22 novembre 2021, dont Mme C... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de cette décision présentée par cette dernière.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué, les moyens tirés de l'absence de motivation de la décision du 6 février 2020 et du défaut d'examen particulier du recours, que Mme C... reprend devant la cour sans nouvelle précision.

3. En deuxième lieu, il ressort de la réponse apportée à la demande de communication des motifs de la décision de la commission de recours du 6 février 2020 présentée par Mme C..., que la commission a opposé le fait que le certificat de naissance produit ne permettait pas d'établir l'identité du demandeur de visa et la circonstance que cette demande de visa n'a pas été déposée dans des délais raisonnables au regard de la date de reconnaissance de la qualité de réfugiée à Mme C....

4. D'une part, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) "

5. D'autre part, il appartient, en principe, aux autorités consulaires de délivrer aux enfants mineurs d'une personne s'étant vu reconnaitre la qualité de réfugié les visas qu'ils sollicitent afin de mener une vie familiale normale. L'autorité administrative peut toutefois refuser en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure notamment au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir l'identité du demandeur ou la réalité du lien de filiation, produits à l'appui des demandes de visa.

6. Afin d'établir l'identité du jeune D... B... né en 2004, que Mme C... présente comme son fils aux autorités françaises depuis le 8 août 2018, il a été produit la traduction d'un certificat de naissance établi le 2 août 2018 par la Commission de la population nationale nigériane au vu d'un enregistrement effectué le même jour au bureau de l'hôpital central de Bénin city, Etat d'Edo, le passeport nigérian de l'intéressé établi le 2 mars 2019 ainsi que deux affidavits établis le 21 novembre 2019 devant la haute cour de justice de l'Etat d'Edo par l'oncle et la tante du demandeur de visa, attestant de l'identité de ce dernier, de sa filiation et de leur accord à son départ pour la France. Cependant, le certificat de naissance produit ne contient pas les mentions essentielles de nature à établir son identité et sa filiation, telles que la date de naissance de ses parents. Le ministre de l'intérieur fait également à nouveau valoir devant la cour, sans être contredit, que les mentions de ce document ne sont pas conformes à l'article 10 du décret nigérian du 14 décembre 1992 selon lequel les naissances doivent être déclarées et enregistrées dans les soixante jours de leur survenance et, à défaut, sous l'autorité du " Deputy Chief Registrar " de l'office de l'enregistrement sous réserve du paiement d'une taxe. Les deux affidavits produits et le passeport du jeune D... B... ne peuvent à eux seuls pallier ces carences.

7. Par ailleurs, ni ces mêmes affidavits, ni la copie d'un extrait de message non daté figurant sur un écran de téléphone portable, ne sont de nature à établir l'existence du lien de filiation allégué par possession d'état.

8. Il résulte de ce qui précède que la commission de recours n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 4 en rejetant la demande de visa du jeune D... B... au motif que le certificat de naissance produit ne permettait pas d'établir son identité. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle avait entendu se fonder sur ce seul motif, lequel suffisait à la justifier légalement. Le moyen soulevé contre le second motif de la décision ne peut dès lors qu'être écarté comme inopérant.

9. En troisième lieu, le lien familial n'étant pas établi, ainsi qu'il vient d'être dit, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peuvent qu'être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01809


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01809
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. FRANK
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;22nt01809 ?
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