Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... et A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Brec'h (Morbihan) ne s'est pas opposé à une déclaration préalable portant sur la réalisation d'un espace public de loisirs situé rue du Stade.
Par un jugement n° 1904777 du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er décembre 2021, les 5 janvier et 1er juillet 2022 et les 3 et 9 juin 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. C... B... et Mme A... B..., représentés par Me Gosselin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 mars 2019 du maire de la commune de Brec'h ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Brec'h le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité ; les premiers juges ont retenu à tort l'irrecevabilité de leur demande en raison du défaut d'intérêt à agir ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article R. 431-30 du code de l'urbanisme ;
- il porte atteinte à la salubrité publique et ne respecte pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le maire n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, ni les articles 3 et 7 de l'arrêté du préfet du Morbihan du 12 décembre 2003 portant réglementation des bruits de voisinage dans le département ;
- il a été pris en violation de l'article R. 1336-10 du code de la santé publique.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er juin 2022 et 7 juin 2023, la commune de Brec'h, représentée par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Goven substituant Me Gosselin, représentant les époux B... et celles de Me Rouhaud, représentant la commune de Brec'h.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 1er octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Brec'h (Morbihan) ne s'est pas opposé à une déclaration préalable portant sur la réalisation d'un espace public de loisirs situé rue du Stade. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont propriétaires de la parcelle cadastrée section ZI n° 301, sur laquelle est implantée leur maison d'habitation. Leur propriété se situe à environ 150 mètres de l'espace public de loisirs en litige, dont elle est séparée par un espace naturel non bâti, un boisement et une voie publique. Les requérants se prévalent des nuisances sonores engendrées par le projet, notamment du bruit généré par la pratique des sports de glisse et de ballon au sein de l'aménagement autorisé, susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation et de jouissance de leur bien et produisent un courrier du 28 août 2019 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Bretagne invite le maire à faire réaliser une étude d'impact acoustique afin d'évaluer le bruit généré par les installations, pour le voisinage, le site étant totalement libre d'accès, y compris la nuit. Dans ces conditions, M. et Mme B... justifient d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du maire de Brec'h en date du 28 mars 2019 portant non-opposition à déclaration préalable. Dès lors, M. et Mme B... sont fondés à soutenir que les premiers juges ont retenu à tort l'irrecevabilité de leur demande en raison d'un défaut d'intérêt à agir. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé comme irrégulier.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur la légalité de l'arrêté du maire de la commune de Brec'h du 28 mars 2019 :
6. En premier lieu, lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'autorisation initiale.
7. Aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 2241-1 du même code : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées qu'un maire ne peut solliciter une autorisation d'urbanisme au nom de sa commune sans y avoir été autorisé par le conseil municipal.
8. Il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 30 septembre 2019, le conseil municipal de la commune de Brec'h a autorisé le maire à déposer une déclaration préalable portant sur l'aménagement d'un parking, d'un city stade, d'une piste de prévention routière et d'un skate-park sur les parcelles ZI 312, 534 et 246 jouxtant le stade municipal existant. Si cette délibération a été approuvée postérieurement à la délivrance de l'arrêté du 28 mars 2019 de non-opposition à la déclaration préalable, une déclaration préalable modifiée pour tenir compte de cette délibération a été déposée le 24 février 2021 et, par un arrêté du 26 février 2021, le maire ne s'y est pas opposé. Dans ces conditions, le vice tiré de l'absence de délibération préalable du conseil municipal de Brec'h autorisant le maire à déposer la déclaration préalable, a été régularisé. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions citées au point précédent ne peut plus être utilement invoqué à l'appui du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté du 28 mars 2019.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-36 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le dossier joint à la déclaration comprend : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Un plan de masse coté dans les trois dimensions lorsque le projet a pour effet de créer une construction ou de modifier le volume d'une construction existante ; / c) Une représentation de l'aspect extérieur de la construction faisant apparaître les modifications projetées et si le projet a pour effet de modifier celui-ci ; / (...) Il est complété, s'il y a lieu, par les documents mentionnés aux a et b de l'article R. 431-10, à l'article R. 431-14, aux b et g de l'article R. 431-16 et aux articles R. 431-18, R. 431-18-1, R. 431-21, R. 431-23-2, R. 431-25, R. 431-31 à R. 431-33 et R. 431-34-1. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ". Ces dispositions ne renvoient pas à l'article R. 431-30 du code de l'urbanisme relatif au contenu des dossiers de demande de permis de construire des établissements recevant du public et aux normes d'accessibilité pour les personnes handicapées. Par suite et à supposer même que l'espace public de loisirs en litige constitue un établissement recevant du public, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-30 du code de l'urbanisme est inopérant et doit dès lors être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
11. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Les considérations relatives à la commodité du voisinage ne relèvent pas de la salubrité publique au sens de ces dispositions.
12. M. et Mme B... se prévalent des nuisances sonores susceptibles d'être occasionnées par les usagers de l'espace public de loisirs, lequel se situe à environ 150 mètres de leur résidence principale, dont il est séparé par un espace naturel non bâti, un petit boisement et une voie publique, la route de Kerourio. De plus, l'espace public de loisirs litigieux jouxte le stade de la commune, lequel constitue également une source de bruit. Eu égard à la distance séparant l'installation de la propriété des époux B..., à la nature de l'aménagement litigieux et à la proximité immédiate du stade municipal, le risque probable de nuisances sonores liées à la présence de plusieurs personnes pratiquant des sports de glisse et de ballon au sein de l'espace public de loisirs n'est pas d'une gravité telle que le projet puisse être regardé comme portant atteinte à la salubrité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, en ne s'opposant pas à la déclaration préalable litigieuse, le maire n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des exigences de salubrité publique prescrites par ces dispositions.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l'article R. 181-43 du code de l'environnement ". En outre, aux termes de l'article L. 110-2 du code de l'environnement : " Les lois et règlements organisent le droit de chacun à un environnement sain. Ils contribuent à assurer un équilibre harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales ainsi que la préservation et l'utilisation durable des continuités écologiques. / Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l'environnement, y compris nocturne. / Les personnes publiques et privées doivent, dans toutes leurs activités, se conformer aux mêmes exigences ".
14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12, en n'assortissant pas l'arrêté de non-opposition à la déclaration préalable de prescriptions spéciales, le maire de Brec'h n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles R. 111-26 du code de l'urbanisme et L. 110-2 du code de l'environnement.
15. En cinquième lieu, quand bien même des expertises acoustiques ordonnées par le tribunal administratif de Rennes dans le cadre d'une procédure distincte révèleraient l'existence de nuisances sonores, les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales relatif au rôle de la police municipale, de l'arrêté du préfet du Morbihan du 12 décembre 2003 portant réglementation des bruits de voisinage dans le département et de l'article R. 1336-5 du code de la santé publique relatif à la prévention des risques liés au bruit, dispositions qui relèvent de législations distinctes de celle de l'urbanisme.
16. Il résulte de ce qui précède M. et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté contesté.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Brec'h, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme B... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement à la commune de Brec'h de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er octobre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes et leurs conclusions présentées devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Brec'h au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme A... B... et à la commune de Brec'h.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03373