Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande du 24 juin 2019 tendant à l'attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), avec rattrapage à compter du 1er septembre 2009.
Par un jugement n° 1905107 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de bordeaux a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision de rejet de sa demande d'attribution de la NBI en tant qu'elle portait sur la période postérieure au 1er janvier 2015, a annulé cette décision en tant qu'elle portait sur la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2010, a enjoint à l'administration de réexaminer, dans cette mesure, la demande de Mme A... et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Baulimon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 12 juillet 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant l'attribution de la NBI pour la période du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision lui refusant l'attribution de la NBI pour la période du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui attribuer 30 points de NBI au titre de ses fonctions entre le 1er septembre 2010 et le 31 décembre 2014 et de lui verser à titre de rattrapage la somme globale de 7 316,40 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019 et leur capitalisation, et ce dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard , ou, à défaut, de réexaminer sa demande au titre de la période du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2014 dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande n'était pas tardive dès lors que le rejet de sa demande n'était pas purement confirmatif et que la jurisprudence Czabaj n'est intervenue que postérieurement aux décisions implicites de rejet de ses précédentes demandes ;
- la décision litigieuse n'est pas motivée ;
- elle avait droit au bénéfice de la NBI en application du décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001.
Par un mémoire enregistré le 17 mars 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est irrecevable, faute de contenir des moyens d'appel et que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Baulimon, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., éducatrice de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice, a été affectée au centre d'action éducative (CAE) d'Angoulême du 1er septembre 2009 au 31 août 2010, puis à compter du 1er septembre 2010 au CAE de Cenon, devenu ensuite unité éducative en milieu ouvert (UEMO). Estimant que ses fonctions dans ces postes lui ouvraient droit à une nouvelle bonification indiciaire (NBI) de 30 points, elle a demandé, par lettre du 24 juin 2019, le bénéfice de cette bonification et son versement à titre rétroactif à compter du 1er septembre 2009. Cette demande a toutefois été implicitement rejetée par la garde des sceaux, ministre la justice. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif du 12 juillet 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet pour la période du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2014
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. " Les dispositions de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2016 précisait que : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. "
3. Par ailleurs, aux termes de l'article 19 de la même loi du 12 avril 2000, désormais codifiée à l'article L 112-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. / (...). " Toutefois, en vertu de l'article 18 de cette loi, désormais codifié à l'article L. 112-7 du même code, les dispositions de l'article 19 ne s'appliquent pas aux relations entre les autorités administratives et leurs agents.
4. Par trois lettres des 2 avril 2012, 5 novembre 2013 et 26 mars 2015 adressées à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, Mme A... a demandé le bénéfice de la NBI à compter de son affectation à Cenon au 1er septembre 2010. En application des dispositions combinées des articles mentionnés aux points 2 et 3 du présent arrêt, des décisions implicites de rejet de ces demandes sont nées deux mois après leur réception et sont devenues définitives deux mois plus tard, faute d'avoir été contestées dans le délai de recours contentieux, sans que l'appelante puisse utilement faire valoir que ces décisions implicites n'ont pas donné lieu à la délivrance d'un accusé de réception mentionnant les voies et délais de recours.
5. En second lieu, une décision dont l'objet est le même qu'une précédente décision devenue définitive revêt un caractère confirmatif, dès lors que ne s'est produit entre-temps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige. L'intervention d'une telle décision ne peut alors avoir pour effet de rouvrir le délai contentieux en ce qui concerne l'objet du litige.
6. En l'occurrence, Mme A... fait valoir, d'une part, qu'elle a continué à ne pas bénéficier de la NBI postérieurement au rejet de ses demandes des 2 avril 2012, 5 novembre 2013 et 26 mars 2015, d'autre part, que ces mêmes demandes n'avaient pas le même objet que celle du 24 juin 2019 dès lors qu'elles ne tendaient pas au versement rétroactif de la NBI. Toutefois, il ressort au contraire des pièces du dossier que, dans sa demande du 26 mars 2015, la requérante sollicitait déjà le bénéfice de la NBI non seulement pour l'avenir mais également à compter de son affectation à Cenon en septembre 2010. Par suite, en l'absence de tout changement dans les circonstances de fait et de droit, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus implicite opposé par l'administration à sa demande du 24 juin 2019 ne serait pas purement confirmatif de décisions antérieures de rejet de demandes dont l'objet était identique.
7. Enfin et contrairement à ce que soutient l'appelante, la circonstance alléguée que ces décisions implicites de rejet n'étaient pas créatrices de droit pour des tiers et ne portaient pas atteinte au principe de sécurité juridique demeure sans incidence sur leur caractère définitif. Par conséquent, la décision purement confirmative du 24 juin 2019 n'a pas eu pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ou sa recevabilité, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté comme irrecevables ses conclusions aux fins d'annulation de la décision litigieuse en tant qu'elle lui a refusé l'attribution de la NBI pour la période du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2014. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2023.
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Le rapporteur,
Manuel C...
La présidente,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°21BX03575 2