Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Union des syndicats pour le traitement des ordures ménagères du Castillonnais et du Réolais (USTOM) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire du 26 novembre 2018 par lequel la commune de Massugas a mis à sa charge la somme de 13 000 euros au titre de sa " participation forfaitaire annuelle 2018 " et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 1900356 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a fait doit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 août 2020 et un mémoire enregistré le 10 mai 2022, la commune de Massugas, représentée par Me Krebs, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 juillet 2020 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par l'Union des syndicats pour le traitement des ordures ménagères du Castillonnais et du Réolais (USTOM) devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) de mettre à la charge de l'USTOM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est compétente pour connaître de ce litige ;
- le jugement attaqué à méconnu l'autorité de la chose jugée par la cour dans son arrêt n°19BX01697 en date du 12 juillet 2021 ;
- le paiement d'une redevance annuelle constitue la contrepartie des sujétions entraînées par la présence de l'usine de traitement des ordures ménagère ;
- la signature de délibérations croisées par les parties caractérise l'existence de relations et d'obligations contractuelles ;
- le titre exécutoire litigieux comporte les bases de liquidation de la créance ;
- la délibération de l'USTOM du janvier 2013 étant devenu définitive, l'USTOM ne peut pas utilement en contester la légalité par voie d'exception ;
- cette délibération n'est pas fondée sur une erreur de fait ;
- la convention de cession conclue en 1980 n'a jamais été résiliée mais seulement modifiée en 1984 et 2013 ;
- l'objet de cette convention n'est pas illicite et celle-ci pouvait légalement ne pas comporter de terme nonobstant la circonstance que le montant cumulé de la redevance excède la valeur vénale du terrain cédé en 1980 ;
- les conclusions de l'USTOM tendant à la résiliation de la convention sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
- ni un motif tenant à la validité de la convention, ni un motif d'intérêt général ne justifieraient la résiliation de la convention ;
- l'inexécution de cette convention par l'USTOM lui a causé un préjudice de 13 000 euros au titre de l'année 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2022, l'USTOM, représentée par Me Ruffié, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, subsidiairement, à ce que la cour constate la nullité ou prononce la résiliation de la convention litigieuse et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Massugas au titre des frais exposés pour l'instance.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et que l'éventuelle convention qui la lierait à la commune doit être résiliée pour un motif d'intérêt général dès lors que son montant est disproportionné par rapport à la valeur du terrain cédé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Krebs, représentant la commune de Massugas, et de Me Jouanneaux, représentant l'USTOM.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Massugas relève appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le titre exécutoire qu'elle a émis le 26 novembre 2018 pour recouvrer la somme de 13 000 euros émis à l'encontre de l'Union des syndicats pour le traitement des ordures ménagères du Castillonnais et du Réolais (USTOM) au titre de " la participation forfaitaire annuelle 2018 " aux frais et sujétions entraînés par la présence d'une usine de traitement des ordures ménagères sur le territoire de la commune et a déchargé l'USTOM de l'obligation de payer cette somme.
Sur les moyens retenus par le tribunal :
2. Pour annuler le titre exécutoire du 26 novembre 2018 et décharger l'USTOM de l'obligation de payer la somme de 13 000 euros pour le recouvrement de laquelle ce titre avait été émis, les premiers juges ont estimé que le versement par l'USTOM de la somme de 13 000 euros par an, d'une part, n'était prévu par aucun accord contractuel, d'autre part, ne pouvait être regardé comme la compensation des sujétions entraînées par la présence de l'usine de traitement des ordures ménagères sur le territoire de la commune de Massugas, enfin, que ce versement ne pouvait pas davantage être regardé comme la contrepartie de la cession du terrain d'assiette acquis 27 novembre 1981.
3. En premier lieu, le conseil municipal de Massugas et le conseil syndical du syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (Sictom) de la région de Castillon ont décidé, par des délibérations concordantes adoptées respectivement les 12 juillet et 17 novembre 1980, de l'implantation d'une usine de traitement des ordures ménagères sur un terrain cédé par la commune au syndicat pour la somme d'un franc symbolique en contrepartie de la gratuité totale, pour une durée indéterminée, du traitement et du ramassage des ordures ménagères effectué tous les quinze jours sur le territoire de la commune. Ces deux délibérations, échangées entre les deux parties et réciproquement agréées, doivent être regardées comme définissant leurs obligations contractuelles respectives.
4. Par une délibération du 3 février 1984, l'assemblée générale du Sictom a décidé, dans le cadre de l'exécution de ce contrat, de remplacer la gratuité totale du traitement et du ramassage des ordures ménagères par le versement à la commune de Massugas, " en compensation des frais et des sujétions entraînées par la présence de l'usine de traitement sur son territoire ", d'une indemnité annuelle d'un franc par habitant " réellement traité " par le Sictom. Enfin, par une délibération du 3 janvier 2013 répondant à une proposition en ce sens du maire de la commune de Massugas, le comité syndical de l'USTOM a accepté de remplacer le versement de l'indemnité d'un franc par habitant " réellement traité " par un versement forfaitaire annuel d'un montant de 13 000 euros.
5. Eu égard à la volonté ainsi exprimée par la commune de Massugas et par le Sictom, devenu l'USTOM, de se lier par des obligations réciproques et renouvelées à deux reprises, le litige né du refus de l'USTOM de s'acquitter des sommes mises à sa charge par les titres exécutoires émis par la commune de Massugas le 19 décembre 2016 et le 19 octobre 2017 doit être regardé comme portant sur l'exécution du contrat liant cette commune et ce syndicat.
6. En second lieu, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
7. En l'occurrence, à supposer même que la commune n'expose aucun frais à raison de la présence d'une usine de traitement des déchets sur son territoire, ce contrat n'est pas pour autant dépourvu de contrepartie dès lors qu'il a également pour objet l'indemnisation due à la commune, d'une part, pour la vente d'un terrain lui appartenant ainsi qu'il ressort encore de la délibération de l'USTOM du 3 janvier 2013, d'autre part, pour l'indemnisation des sujétions que la commune et ses habitants supportent nécessairement à raison de la présence de cette usine sur leur territoire, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des motifs de la délibération du Sictom du 3 février 1984 susmentionnée.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Massugas est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour les motifs rappelés au point 2, annulé le titre exécutoire litigieux.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'USTOM devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur les autres moyens invoqués par l'USTOM :
En ce qui concerne les bases de liquidation :
10. En premier lieu, l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique applicable au présent litige dispose que : " Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". En vertu de ces dispositions, une personne publique ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur.
11. En l'espèce, le titre exécutoire contesté, émis à l'encontre de l'USTOM le 26 novembre 2018, porte la mention " Participation forfaitaire annuelle " et indique le montant de la participation annuelle due, soit 13 000 euros. Si le titre ne vise pas la délibération du 3 janvier 2013 sur laquelle il se fonde et si cette dernière n'était pas jointe, il est constant que l'USTOM ne pouvait ignorer l'existence de cette délibération dont il est l'auteur. En outre, ce syndicat a contesté les précédents titres exécutoires du même montant émis pour le même motif au titre des années 2015 à 2018. Enfin et en tout état de cause, le montant de cette participation est forfaitaire, de sorte que la base de liquidation de la créance se limite au rappel de son montant, lequel figurait dans le titre exécutoire dont s'agit. Par suite, l'USTOM n'est pas fondée à soutenir que le titre exécutoire litigieux ne comporte pas les bases de liquidation de la créance en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
En ce qui concerne les vices affectant le contrat en cause :
12. D'une part, aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe général du droit ne faisait obstacle à ce que l'USTOM s'engage, par contrat, à indemniser la commune de Massugas de la cession d'un terrain communal ainsi que des frais et sujétions résultant pour elle et ses habitants de l'implantation d'une usine de traitement des ordures ménagères sur son territoire, pour la durée du fonctionnement de cette usine.
13. D'autre part, l'USTOM n'est pas fondée à soutenir que la délibération du 3 janvier 2013 par laquelle son comité syndical a voté le versement d'une somme annuelle de 13 000 euros à la commune de Massugas serait entachée d'une erreur de fait susceptible de changer le sens de cette délibération et caractérisant ainsi un vice du consentement d'une particulière gravité en se bornant à faire valoir que l'exposé des motifs de cette délibération indique, de façon très résumée, que la commune a cédé un terrain à l'USTOM en contrepartie du versement, chaque année, d'une somme d'un franc par habitant " réellement traité " par ce syndicat alors que cette cession avait été initialement consentie en contrepartie de la gratuité du service de traitement et de ramassage des ordures.
14. Enfin, contrairement à ce que soutient l'USTOM, la circonstance que le libellé des bordereaux de paiement adressés par la commune au fil des ans ne précise pas que l'indemnité est due en contrepartie de la vente d'un terrain n'est, en tout état de cause, pas de nature à révéler un vice du consentement.
15. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de vices ou d'irrégularités entachant le contrat liant l'USTOM à la commune de Massugas, et à supposer même qu'un déséquilibre soit apparu en cours d'exécution du contrat, l'USTOM n'est pas fondée à demander au juge du contrat de prononcer son annulation ou sa résiliation, laquelle résiliation n'aurait, au demeurant, aucune incidence sur le bien-fondé de la créance de la commune, qui porte sur une période antérieure.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la commune de Massugas est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le titre exécutoire émis le 26 novembre 2018 pour un montant de 13 000 euros et a déchargé l'USTOM de l'obligation de payer cette somme. Par suite, elle est également fondée à demander l'annulation de ce jugement et le rejet des demandes présentées par l'USTOM devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Massugas, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'USTOM demande au titre des frais exposés pour l'instance. Il y a lieu, en revanche, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'USTOM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la commune de Massugas.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1900356 du 6 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par l'USTOM devant le tribunal administratif de Bordeaux et devant la cour sont rejetées.
Article 3 : L'USTOM versera à la commune de Massugas la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union des syndicats pour le traitement des ordures ménagères du Castillonais et du Réolais et à la commune de Massugas.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2023.
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Le rapporteur,
Manuel A...
La présidente,
Marie-Pierre Beuve DupuyLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°20BX02875 2