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11/12/2023 | FRANCE | N°23PA02312

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 11 décembre 2023, 23PA02312


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2208121 du 17 février 2023, le tribunal administratif

de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 9 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2208121 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 mai 2023, Mme A... représentée par Me N'Gary Ba, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2208121 du 17 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du 9 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 mai 2022 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de cet article ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 5 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A....

Par ordonnance du 27 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 octobre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de Me Ba, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante burkinabée née en 1986, qui est entrée irrégulièrement en France le 4 avril 2017, a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étrangère malade sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile valable jusqu'au 8 novembre 2021, dont elle a sollicité le renouvellement le 15 octobre 2021. Elle relève appel du jugement du 17 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de renouvellement de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et s'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie à laquelle l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger, et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité à Mme A..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII rendu le 19 avril 2022 et a relevé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des nombreux certificats médicaux produits par la requérante, que celle-ci souffre d'une mutation génétique par altération du gène BRCA1, emportant un risque élevé de développement d'un cancer du sein et des ovaires et que ce risque s'est en partie réalisé en 2017, date à laquelle Mme A... a développé un cancer au sein droit l'obligeant à suivre une chimiothérapie ainsi qu'une chirurgie d'ablation en juin 2021 suivie d'une chirurgie de reconstruction le 17 mai 2022, soit concomitamment à la date d'intervention de la décision attaquée. Il ressort également des mêmes pièces que l'intéressée a bénéficié d'une nouvelle chirurgie de reconstruction en novembre 2022, postérieurement à la décision attaquée ainsi qu'en février 2023 et, qu'à la date de l'arrêté litigieux, une chirurgie d'ablation des ovaires était fortement préconisée, le Pr B..., chirurgien de plastique reconstructrice et esthétique à l'hôpital Saint-Louis de l'AP-HP, auteur de certificats des 21 juillet 2022 et 26 avril 2023, faisant état de ce qu'il était " souhaitable " que cette ablation soit réalisée en France afin d'assurer la continuité de la prise en charge qui ne pouvait être réalisée au Burkina Faso, ce que confirme un médecin burkinabé en raison de " l'insuffisance du plateau technique " dans ce pays. Il s'en infère que la requérante, qui s'était vue délivrer un premier titre de séjour entre novembre 2020 et novembre 2021, est fondée à soutenir que, dans un tel contexte de chirurgie au long cours et, à tout le moins à la date de la décision attaquée, en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte application des dispositions précitées.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. La présente décision implique nécessairement qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " soit délivré à Mme A.... Il y a dès lors lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ba, avocat de Mme A..., de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2208121 du 17 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du l'arrêté du 9 mai 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à Me Ba, avocat de Mme A..., au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Me Ba renoncera, s'il recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judicaire de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2023.

La rapporteure,

M-D JAYERLa présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02312
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;23pa02312 ?
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