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11/12/2023 | FRANCE | N°23PA01782

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 11 décembre 2023, 23PA01782


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris qui a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif Montreuil par ordonnance de son président du 13 décembre 2022, d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une duré

e de trois ans.



Par un jugement n° 2218168 du 29 mars 2023, le magistrat désigné p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris qui a transmis le dossier de la requête au tribunal administratif Montreuil par ordonnance de son président du 13 décembre 2022, d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2218168 du 29 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2023, M. A... représenté par Me Weinberg, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2218168 du 29 mars 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les décisions contenues dans l'arrêté du 5 décembre 2022 du préfet de l'Essonne ;

3°) d'enjoindre, d'une part, au préfet de l'Essonne de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le fichier du système d'information Schengen pour la durée de son interdiction de retour et, d'autre part, à tout préfet territorialement compétent, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 ou L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 25 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre à tout préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute pour le premier juge d'avoir intégralement répondu au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- le premier juge a excédé ses pouvoirs ;

- il a commis une erreur de fait s'agissant des faits pour lesquels il a été condamné sur le plan pénal ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire a été signée par un auteur incompétent ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est irrégulière en ce que le préfet a fait preuve à son égard d'une attitude déloyale ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine préalable, pour avis, du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article R. 611-1 du même code ;

- elle est entachée d'erreurs de fait relatives à sa situation personnelle ;

- elle est entachée de deux erreurs de droit ;

- elle méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été signée par un auteur incompétent ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreurs de fait ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions des article L. 612-2 et 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est illégale en raison de l'illégalité des décisions l'obligeant à quitter le territoire français et lui refusant un délai de départ volontaire ;

- elle a été signée par un auteur incompétent ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 2 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de Me Milly, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant serbe né le 20 juillet 1980, est entré sur le territoire français en 1984 selon ses déclarations. Il relève appel du jugement du 29 mars 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 5 décembre 2022 du préfet de l'Essonne portant obligation de quitter le territoire français sans délai, désignation du pays de destination en cas d'exécution de la mesure d'éloignement et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par le requérant, a répondu de manière suffisamment précise et circonstanciée, au point 2 de celui-ci, au moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français. En tout état de cause, le bien-fondé des réponses qu'il a apportées au regard des pièces versées au dossier est sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le premier juge aurait omis de répondre au moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

4. En deuxième lieu, si M. A... soutient que le tribunal aurait " excédé ses pouvoirs " dans sa réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il ressort des termes du jugement attaqué que la réponse apportée par le premier juge était suffisamment précise et circonstanciée. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

5. En dernier lieu, si le premier juge a indiqué au point 8 du jugement attaqué que M. A... avait fait l'objet d'une condamnation pour " viol avec violence " au lieu de " vol avec violence ", cette erreur de plume, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2022-PREF-DCPPAT-BCA-132 du 23 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de l'Essonne a donné à Mme B..., signataire de l'arrêté contesté, délégation pour signer les décisions attaquées, en ce nécessairement comprise celle portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités. Faute pour M. A... d'établir que ces autorités n'auraient pas été absentes ou empêchées lors de la signature des décisions contestées, le moyen tiré de ce que les décisions auraient été signées par une autorité incompétente doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus (...) du délai de départ volontaire (...) et les décisions d'interdiction de retour (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ". Enfin, en vertu de l'article L. 612-10 dudit code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

8. D'une part, l'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à chacune des décisions contestées. D'autre part, le préfet de l'Essonne a précisé la situation personnelle de M. A..., notamment sa récente condamnation pénale pour qualifier son comportement de menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'était en tout état de cause pas tenu de se prononcer sur chacun des critères mentionnés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant de la motivation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, l'arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions contestées, en application des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.

9. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Essonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... au regard des éléments portés à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle du requérant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et l'intégration.

11. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion de son audition par les services de police le 30 mars 2022, M. A... a indiqué souffrir d'une maladie " au niveau de la prostate " et se rendre fréquemment à l'hôpital de la prison de Fresnes pour se faire soigner ainsi qu'être suivi médicalement au sein de la maison d'arrêt où il était incarcéré. Toutefois, ces éléments portés à la connaissance du préfet de l'Essonne étaient insuffisamment précis et circonstanciés sur la nature et la gravité de sa pathologie pour justifier la consultation pour avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 611-3 9° et R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

12. En deuxième lieu, si M. A... soutient que le préfet de l'Essonne aurait fait preuve de déloyauté dans l'examen de sa situation personnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'attitude de l'administration traduirait une intention dilatoire, de sorte que le moyen ne peut qu'être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser (...) le renouvellement du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article R.* 432-1 du même code : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 432-2 du même code : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R.* 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-12 du même code : " L'étranger admis à souscrire une demande (...) de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la délivrance d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour permet à son bénéficiaire de se maintenir régulièrement sur le territoire français jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa demande. A ce titre, le rejet d'une telle demande, le cas échéant de manière implicite, emporte nécessairement abrogation du récépissé et met fin au droit au séjour de l'intéressé.

14. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du dépôt de sa demande de renouvellement de titre de séjour auprès de la préfecture de la Seine-Saint-Denis le 26 juillet 2022, un récépissé valable jusqu'au 25 janvier 2023 a été délivré à M. A..., lui conférant ainsi un droit au séjour le temps de l'instruction de sa demande. Toutefois, la préfecture a implicitement refusé sa demande le 26 novembre 2022, soit au terme du délai de quatre mois prévu par les dispositions précitées, de sorte qu'à compter de cette date, l'intéressé ne résidait plus régulièrement sur le territoire français. Cette décision implicite ressort d'ailleurs de la fiche " AGDREF " versée par le préfet de l'Essonne en première instance, indiquant que la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A... a fait l'objet d'un refus. Dans ces conditions et en l'absence de tout élément de nature à démontrer que l'instruction de la demande du requérant aurait été prorogée ou suspendue, le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 611-1 en prononçant à l'encontre de ce dernier une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ".

16. Si M. A... fait valoir qu'il réside habituellement en France depuis l'âge de quatre ans, les pièces produites à l'instance ne sont pas de nature à corroborer ses allégations, de sorte que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées doit être écarté.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...)qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

18. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

19. D'une part, si M. A... est père de quatre enfants nés en France, il ne démontre pas contribuer effectivement à leur entretien et à leur éducation par la seule production d'une attestation d'hébergement et de titres de séjour et pas davantage entretenir des liens étroits avec sa compagne et sa mère. Par ailleurs, s'il fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis 1984, les pièces versées à l'instance n'attestent d'une présence continue qu'à compter de l'année 2017 jusqu'en 2022, soit durant sa période d'incarcération en maison d'arrêt. Par ailleurs, si le requérant se prévaut également de la présence sur le territoire français de personnes qu'il présente comme ses frères et sœurs, il ne justifie pas entretenir des liens avec sa fratrie. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. A... a été condamné par le tribunal correctionnel de Versailles le 31 mars 2021 à la peine de cinq ans d'emprisonnement pour des faits de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours aggravés par une autre circonstance, en récidive, et vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, en récidive, ainsi que de violences commises en réunion sans incapacité et détention non autorisée d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B. Il ressort également des mêmes pièces que le requérant a été antérieurement condamné par le tribunal correctionnel de Pontoise, le 29 mai 2019, à la peine de six mois d'emprisonnement pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt et récidive. Ainsi, à supposer même qu'il disposait d'une vie privée et familiale sur le territoire, la menace pour l'ordre public que représente M. A... en raison de l'ensemble de ces condamnations pénales avec récidive traduisent également son absence d'insertion dans la société française et sa méconnaissance des valeurs de la République. Dans ces conditions, le préfet de l'Essonne n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision en litige, ni méconnu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

20. En sixième lieu, si le préfet de l'Essonne a indiqué à tort que M. A... ne justifiait pas de la régularité du séjour en France de sa compagne ni être père de quatre enfants, que sa demande de renouvellement de récépissé de demande de titre de séjour avait été refusée alors que ce récpissé a simplement été abrogé par l'intervention d'une décision implicite, qu'il avait utilisé différents alias pour dissimuler son identité et qu'il ne disposait pas d'un passeport valide, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les motifs tirés de l'irrégularité du séjour de l'intéressé et de ce que son comportement représentait une menace pour l'ordre public.

21. En septième lieu, Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

22. D'une part, M. A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées à l'égard de deux de ses quatre enfants qui, à la date de la décision contestée, étaient majeurs. D'autre part, comme il l'a été dit au point 19, l'intéressé ne démontre pas avoir contribué effectivement à l'entretien et l'éducation de ses enfants mineurs et n'apporte aucun élément permettant d'établir que la cellule familiale ne pourrait être reconstituée dans son pays d'origine, dont son épouse et ses enfants mineurs ont la nationalité. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

23. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 22 que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale. Par suite, M. A... ne peut se prévaloir de son illégalité pour solliciter l'annulation par voie de conséquence de la décision contestée.

24. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

25. D'une part, si la décision contestée est entachée d'erreurs de faits dès lors que M. A... avait sollicité le renouvellement de son titre de séjour et qu'il disposait d'un passeport serbe en cours de validité, il résulte de l'instruction que le préfet de l'Essonne aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur le motif tiré de ce que son comportement représentait une menace pour l'ordre public.

26. D'autre part, si M. A... doit être regardé comme soutenant que la décision contestée serait disproportionnée et se prévaut à ce titre de sa résidence régulière sur le territoire français depuis 2003, les pièces versées au dossier ne sont pas de nature à corroborer ses allégations, de sorte que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19, le moyen doit être écarté.

27. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 19 et 22, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

28. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 27 que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale. Par suite, M. A... ne peut se prévaloir de son illégalité pour solliciter l'annulation par voie de conséquence de la décision contestée.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

29. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 27 que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire ne sont pas illégales. Par suite, M. A... ne peut se prévaloir de leur illégalité pour solliciter l'annulation par voie de conséquence de la décision contestée.

30. En deuxième lieu, M. A... doit être regardé comme soutenant que la décision contestée est disproportionnée. Toutefois, eu égard aux condamnations prononcées à son encontre par le juge pénal et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19, le moyen doit être écarté.

31. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 19 et 22, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

32. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2023.

La rapporteure,

M-D. JAYER La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01782


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01782
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;23pa01782 ?
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