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11/12/2023 | FRANCE | N°22PA05528

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 11 décembre 2023, 22PA05528


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) a refusé de lui verser l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge.



Par jugement n°s 2124373/5-3 et 2215496/5-3 du 26

octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) a refusé de lui verser l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge.

Par jugement n°s 2124373/5-3 et 2215496/5-3 du 26 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 décembre 2022 et 26 avril 2023, M. A..., représenté par Me Bautes, demande à la cour :

1°) avant dire droit d'ordonner une expertise ayant notamment pour objet de l'examiner, de décrire son état physique et les lésions dont il souffre, ainsi que son état de santé psychologique, d'établir si l'infirmité dont il souffre est imputable au service, d'évaluer ses préjudices et de les chiffrer ;

2°) d'annuler le jugement n°s 2124373/5-3 et 2215496/5-3 du 26 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur général de l'EPFP a refusé de lui verser l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge ;

4°) à titre principal, d'enjoindre à l'EPFP de le relever de la prescription quadriennale et de lui accorder le bénéfice de l'allocation sollicitée ;

5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'EPFP de réexaminer sa situation ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 4123-5 et D. 4123-6 du code de la défense et de l'article 6 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2023, l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) représenté par son directeur conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête d'appel et, à titre subsidiaire, à son rejet et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la requête est irrecevable en l'absence de moyen dirigé contre le jugement et que les moyens soulevés par M. A... concernant l'insuffisance de motivation, la prescription quadriennale et son relevé ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Abecassis, avocat de l'Etablissement public du fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., lieutenant-colonel de l'armée de terre à la retraite, a été blessé en service au genou droit en 1990 et à la main droite en 1994 lors d'un maniement d'explosifs. Ces deux infirmités lui ont ouvert droit au bénéficie d'une pension militaire d'invalidité au taux de 75 %. Il a été placé en congé de longue durée pour état dépressif de 2006 à 2011 avant d'être finalement radié des contrôles le 28 juin 2011. Par une demande reçue le 25 mai 2011, il a sollicité le bénéfice d'une allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge. Par décision du 21 septembre 2021, le directeur général de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) lui a refusé l'octroi de cette allocation et de son complément. Par un jugement du 26 octobre 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 21 septembre 2021 du directeur général de l'EPFP :

2. En premier lieu, M. A... invoque les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et du défaut d'examen complet de sa situation. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ces moyens, déjà soulevés devant le tribunal administratif de Paris, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué. Il y a dès lors lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par ces derniers.

3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 4123-5 du code de la défense : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'Etat couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. (...) ". Aux termes de l'article D. 4123-2 du même code : " Les militaires (...) sont affiliés au fonds de prévoyance militaire destiné à verser (...) des allocations en cas de blessure, d'infirmité ou de décès imputable au service dans le cas où la blessure, l'infirmité ou le décès n'ouvre pas droit aux allocations du fonds de prévoyance de l'aéronautique. " Enfin, aux termes de l'article D. 4123-6 du même code : " Lorsque l'infirmité imputable au service entraîne la mise à la retraite ou la réforme définitive du militaire, il est versé à l'intéressé : / 1° Une allocation principale dont le montant est fixé comme suit : (...) / 2° Un complément d'allocation, en cas d'invalidité égale ou supérieure à 40 %, dont le montant est égal, par enfant à charge, à celui fixé au 2° de l'article D. 4123-4. / Les allocations visées au 1° sont calculées au taux en vigueur à la date de la mise à la retraite ou à la réforme définitive de l'intéressé. / Le complément d'allocation peut être versé sur demande de l'intéressé. Il est calculé aux taux en vigueur à la date où le taux d'invalidité de 40 % est définitivement fixé. Les allocations accordées en cas d'infirmités sont exclusives de toute autre allocation du fonds de prévoyance militaire ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 6 de la même loi : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi. / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'Etat peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier. / La même décision peut être prise en faveur des créanciers (...) des établissements publics, par délibérations prises respectivement par (...) les conseils ou organes chargés des établissements publics. Ces délibérations doivent être motivées et être approuvées par l'autorité compétente pour approuver le budget de la collectivité intéressée ".

5. Il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 26 février 2011, M. A... a été radié des contrôles d'office pour réforme définitive de l'armée active et admis à faire valoir ses droits à pension de retraite à compter du 28 juin 2011. Or, en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, il disposait d'un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle ses droits à pension de retraite ont été acquis soit à compter du 1er janvier 2012 pour demander le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge. Il s'ensuit que le 25 mai 2021, date de sa demande, le délai de quatre années lui permettant de solliciter le versement de cette allocation et de ce complément était prescrit. Dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe ne faisait obligation à l'administration d'informer M. A..., à l'occasion de sa radiation des contrôles, de l'existence de l'allocation de prévoyance et du complément d'allocation, il ne peut être regardé comme ayant légitimement ignoré l'existence de sa créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968. De même, si M. A... soutient que, du fait de son syndrome dépressif, il n'était pas en mesure d'effectuer des démarches administratives jusqu'en août 2019, il n'apporte, au soutien de cette affirmation, aucune précision ni aucune pièce qui serait de nature à établir qu'il se serait effectivement trouvé dans l'incapacité d'agir, soit par lui-même soit par l'intermédiaire de son représentant légal. Enfin, si en application de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968, l'autorité administrative peut procéder au relèvement de la prescription quadriennale, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières et notamment la situation de M. A..., qui ne saurait demander au juge administratif de prononcer lui-même un tel relèvement, auraient justifié un tel relèvement par l'organe compétent de l'établissement public. Par suite, c'est à bon droit que l'EPFP a opposé à M. A... la prescription de sa créance.

6. Au surplus, et en toute hypothèse, si M. A... a sollicité le bénéfice du complément de l'allocation du fonds de prévoyance militaire ainsi que le complément d'allocation déterminé en fonction du taux d'invalidité et du nombre d'enfants à charge en se prévalant de la blessure à la main dont il a été victime le 2 juin 1994, laquelle a été reconnue comme étant imputable au service, cette dernière n'est pas à l'origine de sa radiation des contrôles laquelle est consécutive à l'expiration de ses droits à congé de longue durée pour " symptomatologie dépressive " telle qu'elle ressort du certificat médical du 5 mai 2008. Ainsi, en tout état de cause, il ne remplissait pas les conditions lui ouvrant droit au bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance militaire et à son complément dès lors que l'infirmité ayant conduit à sa radiation des contrôles n'a pas été reconnue comme imputable au service.

7. Il s'ensuit que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l'EPFP et d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'il a présentées à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'EPFP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A..., par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme que l'EPFP demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'EPFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au directeur général de l'Etablissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.

La rapporteure,

A. COLLET La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05528
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BAUTES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;22pa05528 ?
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