La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2023 | FRANCE | N°22PA04768

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 11 décembre 2023, 22PA04768


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Raimo Glacier a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres de perception émis à son encontre le 10 mars 2020 par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne en vue de recouvrer les sommes de 18 100 euros et de 3 266 euros au titre respectivement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, mises à sa charge par une décision du 14 janvier 2020 du directeur généra

l de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ainsi que les décisions im...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Raimo Glacier a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres de perception émis à son encontre le 10 mars 2020 par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne en vue de recouvrer les sommes de 18 100 euros et de 3 266 euros au titre respectivement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, mises à sa charge par une décision du 14 janvier 2020 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ainsi que les décisions implicites rejetant sa réclamation du 4 août 2020, et de la décharger du paiement de ces sommes.

Par un jugement n° 2108909 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2022, la société Raimo Glacier, représentée par Me Rault, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les titres de perception émis à son encontre le 10 mars 2020 par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne pour des montants de 18 100 euros et de 3 266 euros et les décisions implicites rejetant sa réclamation ;

3°) de la décharger du paiement des sommes mises à sa charge ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation des titres de perception émis à son encontre le

10 mars 2020 sont recevables dès lors qu'elle a présenté sa réclamation dans le délai de deux mois suivant la notification, le 13 juillet 2020, du premier acte de poursuite, en application de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 ;

- les titres de perception contestés émanent d'une autorité incompétente ;

- la décision du 14 janvier 2020 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mettant à sa charge la somme de 18 100 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 3 266 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, sur le fondement de laquelle les titres de perception ont été pris, est illégale en ce qu'elle a méconnu les droits de la défense, que l'infraction n'est pas matériellement constatée et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses difficultés financières.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2023, le directeur départemental des finances publiques de l'Essonne demande à la cour à être mis hors de cause.

Il soutient que le tribunal administratif n'est pas compétent pour connaître du recours formé par un redevable portant sur la régularité formelle d'un acte de poursuite.

La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rault, représentant la société Raimo Glacier.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 juillet 2019, lors du contrôle de l'établissement exploité par la société Raimo Glacier situé à Paris, les services de l'inspection du travail ont constaté la présence d'un ressortissant brésilien en train d'installer des tables pour la clientèle et qui était en situation irrégulière sur le territoire français et dépourvu de titre autorisant l'exercice d'une activité salariée. Par une décision du 14 janvier 2020, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 18 100 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 3 266 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement. Le recours gracieux formé le 17 mars 2020 par la société à l'encontre de cette décision a été implicitement rejeté. Par un arrêt n° 21PA06512 du 20 mars 2023, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement n° 2013418 du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Raimo Glacier tendant à l'annulation des décisions du directeur général de l'OFII, à la décharge des contributions mises à sa charge et à la réduction du montant de la contribution spéciale à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti. Le 10 mars 2020, la direction départementale des finances publiques de l'Essonne a émis deux titres de perception à l'encontre de la société Raimo Glacier en vue de recouvrer les sommes de 18 100 euros et de 3 266 euros au titre respectivement de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, mises à sa charge par la décision du 14 janvier 2020 du directeur général de l'OFII. Par un courrier du 4 août 2020, reçu le 6 août suivant, la société Raimo Glacier a formé une réclamation auprès de la direction départementale des finances publiques de l'Essonne qui a été implicitement rejetée. Par un jugement du 11 octobre 2022, dont la société Raimo Glacier relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces titres de perception et à la décharge du paiement des sommes mises à sa charge par l'OFII.

2. Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention. /L'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. /Le comptable public compétent assure le recouvrement de cette contribution comme en matière de créances étrangères à l'impôt et aux domaines ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont reprises aux articles L. 822-2 et suivants du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine.(...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. A cet effet, il peut avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. /L'Etat est ordonnateur de la contribution forfaitaire. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. (...) ".

3. Aux termes de l'article 117 du décret du 7 novembre 2012 : " Les titres de perception émis en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales peuvent faire l'objet de la part des redevables : 1° Soit d'une contestation portant sur l'existence de la créance, son montant ou son exigibilité ; (...) ". Aux termes de l'article 118 du même décret : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer. /Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause. /Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. /La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent ".

4. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, notamment de la réclamation du 4 août 2020 de la société Raimo Glacier ainsi que des tampons apposés sur les titres de perception du 10 mars 2020 portant la mention " reçu le 30 avril 2020 ", que ces titres de perception, qui comportent la mention des voies et délais de recours, ont été notifiés à la société requérante le 30 avril 2020, ce qu'elle ne conteste pas au demeurant devant la cour. Il résulte des dispositions de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 citées au point 3 que la société Raimo Glacier disposait d'un délai de deux mois courant à compter de la notification de ces titres de perception pour adresser une réclamation au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer, soit jusqu'au 30 juin 2020. Ayant reçu notification des titres de perception litigieux, ainsi qu'il vient d'être dit, la société requérante ne peut utilement soutenir devant la cour que ce délai ne courait qu'à partir de la notification du premier acte de poursuite procédant de ces titres de perception dès lors qu'il ressort des termes mêmes de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 que ce point de départ est prévu seulement en l'absence de notification des titres de perception. En outre, le délai imparti à la société requérante pour former sa contestation expirant après le 23 juin 2020, il n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 prévoyant la prorogation des délais échus pendant la période du 12 mars 2020 au 23 juin 2020. Il s'ensuit que la contestation du 4 août 2020 de la société Raimo Glacier, présentée le 6 août suivant auprès de la direction départementale des finances publiques de l'Essonne, a été formée après l'expiration du délai de deux mois prévus par les dispositions de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 et était ainsi tardive. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Paris a estimé que les conclusions à fin d'annulation des titres de perception émis le 10 mars 2020, notifiés le

30 avril 2020, étaient irrecevables et a rejeté, par voie de conséquence, ses conclusions à fin de décharge du paiement des sommes mises à sa charge.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Raimo Glacier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Raimo Glacier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Raimo Glacier et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressé à la direction départementale des finances publiques.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04768 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04768
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : RAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;22pa04768 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award