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20/03/2023 | FRANCE | N°21PA06512

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 mars 2023, 21PA06512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Raimo Glacier a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 14 janvier 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 18 100 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 3 266 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Raimo Glacier a demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 14 janvier 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 18 100 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 3 266 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 17 mars 2020 et de la décharger du montant de ces contributions et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de la contribution spéciale à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti.

Par un jugement n° 2013418/3-1 du 19 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 décembre 2021 et 20 avril 2022, la société Raimo Glacier, représentée par Me Rault, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2013418/3-1 du 19 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 14 janvier 2020 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

3°) de prononcer la décharge de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mises à sa charge par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne l'a pas informée de son droit de solliciter la communication du procès-verbal d'infraction établi par les services de l'inspection du travail ; dans ces conditions, l'OFII a méconnu le principe des droits de la défense ;

- la personne contrôlée était le neveu par alliance du fils du directeur de la société à l'époque des faits ; elle n'était pas en action de travail lors du contrôle mais déplaçait simplement les tables empilées et apportait ainsi, le premier jour de son stage d'observation, une aide très ponctuelle à la suite du retard de deux heures du garçon de salle ; la société ne lui a versé ni salaire ni la moindre contrepartie financière ou autre ; il n'existe pas de lien de subordination entre la personne contrôlée et la société, nécessaire à la caractérisation d'un contrat de travail ; par suite, l'OFII a commis une erreur d'appréciation en lui infligeant les sanctions financières en litige ;

- l'application des sanctions financières en litige conduira irrémédiablement à ce qu'elle se trouve en situation de cessation de paiement.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me Schegin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Raimo Glacier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier du 7 décembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité du moyen tiré de la méconnaissance du principe des droits de la défense au motif que la société Raimo Glacier n'a pas été mise à même de demander la communication du procès-verbal du 3 juillet 2019 établi préalablement à la décision du 14 janvier 2020 du directeur général de l'OFII, ce moyen présenté après l'expiration du délai d'appel dans un mémoire enregistré le 20 avril 2022 étant fondé sur une cause juridique distincte des moyens de légalité interne invoqués dans la requête.

Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2022, la société Raimo Glacier a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rault, représentant la société Raimo Glacier.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 juillet 2019, lors du contrôle de l'établissement exploité par la société Raimo Glacier situé à Paris, les services de l'inspection du travail ont constaté la présence d'un ressortissant brésilien en train d'installer des tables pour la clientèle et qui était en situation irrégulière sur le territoire français et dépourvu de titre autorisant l'exercice d'une activité salariée. Par un courrier du 26 novembre 2019, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a informé la société Raimo Glacier, regardée comme l'employeur de ce salarié, qu'elle était susceptible, indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées, de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaire des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 11 septembre 2019, la société Raimo Glacier a présenté ses observations. Par une décision du 14 janvier 2020, le directeur général de l'OFII a mis à sa charge la somme de 18 100 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 3 266 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement. Le recours gracieux formé le 17 mars 2020 par la société à l'encontre de cette décision a été implicitement rejeté. Par un jugement du 19 octobre 2021, dont la société Raimo Glacier relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du directeur général de l'OFII, à la décharge des contributions mises à sa charge et à la réduction du montant de la contribution spéciale à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti. La société Raimo Glacier doit être regardée comme demandant également à la Cour l'annulation de la décision implicite de l'OFII rejetant son recours gracieux.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. (...). L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention ".

3. Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. A cet effet, il peut avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. (...) ".

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie par l'OFII :

4. Le moyen tiré de la méconnaissance par l'OFII de son obligation d'informer la société Raimo Glacier de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction établi le 3 juillet 2019 par les services de l'inspection du travail sur la base duquel ont été constatés les manquements qui lui sont reprochés préalablement à la décision de mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se rattache à la régularité de la procédure suivie par l'OFII, relève d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattache les moyens soulevés par la société requérante dans sa requête et qui se rapportent au bien-fondé des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge. Ce moyen nouveau, qui n'est pas d'ordre public et qui a été présenté dans le mémoire enregistré le 20 avril 2022, c'est-à-dire après l'expiration du délai de recours contentieux, est par suite irrecevable.

En ce qui concerne le bien-fondé de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine :

5. En premier lieu, l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Il ressort des mentions du procès-verbal établi le 3 juillet 2019, qui font foi jusqu'à preuve du contraire en vertu de l'article L. 8113-7 du code du travail, qu'un ressortissant brésilien, M. A..., en situation irrégulière sur le territoire français et dépourvu de titre autorisant l'exercice d'une activité salariée, qui portait une veste à l'enseigne de la société Raimo Glacier, installait des tables pour la clientèle au sein de l'établissement géré par cette société. Ce ressortissant brésilien a déclaré au contrôleur du travail être étudiant et avoir commencé " le matin même en qualité d'extra ". Si le gérant de l'établissement a affirmé que le ressortissant étranger débutait un stage, il n'a pas été en mesure de présenter au contrôleur du travail la convention de stage conclue avec l'établissement scolaire de l'intéressé. La société requérante soutient que M. A..., qui serait le neveu du directeur de la société, ne travaillait pas dans l'établissement et que le contrôleur du travail aurait pu constater que l'intéressé n'était pas un salarié de la société s'il l'avait suffisamment interrogé, notamment sur son salaire. Cependant, M. A... a reconnu devant le contrôleur du travail travailler en qualité " d'extra " avant de quitter l'établissement au cours des opérations de contrôle. L'attestation d'assiduité du 22 juillet 2019 émanant du bureau des cours municipaux d'adultes de la Ville de Paris mentionnant que l'intéressé a suivi une formation française pendant la période du 19 février 2019 au 27 juin 2019 ne saurait tenir lieu de convention de stage et n'est en tout état de cause de nature à établir ni l'absence de lien de subordination entre ce salarié et la société Raimo Glacier, ni même l'absence de contrepartie financière ou en nature. La société requérante ne fournit aucun autre élément de nature à contredire la réalité des faits rapportés par le procès-verbal établi le 3 juillet 2019 par le contrôleur du travail. Dans ces conditions, M. A... doit être regardé comme ayant été employé à un travail par la société Raimo Glacier alors même qu'aucun contrat de travail n'a été établi. Par suite, le directeur général de l'OFII n'a pas commis d'erreur d'appréciation en mettant à la charge de celle-ci la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En second lieu, la société Raimo Glacier ne peut utilement invoquer la situation de cessation de paiement dans laquelle l'exécution de la décision de l'OFII est susceptible de la placer.

7. Il résulte des points 4, 5 et 6 que les conclusions de la société Raimo Glacier aux fins d'annulation de la décision du 14 janvier 2020 du directeur général de l'OFII et de la décision implicite rejetant son recours gracieux ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la décharge de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mises à sa charge par l'OFII.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Raimo Glacier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Raimo Glacier au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Raimo Glacier le versement à l'OFII de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Raimo Glacier est rejetée.

Article 2 : La société Raimo Glacier versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Raimo Glacier et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2023.

La rapporteure,

V. B... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA06512 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06512
Date de la décision : 20/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : RAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-20;21pa06512 ?
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