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11/12/2023 | FRANCE | N°22PA03834

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 11 décembre 2023, 22PA03834


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.



Par ordonnance du 20 mai 2022, le président du tri

bunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis la requête au tribunal administratif de Montreuil.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par ordonnance du 20 mai 2022, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis la requête au tribunal administratif de Montreuil.

Par jugement n° 2208576 du 21 juillet 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2022, M. B..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2208576 du 21 juillet 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il lui a été impossible de déposer une demande de titre de séjour alors qu'il remplit les conditions fixées par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision d'interdiction de retour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- cette décision dans son principe et sa durée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de sa situation personnelle et professionnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien né le 15 septembre 1982 est entré sur le territoire français en 2012 selon ses déclarations. Par arrêté du 18 mai 2022, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Par jugement n° 2208576 du 21 juillet 2022, dont M. B... relève appel, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 18 mai 2022 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. B... invoque le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, il n'apporte à l'appui de ce moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif de Montreuil, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par la première juge. Il y a, dès lors, lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par cette dernière au point 4 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas été en mesure de justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Alors qu'il ne justifie pas avoir déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié ou au titre de sa vie privée et familiale, et ne justifie pas davantage que, comme il le soutient, il aurait vainement tenté de le faire, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance par le préfet de son pouvoir de régularisation.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. B... soutient et démontre qu'il réside de manière habituelle en France depuis l'année 2012, qu'il exerce la profession de peintre en bâtiment depuis le 4 mai 2022 en contrat à durée indéterminée et qu'il subvient à ses besoins. Il fait valoir qu'il bénéficie d'un logement indépendant dont il règle le loyer et qu'il remplit les conditions pour qu'un titre de séjour lui soit délivré en application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais qu'il lui a été impossible de déposer une demande de titre de séjour. S'il ressort de l'arrêté contesté qu'il a indiqué être marié sans enfant à charge, il ne donne désormais aucune indication à ce titre dans ses écritures alors que l'administration a relevé qu'il déclarait être marié avec une compatriote en situation irrégulière. Compte tenu du caractère récent de son activité professionnelle, la circonstance qu'il établisse résider en France depuis l'année 2012 n'est pas suffisante, alors que l'intéressé ne se prévaut dans son recours contentieux d'aucune attache familiale et personnelle en France, pour regarder l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas davantage fondé à soutenir que l'arrêté attaqué portant obligation de quitter le territoire français serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

8. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire. Par ailleurs, l'intéressé n'a pas justifié de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Ainsi, c'est sans entacher sa décision d'une erreur de droit que le préfet des Hauts-de-Seine a décidé de prendre à l'encontre de M. B... une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que si M. B... a fait l'objet, en 2017, d'une obligation de quitter le territoire à laquelle il ne s'est, alors, pas conformé, il vit et réside en France depuis 2012 soit depuis plus de 10 ans, en disposant d'une adresse stable et qu'il établit occuper un emploi en contrat à durée indéterminée depuis mai 2022. Ainsi, le requérant démontre sa volonté d'intégration et ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, en prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour d'une durée de deux ans, le préfet des Hauts-de-Seine a entaché cette décision d'une erreur d'appréciation. Compte tenu du caractère indivisible de la décision en litige, qui porte à la fois sur le principe de l'interdiction de retour sur le territoire français et sur la durée de cette interdiction, la décision prise à l'encontre de M. B... doit être annulée sans qu'une telle annulation ne fasse obstacle à ce que l'administration, qui, comme il a été dit au point 8, a pu régulièrement décider de prendre à l'encontre du requérant une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, prenne une nouvelle mesure d'interdiction, pour une durée mieux adaptée à la situation de M. B... au regard des quatre critères fixés par la loi.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montreuil n'a pas annulé la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français qui a été fixée à deux ans par le préfet des Hauts-de-Seine. Le jugement attaqué doit donc être annulé dans cette mesure.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 18 mai 2022 est annulé en tant que le préfet des Hauts-de-Seine a fixé à deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français imposée à M. B....

Article 2 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.

La rapporteure,

A. COLLET La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03834
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;22pa03834 ?
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