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11/12/2023 | FRANCE | N°22PA03018

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 11 décembre 2023, 22PA03018


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2106266 du 3 juin 2022, le tri

bunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2106266 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2022, M. A..., représenté par Me Nessah, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2106266 du 3 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " commerçant " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations des articles 5 et 7 c) de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Une mise en demeure a été adressée le 12 juillet 2023 au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Ho Si Fat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 11 décembre 1990 et entré régulièrement en France le 8 octobre 2017 sous couvert d'un visa long séjour en qualité d'étudiant et titulaire d'un titre de séjour en cette qualité régulièrement renouvelé jusqu'au 1er décembre 2019 a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, puis un changement de statut en tant que commerçant. Par un arrêté du 19 avril 2021 le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 3 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : (...) / c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ; (...) ".

3. Il résulte de ces stipulations, qui régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, que la première délivrance d'un certificat de résidence en vue de l'exercice d'une activité professionnelle autre que salariée n'est pas soumise à la démonstration de son caractère effectif dès lors que celle-ci ne peut légalement démarrer que postérieurement à l'obtention de ce titre de séjour, ni à la démonstration de son caractère sérieux ou de sa viabilité économique, ni à l'existence d'un lien entre cette activité et les études suivies par le demandeur. Toutefois, ces stipulations ne sauraient faire obstacle à ce que leur soient appliqués les textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, d'une activité professionnelle.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui bénéficiait d'un titre de séjour en qualité d'étudiant valable jusqu'au 1er décembre 2019, a sollicité à l'occasion de la demande de renouvellement de son titre de séjour un changement de statut afin d'exercer l'activité professionnelle d'exploitation d'une société dénommée " 3GH3 " ayant pour activité le nettoyage courant des bâtiments et la remise en état pour particuliers, sociétés, syndics d'immeubles et collectivités, ainsi que l'activité de coursiers à vélo et qu'il a fait immatriculer son entreprise au registre du commerce et des sociétés le 18 février 2020. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant ", le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé présentait, au soutien de sa demande, des éléments de contexte stéréotypés, des projections financières ne présentant aucun caractère concret ou sérieux ainsi qu'aucune donnée correspondant à la fiscalité, aux éventuels débouchés ou aux partenariats qu'il a pu nouer. En outre, il a relevé que le dossier présenté était incohérent et insincère dès lors que la société créée par M. A... n'avait aucun lien avec les études poursuivies par l'intéressé en France. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait refuser la délivrance du certificat de résidence pour ces motifs dès lors que ceux-ci relèvent de l'appréciation du caractère sérieux et de la viabilité économique de l'activité professionnelle envisagée par le demandeur. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les stipulations des articles 5 et 7c de l'accord franco-algérien.

5. D'autre part, M. A... soutient que c'est à tort que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'il aurait volontairement détourné la procédure prévue au titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré qu'il y avait lieu de faire échec à la demande présentée par M. A... dès lors que l'intéressé aurait obtenu des titres de séjour en qualité d'étudiant dans l'unique intention de se maintenir sur le territoire français. S'il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public d'y faire échec, toutefois les seules circonstances que M. A... ait été défaillant dans l'obtention de sa licence en sociologie et que l'activité professionnelle envisagée ne soit pas en lien avec les études qu'il a suivies en France ne sont pas suffisantes en l'espèce pour caractériser le détournement de procédure allégué. Dans ces conditions, M. A... est également fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis, en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité pour ce motif, a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et a demandé l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, et en l'absence de changement dans la situation de l'intéressé, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " commerçant " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2106266 du 3 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 19 avril 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... un certificat de résidence portant la mention " commerçant " dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT La présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03018
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;22pa03018 ?
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