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11/12/2023 | FRANCE | N°22PA01596

France | France, Cour administrative d'appel, 8ème chambre, 11 décembre 2023, 22PA01596


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du ministre de l'intérieur 29 août 2019 portant changement d'affectation, d'annuler la décision du 12 décembre 2018 du ministre de l'intérieur portant refus de prolongation de séjour sur le poste occupé au sein du service de la sécurité intérieure de l'ambassade de France à Madrid en Espagne, et d'annuler la décision du ministre de l'intérieur en date du 5 septembre 2017 portant affectation e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du ministre de l'intérieur 29 août 2019 portant changement d'affectation, d'annuler la décision du 12 décembre 2018 du ministre de l'intérieur portant refus de prolongation de séjour sur le poste occupé au sein du service de la sécurité intérieure de l'ambassade de France à Madrid en Espagne, et d'annuler la décision du ministre de l'intérieur en date du 5 septembre 2017 portant affectation en qualité de chargé d'études à l'ambassade de France à Madrid pour la période comprise entre le 11 septembre 2017 et le 31 août 2019 inclus.

Par un jugement n° 1920544/5-3 du 26 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 avril 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 20 juin 2023, M. B... représenté par Me Bonneau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1920544 du 26 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions des 5 septembre 2017 de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur, 12 décembre 2018 de la directrice de la coopération internationale et 29 août 2019 du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de le réintégrer dans ses fonctions au sein de l'ambassade de France à Madrid à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ses conclusions dirigées contre la décision du 5 septembre 2017, qui lui fait grief, étaient irrecevables ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit puisqu'elle lui applique une durée d'affectation alors qu'il n'est pas en position de détachement ;

- la décision du 12 décembre 2018 portant refus de prolongation de son séjour est entachée d'incompétence de son auteur dès lors qu'il relève de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur ;

- elle n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit ;

- la décision du 29 août 2019 est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation de la commission administrative paritaire ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision du 12 décembre 2018 ;

- elle est entachée d'erreur de droit alors que sa mutation d'office ne répond pas aux exigences de l'intérêt du service ;

- elle méconnait son droit au respect des biens en vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête en se référant à ses écritures de première instance.

Par une ordonnance du 21 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juillet 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'arrêté du 20 octobre 1995 pris pour l'application de l'article 28 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

- l'arrêté du 12 août 2013 relatif aux missions et à l'organisation de la direction de la coopération internationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bonneau représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Courant 2015, M. B..., attaché principal d'administration de l'Etat alors en poste à la direction générale des étrangers en France -en résidence à Paris-, a été affecté en qualité de chargé d'études au sein du service de la sécurité intérieure de la direction de la coopération internationale (DCI) à l'ambassade de France à Madrid, du 11 septembre 2015 au 10 septembre 2017. Le 6 avril 2017, la sous-direction de l'administration et des finances de la DCI du ministère de l'intérieur l'a maintenu dans ses fonctions du 11 septembre 2017 au 31 août 2019. Par décision du 5 septembre 2017, la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur a prolongé cette affectation pour la même durée. Par une décision du 12 décembre 2018, la directrice de la coopération internationale a en revanche rejeté la demande de M. B... tendant à la prolongation de son affectation sur ce poste. Par une décision du 29 août 2019, le ministre de l'intérieur l'a affecté à la direction des ressources et des compétences de la police nationale à compter du 1er septembre 2019. M. B... relève appel du jugement du 26 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 5 septembre 2017, du 12 décembre 2018 et du 29 août 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que par sa décision du 6 avril 2017, définitive à la date d'introduction de la demande en première instance faute de contestation dans le délai de recours contentieux, la sous-direction de l'administration et des finances de la DCI du ministère de l'intérieur, es qualité d'autorité investie du pouvoir hiérarchique, a maintenu à sa demande M. B... dans ses fonctions, pour la période allant du 11 septembre 2017 au 31 août 2019. La décision du 5 septembre suivant émanant de la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur, rendue dans des termes identiques et favorables à l'intéressé, lequel n'établit pas qu'il aurait formé une demande de prolongation de son affectation au-delà de la date du 31 août 2019, fait droit à sa demande de reconduction d'une affectation initialement fixée à deux ans. Il s'en infère que le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont écarté comme irrecevables les conclusions dirigées contre cette décision.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision du 12 décembre 2018 :

3. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, M. B... ayant été rattaché à la DCI pour la durée de son affectation à Madrid, les décisions concernant la reconduction de son affectation relevaient ainsi de la compétence de cette direction en tant qu'autorité investie du pouvoir hiérarchique. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit dès lors être écarté comme manquant en droit.

4. En deuxième lieu, l'affectation dans un pays étranger ne constitue pas un avantage dont l'attribution constitue un droit pour le fonctionnaire qui l'a demandée. Par suite, la décision contestée par laquelle l'administration a refusé de renouveler l'affectation de M. B... ne figure pas au nombre des décisions administratives défavorables devant être motivées au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont constaté à bon droit les premiers juges, que la décision attaquée est fondée sur un motif tiré de l'intérêt du service " consistant à limiter la durée d'affectation à l'étranger " de l'ensemble de ses personnels " eu égard, d'une part, à la nécessité de service de garantir le renouvellement des compétences et des profils en assurant un minimum de turnover sur le nombre limité de postes à l'étranger, et d'autre part, à la vocation première des fonctionnaires de l'Etat de servir dans les administrations françaises ". Le requérant n'établit pas que la décision litigieuse serait intervenue en application de l'arrêté du 20 octobre 1995 pris pour l'application de l'article 28 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la décision du 29 août 2019 :

6. Aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat alors en vigueur : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires / (...) lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions. ". Il résulte de ces dispositions que les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé doivent, sous peine d'irrégularité, être soumises à l'avis de la commission administrative paritaire (CAP), ce alors même que l'intéressé aurait accepté sa nouvelle fonction ou que l'administration se trouverait dans l'obligation de mettre fin à une affectation illégale du fonctionnaire.

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. En l'espèce, la décision d'affectation de M. B... à la direction des ressources et des compétences de la police nationale, à Paris, présente le caractère d'une mutation emportant tant un changement de résidence qu'une modification de la situation administrative de l'intéressé. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle a été précédée de la consultation de la CAP et quand bien même les candidatures du requérant sur deux postes -à la préfecture des Bouches-du-Rhône et à la préfecture du Var- ont été soumises à cette dernière, celui-ci est fondé à soutenir que la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure qui l'a privé de la garantie alors prévue par les dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, et, par suite, à en demander pour ce motif l'annulation..

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 29 aout 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard au motif d'annulation retenu et alors que le moyen d'annulation retenu est le mieux à même de régler le litige, le présent arrêt n'implique pas la réintégration de M. B... dans ses fonctions au sein de l'ambassade de France à Madrid, à plus forte raison sous astreinte.

Sur les frais du litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 29 août 2019 du ministre de l'intérieur et des outre-mer est annulée.

Article 2 : Le jugement n°1920544 du 26 janvier 2022 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2023.

La rapporteure,

M-D JAYERLa présidente,

A. MENASSEYRE

La greffière,

N. COUTYLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01596


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01596
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;22pa01596 ?
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