Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2102485 du 29 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2022, M. C..., représenté par Me Ouelhadj, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2102485 du 29 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il rejette ses conclusions aux fins d'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination contenues dans l'arrêté du 25 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- il est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant refus de séjour au regard de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une dénaturation des faits ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
Une mise en demeure en date du 12 juillet 2023 a été adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 18 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 novembre 2022 à 12 heures.
Par une décision du 14 janvier 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ho Si Fat, président-assesseur,
- et les observations de Me Ouelhadj, avocate de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien entré sur le territoire français en mai 2016 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 423-22 du même code. Il relève appel du jugement du 29 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français contenues dans l'arrêté du 25 mai 2020.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 423-22 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
4. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. C... sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a retenu que l'intéressé était majeur lors de son entrée sur le territoire national. A ce titre, le préfet s'est fondé, pour apprécier la validité des documents d'identité produits par M. C... sur l'avis négatif du bureau de la fraude documentaire et à l'identité, sur l'avis du médecin des unités médico-judiciaires (UMJ) de Paris qui, après un test osseux, aurait conclu qu'il était " hautement probable " que l'intéressé soit âgé de plus de dix-huit ans, sur le jugement du tribunal pour enfants de A... du 19 septembre 2017 rejetant la demande de renouvellement de la mesure de placement de M. C... et sur le fait que ce dernier aurait reconnu devant le tribunal avoir produit de faux documents pour justifier de son identité.
5. Toutefois, l'intéressé produit pour la première fois en appel une copie intégrale du jugement supplétif rendu par le tribunal d'instance de Bafoulabé le 28 décembre 2015, tenant lieu d'acte de naissance ainsi que deux copies de l'extrait d'acte de naissance portant transcription, en vertu du jugement, au registre d'état civil de la commune de Kontéla au centre principal de Goundara. Ces deux documents, dont il n'est pas établi ni même allégué qu'ils seraient revêtus d'incohérences, indiquent que l'intéressé est né le 15 juin 2000, de sorte qu'il était âgé de quinze ans et onze mois lorsqu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) de Seine-Saint-Denis le 27 mai 2016. Ces éléments sont corroborés par sa carte d'identité consulaire établie le 8 novembre 2018 ainsi que son passeport malien délivré le 31 décembre 2018 qui, bien que n'étant pas des documents d'état civil, indiquent la même date de naissance. Par ailleurs, il ressort des termes du jugement du tribunal pour enfants de A... que le médecin des UMJ de Paris considérait qu'il n'était que " probable " que M. C... soit âgé de plus de dix-huit ans et que ce dernier n'a pas reconnu avoir produits de faux documents d'identité. Cette allégation du préfet provient d'une déduction de l'éducatrice de l'ASE à la suite d'une discussion avec l'intéressé au sujet de ses documents d'identité dont il ressort, au demeurant, des pièces du dossier, qu'il maîtrisait alors imparfaitement la langue française. Dans ces conditions et en l'absence de toute contestation, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas défendu en première instance et, bien que mis en demeure, n'a pas produit de mémoire en défense en appel et doit être ainsi regardé comme ayant acquiescé aux faits présentés dans la requête, lesquels ne sont pas démentis par les pièces du dossier, ne renverse pas la présomption de validité qui s'attache, en vertu de l'article 47 du code civil, aux mentions contenues dans le jugement supplétif du 25 décembre 2015 et sa transcription. Par suite, la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de fait.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ".
7. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C..., confié aux services de l'ASE du 27 mai 2016 au 30 septembre 2017 lorsqu'il était mineur, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 12 juin 2019, alors âgé de dix-huit ans et onze mois. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé était scolarisé et arrivait au terme de son certificat d'aptitude professionnelle " agent polyvalent de restauration ". Bien que postérieure d'un mois à la décision de refus de séjour la délivrance de son diplôme en 20 juin 2020 avec une moyenne de 13,82 révèle le caractère réel et sérieux du suivi de cette formation. Ce sérieux est par ailleurs corroboré par les nombreux témoignages élogieux de ses enseignants, dont celui de son professeur principal, qui soulignent notamment son investissement et son assiduité, l'absence de tout retard ou de jours de cours manqués durant les deux années de sa formation ainsi que l'accomplissement des seize semaines de stages prévues en entreprise. Il ressort également des pièces du dossier qu'il était inséré dans la société française, notamment par le suivi durant l'année scolaire 2017-2018 d'une formation " Mission de lutte contre le décrochage scolaire niveau 5 ", par son apprentissage assidu du français et par les liens qu'il a noués avec ses camarades de classe. Enfin, en l'absence de toute contestation, le préfet n'établit pas que l'intéressé entretenait toujours des liens avec sa famille restée au Mali, quand bien même l'intéressé avait gardé des liens avec son oncle afin qu'il lui transmette les actes d'état civil élaborés par les autorités maliennes. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées à M. C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait une inexacte application des dispositions précitées. Il s'ensuit que la décision du 20 mai 2020 portant refus de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
10. Il résulte de l'instruction que M. C... est désormais âgé de vingt-trois ans à la date du présent arrêt, de sorte qu'il ne peut plus prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de Me Ouelhadj, sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 29 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Les décisions du 20 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis réexaminer la situation de M. B... C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'État versera à Me Ouelhadj la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Me Ouelhadj renoncera, si elle recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2023.
Le rapporteur,
F. Ho Si Fat La présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA01161