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11/12/2023 | FRANCE | N°22MA02251

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 11 décembre 2023, 22MA02251


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) APRS a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2010, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009.



Par un jugement n° 1900570 du 17 juin

2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) APRS a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2010, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1900570 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 août 2022 et 7 mars 2023, la SARL APRS, représentée par Me Munoz, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2018 par laquelle l'administration a rejeté partiellement sa réclamation ;

3°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2010 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les scellés et documents issus de la procédure pénale, obtenus par l'administration fiscale en application des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, ne lui ont pas été communiqués, constituant ainsi une violation des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; elle a été privée d'un débat oral et contradictoire ; la procédure est entachée d'irrégularité au regard de l'instruction BOI-CF-PGR-30-10 du 4 octobre 2017 ;

- elle n'a pas obtenu communication, malgré sa demande, des factures saisies et examinées par le service vérificateur ;

- l'agent attributaire du dossier de vérification a été remplacé par un autre sans qu'elle n'en soit informée ; le rapport remis à la commission départementale des impôts est signé par une personne qui n'est pas celle du vérificateur en charge du dossier ;

- le rejet de sa comptabilité est infondé et est intervenu en méconnaissance des instructions DB 4G 2342 n° 6 à 8, 13 L-1455 du 1er juillet 1989, 13 L-7-88 du 6 mai 1988, DB 4G 2334 et des réponses ministérielles du 21 septembre 1957 et du 22 juin 1972 faites à M. C... et à M. B... ;

- la reconstitution des recettes opérée par le service est erronée, en ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période du 23 avril 2008 au 11 août 2008 et du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2010 ;

- les rectifications au titre des revenus distribués mis à la charge du gérant sont infondées ;

- la majoration de 80 % appliquée pour manœuvres frauduleuses est infondée ; elle est fondée à se prévaloir du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales afin que lui soit appliquée une majoration de 40 %.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics demandent à la cour de rejeter la requête de la SARL APRS.

Ils font valoir que :

- la demande concernant les rectifications portant sur la période précédant le 11 août 2008 est sans objet, eu égard au dégrèvement accordé par décision du 18 décembre 2018 ;

- le moyen relatif aux revenus distribués mis à la charge de M. A..., qui se rapporte à l'imposition sur le revenu du gérant de la SARL APRS, et non à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés auxquels la société requérante a été assujettie, est inopérant ;

- les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2023.

Par lettre du 31 août 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 18 décembre 2018 portant rejet partiel de la réclamation préalable de la SARL APRS, une telle décision n'étant pas susceptible de recours pour excès de pouvoir.

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics ont répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 4 septembre 2023.

Un mémoire, enregistré le 13 avril 2023 et produit par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes public, n'a pas été communiqué.

Un mémoire, présenté le 16 novembre 2023 pour la SARL APRS, a été produit après la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) APRS, qui exploite un bar et un restaurant sous l'enseigne " La plage " à Toulon, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 septembre 2010. A l'issue des opérations de contrôle, et au vu des constatations opérées à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Draguignan, l'administration fiscale lui a notifié sur cette période, par une proposition de rectification du 11 avril 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, selon la procédure de rectification contradictoire. La SARL APRS relève appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2010 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale statue sur les réclamations contentieuses des contribuables ne constituent pas des actes détachables de la procédure contentieuse d'imposition. Elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours de plein contentieux qu'au titre de la procédure fixée par les articles L. 199 et suivants du livre des procédures fiscales. Dès lors, les conclusions de l'appelante tendant à l'annulation de la décision du 18 décembre 2018 par laquelle l'administration fiscale a rejeté partiellement sa réclamation préalable sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée du 6 décembre 2010 au 7 avril 2011. Il ressort de la proposition de rectification du 11 avril 2011 qu'une première intervention au siège de la société s'est déroulée le 6 décembre 2010 et que les opérations de contrôle se sont poursuivies, à la demande du représentant de la société, au cabinet de son expert-comptable. Ces interventions ont eu lieu les 4, 5, 11, 12, 25 janvier 2011, 4 février 2011 et 7 avril 2011. Il n'est pas établi que le vérificateur se serait refusé, au cours de ces diverses rencontres, à tout échange de vues avec le représentant de la société, son conseil, désigné pour représenter la société, ou l'expert-comptable et qu'un débat oral et contradictoire n'aurait pas eu lieu. Par ailleurs, la requérante n'établit pas que les éléments recueillis auprès de l'autorité judiciaire le 7 février 2011 par l'administration fiscale, dans le cadre d'une affaire intéressant la société Top Caisse, n'auraient pas été soumis au débat oral et contradictoire, alors qu'une réunion de synthèse s'est tenue postérieurement le 7 avril 2011, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait consisté uniquement à chiffrer le montant des rectifications. Il ressort en outre de la proposition de rectification notifiée à la requérante que cette dernière a été informée des éléments obtenus auprès de l'autorité judiciaire qui ont été utilisés pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise et qui ont été communiqués, ainsi qu'il est dit au point 8, et ce avant les observations émises par le contribuable à la proposition de rectification, et, en tout état de cause, avant la mise en recouvrement des impositions. Par suite, le moyen tiré du défaut d'un débat oral et contradictoire manque en fait et doit être écarté.

5. D'une part, aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. (...) ". Aux termes de l'article L. 82 C du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. " et aux termes de l'article L. 101 de ce livre, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu. ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.

8. Il résulte de l'instruction et, notamment des termes mêmes de la proposition de rectification du 11 avril 2011 que, pour établir les rectifications en litige, l'administration s'est fondée, en particulier, sur les éléments obtenus auprès de l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, figurant dans le dossier d'instruction n° 10/19 concernant la société Top Caisse. Les références des pièces prises en copie le 7 février 2011 par l'administration fiscale sont listées dans un bordereau. D'une part, la proposition de rectification mentionne de manière suffisamment précise l'origine et la teneur des documents et informations sur lesquels l'administration fiscale a fondé les rehaussements en litige, reposant sur deux cahiers, mis sous scellés de justice, retraçant les achats et les recettes de la SARL APRS ainsi que le nom de ses salariés et leur rémunération. D'autre part, il est constant que, par un courrier adressé par télécopie le 27 avril 2011, le conseil de la SARL APRS a demandé à l'administration fiscale la communication de ces documents et informations. Il ressort de la réponse aux observations du contribuable du 19 juillet 2011 que ces éléments ont été transmis par un courrier du 14 juin 2011, réceptionné le 23 juin suivant et versé aux débats, dont les termes précisent qu'ils ont soit été " pris en note ", soit ont fait l'objet de copies. La société requérante allègue, sans l'établir, que cette communication ne serait qu'incomplète et ne contiendrait pas les documents mis sous scellés de justice alors qu'il résulte au contraire de l'instruction, et notamment de la réponse aux observations du contribuable, que l'administration a transmis à la société tous les éléments qu'elle avait elle-même obtenus auprès de l'autorité judiciaire, soit par prise de notes, soit par reprographie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

9. Les allégations de la SARL APRS selon lesquelles l'inspecteur des impôts en charge de la vérification de comptabilité aurait quitté les services de la brigade de vérification à compter du 1er septembre 2011 et aurait été remplacé par un autre agent sans en être informée sont dépourvues de justifications et en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, les opérations de vérification étant achevées depuis le 11 avril 2011, date de la proposition de rectification. Ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'une personne aurait imité la signature manuscrite de cet agent sur le rapport établi à l'attention de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lequel comporte également le visa de l'inspectrice principale des impôts, au seul motif que la signature, présentant les initiales des prénom et nom de l'agent, n'est pas rigoureusement identique à celle figurant sur la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable, reproduisant ces initiales mais de manière inversée. Par suite, le moyen tiré du changement d'attributaire du dossier de vérification doit être écarté.

10. La circonstance que l'administration ait transmis, dans le cadre de l'instance, la version dématérialisée de la proposition de rectification et du courrier précité du 14 juin 2011, laquelle précise l'identité de ses auteurs sans comporter de signature manuscrite, n'entache pas, pour ce seul motif, d'irrégularité la procédure d'imposition. La requérante produit par ailleurs l'extrait de la version originale de la proposition de rectification, signé par le vérificateur et l'inspectrice principale au même titre que la réponse aux observations du contribuable. Par suite, et alors qu'aucun texte législatif ou réglementaire n'impose de signer de manière manuscrite le rapport sur la vérification de comptabilité qui est un document administratif interne à l'administration, le moyen tiré du défaut de signature de ces documents doit être écarté.

11. La société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'instruction BOI-CF-PGR-30-10 du 4 octobre 2017, au demeurant postérieure aux exercices et à la période d'imposition en litige, qui, s'agissant d'une question afférente à la régularité de la procédure d'imposition, ne peut être regardée comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

12. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions qu'à défaut de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ou, comme en l'espèce, dans l'hypothèse d'un désistement de cette saisine, et lorsque le contribuable n'a pas accepté les rehaussements qui lui avaient été notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire, il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des suppléments d'impôt en litige.

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

14. Il résulte de l'instruction, et notamment des énonciations de la proposition de rectification du 11 avril 2011, que le service a relevé notamment que la SARL APRS n'avait produit aucun justificatif de recettes sur l'intégralité de la période vérifiée, en l'absence de présentation des bandes de contrôle s'agissant tant de la caisse dédiée à l'activité du bar que de la caisse consacrée à l'activité du restaurant. Il a constaté que des recettes et achats n'avaient, pour une part importante, pas été déclarés sur la période vérifiée, de même que les versements de salaires, dont une partie était versée en espèces sans être déclarée. Par ailleurs, les éléments recueillis dans le cadre de l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ont permis de confirmer ces minorations et défauts de déclaration, confirmés par le gérant au cours de ses auditions, qui a admis l'existence d'un logiciel permettant la dissimulation de recettes en espèces. Ces motifs, établissant la tenue d'une comptabilité occulte, étaient suffisants pour permettre au service de regarder la comptabilité, qui ne retraçait donc pas l'ensemble des opérations réalisées par la société, comme dénuée de valeur probante. Si la SARL APRS soutient qu'elle a utilisé une méthode globale de comptabilisation des recettes autorisée par le 3° du I de l'article 286 du code général des impôts, qui prévoit que les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à un certain montant pour les ventes au détail, ces dispositions, qui d'ailleurs ne peuvent être invoquées qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'exonèrent pas pour autant le contribuable de l'obligation de produire des justifications de nature à établir la consistance des recettes portées en comptabilité. Par suite, compte tenu des importantes anomalies relevées par le service, et alors même que la SARL APRS a présenté des documents comptables et souligne l'impossibilité de justifier la conservation de ses données informatiques en raison de la saisie judiciaire de son matériel informatique, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité comme dépourvue de toute valeur probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société requérante.

15. Les réponses ministérielles faites les 21 septembre 1957 et 22 juin 1972 aux questions écrites de M. C... et M. B..., députés, les documentations administratives de base référencées 4G-2334 et 4G-2342 n° 6 à 8 et les instructions 13 L-1455 du 1er juillet 1989 et 13 L-7-88 du 6 mai 1988 citées par la société requérante ne peuvent être utilement invoquées sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la société n'ayant pas présenté, ainsi qu'il vient d'être dit, de pièces de nature à justifier du détail de ses recettes enregistrées globalement.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

16. Pour reconstituer les recettes de la SARL APRS, le vérificateur a exploité les éléments dont il a eu connaissance dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, en particulier les deux cahiers où étaient enregistrés les recettes bar et restaurant, ainsi que les achats et les salaires à la fois déclarés et non déclarés par la société. Le service s'est également fondé sur les déclarations du gérant de la SARL APRS recueillies dans un procès-verbal d'audition du 12 octobre 2010. Sur la base de ces éléments,

le service a isolé dans la comptabilité présentée, pour chacun des exercices contrôlés, le montant des achats et recettes toutes taxes comprises et le montant des salaires comptabilisés. Pour chaque exercice, le service a déterminé, à partir de ces données, deux coefficients, résultant, d'une part, du rapport entre les recettes et achats toutes taxes comprises comptabilisés, d'autre part, du rapport entre les recettes toutes taxes comprises comptabilisées et les salaires comptabilisés. Ces coefficients ont ensuite été appliqués pour déterminer le montant des recettes toutes taxes comprises omises, à partir du montant des achats et salaires non comptabilisés. Enfin, le montant des recettes reconstituées a été comparé aux montants des recettes non déclarées telles que résultant de l'examen des carnets mis sous scellés de justice. Pour la période du 1er avril au 31 juillet 2008, pour laquelle les éléments transmis ne permettaient pas de déterminer les recettes dissimulées, le service vérificateur a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires, d'une part à partir des achats non comptabilisés et d'autre part, à partir des salaires non déclarés, auxquels ont été appliqués les coefficients déterminés précédemment.

17. Si la société requérante demande que les rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée soient limités à la somme de 17 310 euros sur la période du 23 avril au 11 août 2008, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a accordé le dégrèvement de cette somme par sa décision du 18 décembre 2018 statuant sur la réclamation du contribuable. Dès lors, ces conclusions sont sans objet et par suite irrecevables.

18. La SARL APRS, qui ne conteste pas la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires telle qu'exposée au point 16, se borne à soutenir que 60 % de son chiffre d'affaires doit être soumis au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % en ce qui concerne la période allant du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2010, le reste du chiffre d'affaires étant soumis au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, elle n'apporte, comme en première instance, aucun élément de nature à justifier la ventilation, à hauteur de la proportion alléguée, entre les ventes imposables à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 5,5 % et celles imposables aux taux de 19,6 %. En outre, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le service vérificateur s'est fondé, pour chacune des années vérifiées, sur les types de produits vendus tels que résultant des éléments communiqués par l'autorité judiciaire, sur la ventilation entre les recettes de la partie bar et celles de la partie restaurant, et sur l'analyse des brouillards de caisse concernant la partie des recettes qui avait été déclarée, permettant ainsi de déterminer le pourcentage des recettes à taxer au taux réduit à celles à taxer au taux normal. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que des erreurs auraient été commises dans la détermination du chiffre d'affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne la période du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2010.

19. Il résulte de ce qui précède que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires employée par le service vérificateur n'est ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire. La SARL APRS ne proposant pas davantage devant la cour qu'en première instance une méthode plus pertinente, l'administration fiscale pouvait comme elle l'a fait se fonder sur les résultats de la méthode décrite ci-dessus pour déterminer le montant du chiffre d'affaires de la société requérante au titre des exercices en litige.

Sur les pénalités :

20. Aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...). ". Les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.

21. Pour justifier l'application des pénalités pour manœuvres frauduleuses aux impositions en litige, l'administration fiscale fait état de ce que les recettes et achats de la SARL APRS ont été régulièrement minorés sur l'ensemble de la période vérifiée, que des achats de matières ont fait l'objet de factures sous des faux noms et que les salaires versés en espèces n'ont fait l'objet d'aucune comptabilisation ni déclaration. Les cahiers où étaient enregistrés les recettes bar et restaurant, les achats et les salaires à la fois déclarés et non déclarés par la société ainsi que l'utilisation d'un logiciel de caisse permissif ayant pour but de ne pas faire apparaître des recettes et de donner une apparence de sincérité à la comptabilité confirment l'existence d'une comptabilité occulte, le gérant ayant par ailleurs reconnu les détournements de recettes. Enfin et au surplus, le gérant de la SARL APRS a été condamné par un jugement définitif du tribunal correctionnel de Draguignan du 18 mai 2015 à 50 000 euros d'amende pour des faits de modification de données résultant d'un accès frauduleux à un système de traitement automatisé recouvrant des faits de faux et usage de faux. Par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que la SARL APRS s'est livrée à des manœuvres frauduleuses de nature à égarer son contrôle, justifiant l'application des pénalités prévues au c. du 1 de l'article 1729 du code général des impôts.

22. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". Aux termes de l'article L. 80 B de ce livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

23. Le droit que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales reconnaissent au contribuable de se prévaloir, à l'encontre de l'administration, de l'interprétation donnée par celle-ci d'un texte fiscal, a pour seul objet de lui permettre de contester le bien-fondé d'une imposition à l'établissement de laquelle l'administration a procédé en faisant usage de ses pouvoirs de contrôle et de reprise, et ne peut, en revanche, fonder une contestation du bien-fondé propre des intérêts de retard ou majorations dont a été assortie cette imposition. Ainsi, la SARL APRS ne peut se prévaloir, sur le fondement du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, lequel renvoie à la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A, de la prise de position formelle qu'aurait prise l'administration fiscale, au demeurant non produite et concernant un contribuable distinct, pour demander la décharge des pénalités de 80 % pour manœuvres frauduleuses qui lui ont été infligées.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL APRS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par la SARL APRS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL APRS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée APRS, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.

2

N° 22MA02251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02251
Date de la décision : 11/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : MUNOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-11;22ma02251 ?
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