Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2014-931 du 19 août 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme à responsabilité limitée (SARL) APRS, qui exploite un bar et un restaurant sous l'enseigne " La plage " à Toulon, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 30 septembre 2010. A l'issue des opérations de contrôle, et au vu des constatations opérées à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Draguignan, l'administration fiscale lui a notifié sur cette période, par une proposition de rectification du 11 avril 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, selon la procédure de rectification contradictoire. Le vérificateur a par ailleurs estimé que les recettes minorées par la SARL APRS devaient être regardées comme étant des revenus distribués imposables entre les mains de M. A..., gérant de la société, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. En conséquence, l'administration a assujetti M. A... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2008 et 2009 en suivant la procédure de rectification contradictoire. M. A... relève appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de ces impositions supplémentaires.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale statue sur les réclamations contentieuses des contribuables ne constituent pas des actes détachables de la procédure contentieuse d'imposition. Elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours de plein contentieux qu'au titre de la procédure fixée par les articles L. 199 et suivants du livre des procédures fiscales. Dès lors, les conclusions de l'appelant tendant à l'annulation de la décision du 2 février 2021 par laquelle l'administration fiscale a rejeté partiellement sa réclamation préalable sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur la procédure d'imposition :
3. Par lettre du 24 novembre 2014, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Var a informé M. A... que des rôles supplémentaires avaient été établis et lui a adressé copie des avis d'imposition. Aucune disposition du code général des impôts ne prescrivant l'envoi des avis d'imposition sous une autre forme que celle d'un courrier simple, la lettre du 24 novembre 2014 a été envoyée à M. A... sous pli simple à son adresse dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de la dernière adresse connue de l'administration fiscale. M. A..., qui est présumé avoir reçu les avis d'imposition en cause, ne fait état d'aucune circonstance particulière qui se serait opposée à l'acheminement normal du pli contenant les avis d'imposition. Dès lors, le moyen tiré du défaut de notification des avis d'imposition doit être écarté.
4. En vertu du principe d'indépendance des procédures, les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux sont sans influence sur les impositions personnelles à l'impôt sur le revenu mises à la charge des bénéficiaires imposés à raison de ces distributions dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers. Par suite, les moyens tirés d'une méconnaissance du débat oral et contradictoire et des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales se rapportant à la vérification de comptabilité de la SARL APRS doivent être écartés comme inopérants.
5. D'une part, aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. (...) ". Aux termes de l'article L. 82 C du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. " et aux termes de l'article L. 101 de ce livre, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.
8. Il résulte de l'instruction et, notamment des termes mêmes de la proposition de rectification du 11 avril 2011 adressée à la SARL APRS et jointe en annexe I à la proposition de rectification du 8 avril 2011 notifiée à M. A... que, pour établir les rectifications en litige, l'administration s'est fondée, en particulier, sur les éléments obtenus auprès de l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, figurant dans le dossier d'instruction n° 10/19 concernant la société Top Caisse. Les références des pièces prises en copie le 7 février 2011 par l'administration fiscale sont listées dans un bordereau. D'une part, la proposition de rectification adressée à la SARL APRS mentionne de manière suffisamment précise l'origine et la teneur des documents et informations sur lesquels l'administration fiscale a fondé les rehaussements en litige, reposant sur deux cahiers, mis sous scellés de justice, retraçant les achats et les recettes de la SARL APRS ainsi que le nom de ses salariés et leur rémunération. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que M. A... aurait, à titre personnel, sollicité la communication de ces éléments, au vu du courrier du 27 avril 2011, émanant, d'une part, de son conseil également avocat de la SARL APRS, se bornant à accuser réception de la proposition de rectification du 11 avril 2011 notifiée à cette société, à solliciter un report du délai de réponse et la " communication des éléments en votre possession par les services judiciaires ", d'autre part, du courrier du 27 juin 2011 du même avocat ayant pour objet " Vérification APRS - La Plage ", portant sur l'incomplétude des éléments transmis. Il résulte par ailleurs de l'instruction que, par un courrier du 14 juin 2011 réceptionné le 23 juin suivant, l'administration a transmis au conseil de la SARL APRS les éléments qu'elle avait elle-même obtenus auprès de l'autorité judiciaire. Si le requérant produit également la réponse faite par son conseil aux " propositions de rectification des 11 et 12 avril 2011 ", sollicitant à nouveau la communication des éléments obtenus auprès de l'autorité judiciaire, les observations émises font seulement suite à la transmission, estimée incomplète, des informations et documents, issus de la procédure pénale, déjà transmis à la SARL APRS par l'administration fiscale le 23 juin 2011, et ne peuvent, en l'absence d'autres précisions, être regardées comme une demande faite par M. A... en son nom propre afin d'obtenir personnellement les éléments demandés. Le requérant n'établit pas davantage que cette communication ne serait qu'incomplète et ne contiendrait pas les documents mis sous scellés de justice alors qu'il résulte au contraire de l'instruction que l'administration a transmis à la société tous les éléments qu'elle avait elle-même obtenus auprès de l'autorité judiciaire, soit par prise de notes, soit par reprographie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la prescription :
9. Selon l'article 1658 du code général des impôts, les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires. Aux termes du premier alinéa de l'article 1659 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La date de mise en recouvrement des rôles est fixée par l'autorité compétente pour les homologuer en application de l'article 1658 d'accord avec le trésorier-payeur général. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions que l'imposition est régulièrement établie, au regard des règles de prescription d'assiette, dès lors qu'elle a été mise en recouvrement avant l'expiration du délai de répétition, la date de mise en recouvrement à prendre en compte, dans le cas d'un impôt établi par voie de rôle, étant fixée par la décision administrative homologuant ce rôle. En cas de contestation portant sur la détermination de cette date, il appartient à l'administration de fournir des extraits, qu'ils soient ou non certifiés conformes, des décisions portant homologation du rôle et fixant la date de mise en recouvrement.
11. Il ressort des extraits produits des décisions d'homologation du rôle, établies les 20 novembre 2014 et 21 novembre 2014, ainsi que des avis d'imposition, dans lesquels sont comprises les impositions contestées, que celles-ci ont été mises en recouvrement avant le 31 décembre 2014, date à laquelle expirait, en ce qui concerne les impositions supplémentaires mises à la charge de M. A... au titre de l'année 2008, le délai de prescription, interrompu par la notification de la proposition de rectification du 8 avril 2011. Par suite, le requérant, qui ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il n'aurait reçu aucun rôle supplémentaire ou avis de mise en recouvrement avant le 31 décembre 2014, n'est pas fondé à soutenir que les impositions litigieuses seraient prescrites.
12. M. A... se prévaut du principe de parallélisme des formes, qui implique, selon lui, que les règles relatives aux impôts professionnels s'appliquent aux impositions notifiées aux dirigeants de sociétés, et que la date de mise en recouvrement doit s'apprécier ainsi à la date d'envoi des rôles et non à leur date d'émission. L'appelant soutient ainsi que le délai de reprise de l'administration fiscale, qui s'exerçait jusqu'au 31 décembre 2014 en ce qui concerne les impositions afférentes à l'année 2008, était expiré en l'absence d'envoi et de réception des rôles correspondants. Toutefois, il résulte de ce qui a été exposé aux points précédents que les impositions supplémentaires mises à la charge du requérant ayant été recouvrées, s'agissant d'impôts directs, par voie de rôle, et non par voie d'avis de mise en recouvrement, la date de mise en recouvrement est donc celle de l'homologation du rôle dont atteste l'avis d'imposition, soit en l'espèce le 30 novembre 2014, de sorte que le délai de prescription du droit de reprise n'était pas expiré. Il ne ressort pas davantage de l'article 1er du décret du 19 août 2014 relatif aux pôles de recouvrement spécialisé de la direction générale des finances publiques, prévoyant que " Le comptable chargé d'un pôle de recouvrement spécialisé est compétent, le cas échéant, pour établir, signer et rendre exécutoire l'avis de mise en recouvrement des créances qu'il a prises en charge ou dont la responsabilité lui est transférée par un autre comptable. ", que l'administration fiscale aurait été tenue d'appliquer les règles relatives aux impôts professionnels en matière de recouvrement des impositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de parallélisme des formes et des dispositions de l'article 1er du décret du 19 août 2014 doit être écarté.
13. A supposer que le requérant ait entendu invoquer, sur le fondement de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement, un tel moyen, qui est relatif au contentieux du recouvrement, ne peut être utilement invoqué dans le cadre du présent litige qui est un contentieux d'assiette.
14. M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'instruction BOI-REC-PREA-10-10-20 du 17 juillet 2015 relative aux modalités d'établissement et de notification des avis de mise en recouvrement, au demeurant postérieure aux années d'imposition litigieuses, dès lors que les impositions supplémentaires en cause ont été établies par voie de rôle et non par notification d'un avis de mise en recouvrement, la date de mise en recouvrement de l'impôt établi par voie de rôle étant, ainsi qu'il a été dit, celle de la décision administrative homologuant le rôle et non celle de la réception de l'avis d'imposition.
15. L'appelant n'est pas davantage fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base publiée sous la référence BOI-CF-PGR-10-10 le 6 juillet 2016, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il lui a été fait application et qui, au demeurant, est postérieure à la date de l'imposition primitive.
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
16. Il résulte de l'instruction, et notamment des énonciations de la proposition de rectification du 11 avril 2011, que le service a relevé notamment que la SARL APRS n'avait produit aucun justificatif de recettes sur l'intégralité de la période vérifiée, en l'absence de présentation des bandes de contrôle s'agissant tant de la caisse dédiée à l'activité du bar que de la caisse consacrée à l'activité du restaurant. Il a constaté que des recettes et achats n'avaient, pour une part importante, pas été déclarés sur la période vérifiée, de même que les versements de salaires, dont une partie était versée en espèces sans être déclarée. Par ailleurs, les éléments recueillis dans le cadre de l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ont permis de confirmer ces minorations et défauts de déclaration, confirmés par le gérant au cours de ses auditions, qui a admis l'existence d'un logiciel permettant la dissimulation de recettes en espèces. Ces motifs, établissant la tenue d'une comptabilité occulte, étaient suffisants pour permettre au service de regarder la comptabilité, qui ne retraçait donc pas l'ensemble des opérations réalisées par la société, comme dénuée de valeur probante. Si M. A... soutient que la SARL APRS a utilisé une méthode globale de comptabilisation des recettes autorisée par le 3° du I de l'article 286 du code général des impôts, qui prévoit que les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à un certain montant pour les ventes au détail, ces dispositions, qui d'ailleurs ne peuvent être invoquées qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'exonèrent pas pour autant le contribuable de l'obligation de produire des justifications de nature à établir la consistance des recettes portées en comptabilité. Par suite, compte tenu des importantes anomalies relevées par le service, et alors même que la SARL APRS a présenté des documents comptables et que l'appelant souligne l'impossibilité de justifier la conservation de ses données informatiques en raison de la saisie judiciaire de son matériel informatique, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité comme dépourvue de toute valeur probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société.
17. Les réponses ministérielles faites les 21 septembre 1957 et 22 juin 1972 aux questions écrites de M. C... et M. B..., députés, les documentations administratives de base référencées 4G-2334 et 4G-2342 n° 6 à 8 et les instructions 13 L-1455 du 1er juillet 1989 et 13 L-7-88 du 6 mai 1988 citées par le requérant ne peuvent être utilement invoquées sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la société n'ayant pas présenté, ainsi qu'il vient d'être dit, de pièces de nature à justifier du détail de ses recettes enregistrées globalement.
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
18. Pour reconstituer les recettes de la SARL APRS, le vérificateur a exploité les éléments dont il a eu connaissance dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, en particulier les deux cahiers où étaient enregistrés les recettes bar et restaurant, ainsi que les achats et les salaires à la fois déclarés et non déclarés par la société. Le service s'est également fondé sur les déclarations du gérant de la SARL APRS recueillies dans un procès-verbal d'audition du 12 octobre 2010. Sur la base de ces éléments, le service a isolé dans la comptabilité présentée, pour chacun des exercices contrôlés, le montant des achats et recettes toutes taxes comprises et le montant des salaires comptabilisés. Pour chaque exercice, le service a déterminé, à partir de ces données, deux coefficients, résultant, d'une part, du rapport entre les recettes et achats toutes taxes comprises comptabilisés, d'autre part, du rapport entre les recettes toutes taxes comprises comptabilisées et les salaires comptabilisés. Ces coefficients ont ensuite été appliqués pour déterminer le montant des recettes toutes taxes comprises omises, à partir du montant des achats et salaires non comptabilisés. Enfin, le montant des recettes reconstituées a été comparé aux montants des recettes non déclarées telles que résultant de l'examen des carnets mis sous scellés de justice. Pour la période du 1er avril au 31 juillet 2008, pour laquelle les éléments transmis ne permettaient pas de déterminer les recettes dissimulées, le service vérificateur a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires, d'une part à partir des achats non comptabilisés et d'autre part, à partir des salaires non déclarés, auxquels ont été appliqués les coefficients déterminés précédemment.
19. Par sa proposition de rectification du 8 avril 2011 notifiée à M. A..., l'administration fiscale a imposé entre les mains de ce dernier les revenus distribués correspondants aux minorations de recettes dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts et l'a en conséquence assujetti à des suppléments d'impôt sur le revenu et à des cotisations de contributions sociales au titre des années 2008 et 2009.
20. Si le requérant demande que les rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée soient limités à la somme de 17 310 euros sur la période du 23 avril au 11 août 2008, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a accordé le dégrèvement de cette somme par sa décision du 18 décembre 2018 statuant sur la réclamation de la SARL APRS, et qu'aucune cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux n'a ainsi été mise à ce titre à la charge de M. A.... Dès lors, ces conclusions sont sans objet et par suite irrecevables.
21. M. A..., qui ne conteste pas la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires telle qu'exposée au point 18, se borne à soutenir que 60 % de son chiffre d'affaires doit être soumis au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % en ce qui concerne la période allant du 1er juillet 2009 au 30 décembre 2009, le reste du chiffre d'affaires étant soumis au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois et en tout état de cause, l'appelant n'apporte, comme en première instance, aucun élément de nature à justifier la ventilation, à hauteur de la proportion alléguée, entre les ventes imposables à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 5,5 % et celles imposables au taux de 19,6 %. En outre, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le service vérificateur s'est fondé, pour chacune des années vérifiées, sur les types de produits vendus tels que résultant des éléments communiqués par l'autorité judiciaire, sur la ventilation entre les recettes de la partie bar et celles de la partie restaurant, et sur l'analyse des brouillards de caisse concernant la partie des recettes qui avait été déclarée, permettant ainsi de déterminer le pourcentage des recettes à taxer au taux réduit et celles à taxer au taux normal. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que des erreurs auraient été commises dans la détermination du chiffre d'affaires imposable à la taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne la période du 1er juillet 2009 au 30 décembre 2009.
22. Il résulte de ce qui précède que M. A..., qui ne propose aucune méthode alternative de reconstitution de ses recettes, n'établit pas que la méthode de reconstitution de recettes retenue par l'administration fiscale pour déterminer le bénéfice imposable de la SARL APRS serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.
En ce qui concerne les revenus distribués :
23. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". En cas de refus des propositions de rectification par le contribuable qu'elle entend imposer en tant que bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou qu'elles auraient été versées à des tiers étant sans incidence à cet égard. Cette présomption, qui permet dans une telle situation d'établir l'appréhension des sommes en cause, ne dispense pas l'administration d'établir, au préalable, que ces sommes correspondent, pour la société versante, à un désinvestissement.
24. La vérification de comptabilité de la SARL APRS a mis en évidence, ainsi qu'il a été dit, la dissimulation par cette dernière d'achats, de recettes et de salaires ainsi que l'utilisation d'un logiciel de caisse permissif permettant d'extourner des recettes et d'effacer les justificatifs correspondants. Ces bénéfices non déclarés n'ayant pas été comptabilisés, ils n'ont été ni mis en réserve, ni incorporés au capital social. Le requérant ne produit par ailleurs aucun document de nature à révéler que tout ou partie des recettes reconstituées n'auraient pas été désinvesties de la société. Ces bénéfices constituent, par suite, en application des dispositions ci-dessus reproduites de l'article 109 du code général des impôts, des revenus distribués imposables entre les mains de leurs bénéficiaires dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
25. Afin de regarder M. A... comme le maître de l'affaire, l'administration fiscale a relevé que celui-ci assurait la co-gérance puis, à compter du 30 août 2008, la gérance de la SARL APRS, et détenait le tiers du capital de la société. Elle indique par ailleurs qu'il était salarié de l'entreprise et s'occupait seul de sa gestion, en assurant à la fois le contrôle des recettes et des achats, le paiement des fournisseurs en assurant, de façon déclarée ou occulte, le contrôle des recettes, des achats, le paiement des fournisseurs, la gestion du personnel et la tenue des éléments comptables. Il disposait aussi du contrôle des fonds et valeurs, consistant à effectuer remises, retraits et signatures bancaires pour le compte de la société, et représentait la SARL APRS au cours de la vérification de comptabilité, avant de donner mandat à son conseil. Il a au demeurant représenté, en sa qualité de gérant, la SARL APRS durant la vérification de comptabilité, avant de donner mandat à son conseil. Si le requérant se prévaut de la présence d'autres associés dans la société, cette seule circonstance n'est pas de nature à remettre en cause les indices ainsi avancés par l'administration, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient pris une part active dans la gestion de la société au titre des années en litige, ni qu'ils auraient dû être désignés comme bénéficiaires d'une partie des revenus distribués. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré qu'il était le seul maître de l'affaire sur l'ensemble de la période vérifiée, pour les revenus réputés distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, au titre des années 2008 et 2009.
En ce qui concerne les prélèvements sociaux :
26. Si le requérant soutient que " la majoration a été non seulement appliquée en matière d'impôt sur le revenu - ce qui est normal puisque cette majoration était destinée à compenser la baisse de 20% des tranches du barème d'imposition - mais aussi aux prélèvements sociaux ", un tel moyen est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, et à supposer que le requérant ait entendu contester l'application de la majoration de 1,25 prévue par les dispositions du 2 du 7 de l'article 158 du code général des impôts, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a, antérieurement à l'introduction de la requête de M. A... devant le tribunal, dégrevé les contributions sociales en litige pour 2008 et 2009 en ce qui concerne cette majoration de la base imposable.
Sur les pénalités :
27. Aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...). ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. "
28. Les pénalités pour manœuvres frauduleuses ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration.
29. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 8 avril 2011 adressée par l'administration fiscale à M. A... mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue par le c du 1. de l'article 1729 du code général des impôts.
30. Pour justifier l'application des pénalités pour manœuvres frauduleuses aux impositions en litige, l'administration fiscale fait état de ce que les recettes et achats de la SARL APRS ont été régulièrement minorés sur l'ensemble de la période vérifiée, que des achats de matières ont fait l'objet de factures sous des faux noms et que les salaires versés en espèces n'ont fait l'objet d'aucune comptabilisation ni déclaration. Les cahiers où étaient enregistrés les recettes bar et restaurant, les achats et les salaires à la fois déclarés et non déclarés par la société ainsi que l'utilisation d'un logiciel de caisse permissif ayant pour but de ne pas faire apparaître des recettes et de donner une apparence de sincérité à la comptabilité confirment l'existence d'une comptabilité occulte, de telles manœuvres étant le fait de M. A... qui a par ailleurs reconnu les détournements de recettes. Enfin et au surplus,
le gérant de la SARL APRS a été condamné par un jugement définitif du tribunal correctionnel de Draguignan du 18 mai 2015 à 50 000 euros d'amende pour des faits de modification de données résultant d'un accès frauduleux à un système de traitement automatisé recouvrant des faits de faux et usage de faux. Par suite, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que le requérant s'est livré à des manœuvres frauduleuses de nature à égarer son contrôle, justifiant l'application des pénalités prévues au c. du 1 de l'article 1729 du code général des impôts.
31. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. ". Aux termes de l'article L. 80 B de ce livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
32. Le droit que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales reconnaissent au contribuable de se prévaloir, à l'encontre de l'administration, de l'interprétation donnée par celle-ci d'un texte fiscal, a pour seul objet de lui permettre de contester le bien-fondé d'une imposition à l'établissement de laquelle l'administration a procédé en faisant usage de ses pouvoirs de contrôle et de reprise, et ne peut, en revanche, fonder une contestation du bien-fondé propre des intérêts de retard ou majorations dont a été assortie cette imposition. Ainsi, M. A... ne peut se prévaloir, sur le fondement du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, lequel renvoie à la garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A, de la prise de position formelle qu'aurait prise l'administration fiscale, au demeurant non produite et concernant un contribuable distinct, pour demander la décharge des pénalités de 80 % pour manœuvres frauduleuses qui lui ont été infligées.
33. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin pour la cour de faire usage de son pouvoir d'instruction, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2023.
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N° 22MA02250