Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de titre dans un délai de 48 heures, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de trois mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de titre dans un délai de 48 heures et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2203771 du 5 septembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de Mme D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 19 janvier 2023 et 9 novembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme A... D..., représentée par Me Vincensini, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour avec obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans cette attente, dans un délai de 48 heures, un récépissé de demande de titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans cette attente, dans un délai de 48 heures, un récépissé de demande de titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 800 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors, d'une part, que le tribunal a répondu à un moyen qui n'était pas soulevé et, d'autre part, a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce qu'il n'était pas établi que le rapport médical avait été rédigé par un médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII);
- il n'est pas établi que le Dr B..., auteur du rapport médical rédigé le 8 septembre 2021, ait la qualité de médecin de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;
- l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII n'a pas été pris à l'issue d'une délibération collégiale ; à supposer qu'il y ait eu une délibération collégiale, celle-ci-ne répond pas aux conditions posées par les dispositions de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial ;
- les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;
- elle entend exciper, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit et méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
L'OFII a produit une pièce enregistrée le 7 novembre 2023 à la suite d'une mesure d'instruction adressée par la Cour.
Par une décision du 25 novembre 2022, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., de nationalité russe, serait entrée en France le 16 avril 2016. Elle a présenté, le 12 juillet 2021, une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté en date du 10 décembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... interjette appel du jugement du 5 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, si le tribunal a, alors qu'un tel moyen n'était pas soulevé, précisé que l'avis de l'OFII a été rendu au vu d'un rapport médical établi par le docteur B... qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins, composé des docteurs Giraud, Leclair et Bernard, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Si la requérante fait valoir que le jugement attaqué aurait insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce qu'il ne serait pas établi que le Dr B... serait un médecin de l'OFII, le tribunal, en indiquant, en son considérant 3, que : " Le docteur B..., qui est bien un médecin de l'OFII contrairement à ce qui est soutenu, n'avait pas à figurer sur la liste des médecins fixée par les décisions du ministre de l'intérieur du 7 juin 2021 ou du 10 août 2021 dès lors que cette liste ne concerne que les médecins appelés à siéger au sein du collège ", a répondu de manière suffisamment motivée au moyen dont il était saisi. Par suite, le moyen tiré de ce que ledit jugement serait entaché d'irrégularité doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ".
5. Mme D... fait valoir qu'il n'est pas établi que le Dr B..., auteur du rapport médical établi le 8 septembre 2021, aurait la qualité de médecin de l'OFII. Toutefois, d'une part, la requérante n'est pas fondée à soutenir à cet égard que le nom de ce médecin ne figure pas dans l'annexe de la décision du directeur général de l'OFII en date du 10 août 2021 dès lors que celle-ci n'a pour objet que de fixer la liste des médecins désignés pour participer au collège à compétence nationale de l'OFII et non celle des médecins habilités à rédiger les rapports médicaux sur la base desquels les avis du collège sont ensuite émis. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'attestation établie par la directrice territoriale de l'OFII Marseille, à la suite d'une mesure d'instruction adressée par la Cour le 25 octobre 2023, que le Dr B... a été engagé par contrat à durée indéterminée au sein de la direction territoriale de Marseille en qualité de médecin à compter du 15 juillet 2019. Par suite, le moyen précité doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical (...) est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". L'article R. 425-13 de ce code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
7. Les dispositions citées au point 6, issues de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et de ses textes d'application, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce qu'aucune délibération collégiale n'aurait été prise et de ce que, à supposer même que tel ait été le cas, les dispositions tirées de l'ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial auraient été méconnues, doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet des Bouches-du-Rhône a considéré, après avoir consulté le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a rendu son avis le 27 septembre 2021, que si l'état de santé de Mme D..., dont la résidence habituelle en France n'était pas établie, nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
10. La requérante fait valoir qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Cependant, d'une part, si le certificat médical établi le 6 avril 2022 par le Dr C... qui la suit habituellement à l'IHU méditerranée pour une infection par le VIH, met en exergue le fait, au demeurant non contesté, que l'interruption du traitement actuellement suivi par l'intéressée risquerait de mettre en danger son " pronostic global ", celui-ci ne fournit, en revanche, aucune indication quant à l'impossibilité d'un traitement approprié en Russie. D'autre part, si Mme D... produit une liste nationale des médicaments essentiels en Russie, au demeurant non traduite par un traducteur assermenté, dont il résulterait que le traitement par BIKTARVY qu'elle prend depuis le 13 avril 2021 qui est une association de trois antirétroviraux (emtricitabine, ténofovir alafénamide et bictégravir) ne serait pas disponible en Russie, elle n'établit pas que les différentes autres combinaisons d'antirétroviraux disponibles en Russie ne seraient pas adaptées à son état de santé. Enfin, les articles de presse ou rapports dont se prévaut la requérante sont trop généraux pour permettre de contredire utilement l'avis des médecins de l'OFII. Il suit de là, à supposer même que le préfet ait à tort estimé que la résidence habituelle en France de l'intéressée n'était pas établie, que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues doit être écarté dès lors que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
12. En second lieu, pour les motifs exposés précédemment, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur de droit et méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme D... ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais d'instance doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Vincensini.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2023.
N° 23MA00179 2
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