Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCA Financière Marjos a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013, pour un montant total de 195 008 euros.
Par un jugement n° 2020047 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, la SCA Financière Marjos, représentée par Me Bouquet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2020047 du 17 mai 2022 du tribunal administratif de Paris et de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle détenait un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 298 752 euros qui devait être déduit du montant du rappel de taxe mis à sa charge au titre de l'année 2013 ;
- s'agissant des factures réglées en 2011, 2012 et 2013, elle bénéficiait d'un droit à réparation de son omission jusqu'au 31 décembre 2016 en application des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ;
- elle a produit, dans le cadre de sa réclamation du 19 avril 2019, les factures en cause qui établissent son droit à déduction en application de l'article 271 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qu'y soulève la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Perroy,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SCA Financière Marjos, qui exerce une activité de gestion de sociétés et de biens immobiliers, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel, par proposition de rectification du 1er mars 2016, l'administration a effectué, selon la procédure de taxation d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2013 d'un montant de 160 368 euros en droits, assortis de la majoration prévue au a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. La société a alors déposé le 31 août 2016 une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée dans laquelle elle a inscrit, dans le total de taxe due, le montant rappelé de 160 368 euros, et, au titre de la taxe déductible, un report de taxe sur la valeur ajoutée de 298 752 euros. Par un courrier du 19 avril 2018, elle a sollicité le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en résultant, d'un montant de 138 484 euros, demande que le service a rejetée par une décision du 11 janvier 2019, au motif que le crédit de taxe dont la société se prévaut est frappé de péremption en application de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts. La société a dans un second temps, le 23 décembre 2019, formé une réclamation préalable contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2013 en se prévalant de l'imputation d'un crédit de taxe de 298 752 euros, réclamation rejetée le 1er octobre 2020 par l'administration fiscale. Par sa requête, la SCA Financière Marjos demande à la Cour l'annulation du jugement n° 2020047 du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance.
II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. (...) IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'État. (...) ". Aux termes de l'article 208 de l'annexe II à ce code : " I. - Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission (...) ". Enfin, aux termes du I de l'article 39 de l'annexe IV au même code, la date limite à laquelle les redevables sont tenus de remettre ou d'envoyer au service des impôts la déclaration ou le paiement mentionnés aux 1 et 3 de l'article 287 du code général des impôts est fixée, s'agissant des taxes dues au titre du mois par les redevables placés sous le régime de la déclaration, en toute hypothèse, au 24 du mois suivant.
3. Il résulte de ces dispositions que le délai imparti pour réparer une omission de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée déductible court à compter de la date d'exigibilité de la taxe chez le redevable et expire le 31 décembre de la deuxième année suivant la date à laquelle la déclaration devait être effectuée. Lorsqu'un assujetti a omis de déclarer le montant de la taxe déductible dans les délais prévus, le délai de régularisation de son omission, à peine de péremption du droit à déduction, expire le 31 décembre de la deuxième année suivant la date limite à laquelle il devait déclarer ce crédit de taxe.
4. Il est constant que la société requérante n'a pas déclaré le crédit de TVA de 298 752 euros dont elle sollicite dans l'instance l'imputation sur les rappels de TVA mis à sa charge au titre de l'année 2013, avant le dépôt de ses déclarations le 31 août 2016. En application des principes rappelés au point précédent, ces omissions devaient être régularisées, à peine de péremption du droit à déduction, avant le 31 décembre 2013 pour la TVA des mois de janvier à novembre 2011, avant le 31 décembre 2014 pour celle des mois de décembre 2011 à novembre 2012, avant le 31 décembre 2015 pour celle des mois de décembre 2012 à novembre 2013, et avant le 31 décembre 2016 pour celle des mois de décembre 2013 à novembre 2014. Par suite, le droit à déduction dont se prévaut la société requérante est frappé de péremption pour les factures 2011, 2012 et 2013, à l'exception de la taxe d'amont de 19,60 euros portée par une facture du 11 décembre 2013, ainsi que la taxe d'amont de 846,88 euros portée par une facture du 2 septembre 2014. La société ne produisant pas, dans la présente instance ouverte par la réclamation du 23 décembre 2019, l'original ou la copie de ces factures, elle n'établit pas, ainsi qu'il le lui incombe, et sans qu'elle puisse utilement faire valoir à ce stade qu'une copie de ces factures a été communiquée à l'administration, qui au demeurant soutient ne plus être en possession de ces documents, que ces factures correspondraient à des biens ou services utilisés pour les besoins de ses opérations imposables, et n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'un crédit de taxe de 866,48 euros trouverait à s'imputer sur les rappels de taxe collectée effectués par l'administration.
5. En second lieu, la société Financière Marjos ne peut, en tout état de cause, soutenir qu'elle aurait disposé, en raison de la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard, d'un délai supplémentaire pour obtenir la prise en compte de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle entend voir admise en déduction, ni invoquer, sur ce point, les dispositions de l'article
R. 196-3 du livre des procédures fiscales, qui impartissent au contribuable faisant l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses réclamations, mais qui ne peuvent être interprétées comme l'autorisant à introduire une réclamation tendant à la restitution de la taxe dont la déduction a été omise au cours de l'année faisant l'objet d'une reprise ou d'une rectification et qu'elle n'a pas fait figurer dans une déclaration déposée avant l'expiration du délai imparti par le I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013, pour un montant total de 195 008 euros.
Sur les frais de l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la société requérante la somme qu'elle lui réclame au titre des frais exposés dans l'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCA Financière Marjos est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCA Financière Marjos et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Perroy, premier conseiller,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2023.
Le rapporteur,
G. PERROY
La présidente,
C. VRIGNON-VILLALBA
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA0332802