Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 1er juillet 2021 des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'enfant étranger de ressortissant français.
Par un jugement n° 2112992 du 13 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Mengelle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 15 septembre 2021 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le lien de filiation est établi par le jugement supplétif produit et l'acte de naissance pris en transcription de ce jugement ;
- il n'est pas établi par le ministre que le jugement supplétif, qui concerne une tierce personne, aurait été adressé, en réponse à une demande de levée d'acte, par le tribunal de grande instance de Bamako ; il est dès lors impossible d'en vérifier l'origine et son authenticité ;
- le certificat d'authenticité dressé par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Bamako, qui présente toutes les garanties d'authenticité, vient valider le caractère authentique du jugement supplétif qu'elle a produit ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante malienne, née le 3 avril 2003, a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour, auprès des autorités consulaires françaises à Bamako, en qualité d'enfant étranger de M. C... A..., ressortissant français. Par un jugement du 13 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du
1er juillet 2021 des autorités consulaires françaises à Bamako (Mali) refusant de lui délivrer le visa d'entrée et de long séjour sollicité. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
3. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
4. Pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par Mme A..., la commission de recours s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité de la demandeuse de visa et partant son lien de filiation avec M. A... ne sont pas établis.
5. Pour justifier de son identité et du lien de filiation allégué, la requérante produit un jugement supplétif d'acte de naissance n°3649/JGT/19, rendu le 18 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de la commune VI de Bamako, qui mentionne qu'elle est née le 3 avril 2003 à Bamako et qui fait état de son lien de filiation avec M. C... A.... Elle produit également le volet n°3 d'un acte de naissance n°190 dressé le 22 juillet 2019 en transcription de ce jugement ainsi que sa copie littérale établie le 11 janvier 2021 et son passeport délivré le 2 janvier 2020 par les autorités maliennes.
6. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A... n'ayant pas fourni dans son dossier de demande le jugement supplétif visé dans l'acte de naissance n°190 dressé le 22 juillet 2019, les autorités consulaires françaises au Mali ont adressé, par lettre du 14 octobre 2020 au greffier en chef du tribunal de grande instance de la commune VI du district de Bamako, une demande de levée d'acte, laquelle a révélé que le jugement supplétif n°3649/JGT/19 a été rendu le 4 juillet 2019 et concerne une tierce personne. Il ressort également des pièces du dossier qu'un acte de naissance a été établi le 29 octobre 2019 sous le n° 261/REG 05 en transcription de ce jugement supplétif. Si la requérante produit devant la cour, un courrier du maire de la commune VI du district de Bamako d'août 2022 selon lequel " l'enregistrement a été fait doublement " ainsi que la décision du 24 août 2022 par laquelle cette même autorité a annulé l'acte de naissance n° 261/REG 05, ces nouvelles pièces ne sont pas de nature à remettre en cause les énonciations du jugement supplétif du 4 juillet 2019 adressé aux autorités consulaires en réponse à leur demande de levée d'acte. Enfin, si Mme A... a produit un certificat délivré le 5 avril 2022, postérieurement à la décision contestée, émanant du greffier en chef du tribunal de grande instance de la commune VI du district de Bamako, selon lequel " le jugement n° 3649 en date du 18 juillet 2019 est enregistré au nom de B... A... née le 3 avril 2003 à Bamako au lieu de Lassana Coulibaly ", ce certificat se borne à indiquer que " la grosse du jugement supplétif d'acte de naissance délivrée au nom de Lassana Coulibaly sous le n° 3649 en son audience du 4 juillet 2019 n'est pas conforme à la réalité ", alors que ce même greffier en chef avait adressé, à la demande de levée d'acte effectuée par les autorités consulaires, le jugement supplétif du 4 juillet 2019 portant le même numéro mais relatif à une tierce personne. Par suite, le lien de filiation ne peut être regardé comme établi par le jugement supplétif du 18 juillet 2019, qui présente un caractère frauduleux.
7. Par ailleurs, la requérante verse aux débats des documents scolaires et des bordereaux de transferts d'argent adressés par M. A... à un tiers, tous postérieurs à la date de demande de visa, deux attestations de proches rédigées en des termes identiques, un livret de famille et un jugement de délégation de l'autorité parentale rendu le 19 février 2020 par le tribunal de grande instance de la commune V de Bamako. Ces seuls éléments ne suffisent toutefois pas à établir, par la possession d'état, le lien de filiation unissant la requérante à M. A....
8. Il résulte des développements qui précèdent qu'en refusant la délivrance à Mme A... du visa sollicité au motif que son identité et partant son lien de filiation à l'égard de M. A... ne sont pas établis, la commission de recours n'a pas procédé à une inexacte application des dispositions précitées.
9. En second lieu, le lien de filiation et l'identité de la demandeuse de visa n'étant pas établis ainsi qu'il vient d'être dit, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme A... une somme que
celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2023.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02406