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07/12/2023 | FRANCE | N°23LY00976

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 07 décembre 2023, 23LY00976


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 18 février 2021 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, lui infligeant la sanction disciplinaire d'exclusion des fonctions pour une durée de deux ans, dont six mois avec sursis.



Par un jugement n° 2100573 du 20 janvier 2023, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire enregi

strés les 17 mars et 20 juin 2023, M. B..., représenté par Me Manhouli, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 18 février 2021 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, lui infligeant la sanction disciplinaire d'exclusion des fonctions pour une durée de deux ans, dont six mois avec sursis.

Par un jugement n° 2100573 du 20 janvier 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 mars et 20 juin 2023, M. B..., représenté par Me Manhouli, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de le réintégrer dans ses fonctions à compter du 24 février 2021 et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- l'avis du conseil de discipline n'est pas motivé ;

- la procédure se fonde sur une enquête partiale ;

- la procédure contradictoire n'a pas été respectée, le témoignage de Mme A..., produit en défense, ne figurant pas dans le dossier disciplinaire dont il a pris connaissance ;

- cette décision est entachée d'inexactitude matérielle des faits ; elle procède d'une erreur dans la qualification juridique des faits, d'une dénaturation des pièces ;

- en admettant même l'existence d'une faute disciplinaire, la sanction est disproportionnée.

Par des mémoires enregistrés les 2 juin et 4 juillet 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 20 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Marie substituant Me Manhouli, pour M. B... ainsi que celles de M. D..., pour le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 18 février 2021 le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a infligé à M. B..., professeur certifié d'éducation musicale, la sanction disciplinaire d'exclusion des fonctions pour une durée de deux ans, dont six mois avec sursis. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir d'erreurs de droit, de fait ou d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation, pour irrégularité, du jugement attaqué.

Sur le fond du litige :

3. L'avis du conseil de discipline du 23 décembre 2020, rendu après audition de témoins, précise les faits reprochés à M. B... et notamment son manquement à ces obligations de bienveillance envers ses élèves, d'exemplarité, de dignité, de tenue dans ses propos et ses agissements. Cet avis retient le caractère gravement fautif de ces faits et précise que la sanction de l'exclusion temporaire de deux ans recueille la majorité des voix. Au regard de ces éléments, l'avis apparaît motivé.

4. Les conditions dans lesquelles une enquête administrative est diligentée au sujet de faits susceptibles de donner ultérieurement lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la régularité de cette procédure. Par suite, M. B... ne saurait utilement soutenir, en se prévalant d'un vadémécum dépourvu de valeur réglementaire, que la mission d'inspection diligentée au sein du collège, aurait été partiale. Par suite le moyen est écarté comme inopérant.

5. Aux termes de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. / (...) Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi. ". Selon les termes de l'article 19 de la même loi : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'État, (...) ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. (...) ". Et selon les termes de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, alors applicable : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'État : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés. ". L'article 3 du même décret prévoit que : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. (...) ".

6. En outre, lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public ou porte sur des faits qui, s'ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d'un tel agent, le rapport établi à l'issue de cette enquête, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné.

7. En l'espèce, M. B..., qui se prévaut de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense, soutient que le témoignage, spontané, de Mme A..., daté du 7 février 2020, était absent de son dossier disciplinaire. Toutefois, il apparaît que l'intéressé avait été informé, par une lettre du 20 juillet 2020, de son droit à la communication intégrale de son dossier individuel et de l'ensemble des documents qui lui étaient annexés, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 et des articles 1er et 3 du décret du 25 octobre 1984, et par conséquent mis à même d'obtenir leur communication, et qu'il l'a consulté le 2 décembre 2019, rien ne permettant de dire qu'il en aurait vainement sollicité la communication. En toute hypothèse, il n'apparaît pas que la sanction litigieuse aurait été prise au regard de ce témoignage. Par suite le moyen ne peut qu'être écarté.

8. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs des premiers juges, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige.

9. En vertu de l'article L. 111-3-1 du code de l'éducation : " L'engagement et l'exemplarité des personnels de l'éducation nationale confortent leur autorité dans la classe et l'établissement et contribuent au lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l'éducation. (...) ". Selon les termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité (...) ". Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale (...) ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme. / Deuxième groupe : - / la radiation du tableau d'avancement ; / - l'abaissement d'échelon ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / - le déplacement d'office. / Troisième groupe : / - la rétrogradation ; / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / Quatrième groupe : / - la mise à la retraite d'office ; / - la révocation. (...) ".

10. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

11. Il ressort des pièces du dossier que, pour infliger la sanction d'exclusion temporaire ici en cause, l'administration s'est fondée sur le fait que l'intéressé aurait tenu des propos à connotation raciste et humiliants à l'égard de ses élèves et se serait adressé avec des termes inappropriés à des collègues de travail. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'enquête administrative du 25 mars 2020, en particulier des comptes rendus d'audition d'élèves, de personnel de l'établissement et de parents d'élèves, que M. B... faisait preuve, durant les cours, d'un comportement humiliant qui se traduisait par des propos blessants, visant les élèves en raison de leur origine ou de leurs particularités physiques, même s'il soutient que ses propos ne répondaient pas à la définition d'une injure ou d'une diffamation raciste, d'une provocation à la discrimination, d'une apologie de crime, ou d'une attitude de harcèlement. Il ressort également de ces comptes rendus d'audition, qui sont au demeurant corroborés par des témoignages circonstanciés provenant notamment de certains personnels du collège, que le comportement de l'intéressé suscitait un véritable mal-être chez ses élèves. Il apparaît par ailleurs, au vu en particulier du rapport d'enquête administrative du 25 mars 2020, que plusieurs enseignants ont témoigné des difficultés qu'ils rencontraient à travailler avec M. B.... Si ce dernier remet en cause la crédibilité de ces témoignages, en produisant à cet effet des témoignages en sa faveur, en particulier une lettre collective de soutien de collègues, il apparaît, compte tenu de l'ensemble des éléments recueillis, que son comportement, qui est avéré, a perturbé le fonctionnement du collège. Les faits qui lui sont ainsi reprochés, qui sont fautifs, étaient de nature à justifier une sanction à son encontre.

12. Compte tenu des fonctions exercées par M. B... et des responsabilités dont il se trouvait investi, notamment en termes d'exemplarité et d'irréprochabilité, comme de la nature et de la gravité des faits qui lui sont reprochés, et alors que sa hiérarchie l'avait averti et mis en garde à plusieurs reprises au sujet de son comportement, la sanction du troisième groupe d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, assortie d'un sursis de six mois prise à son encontre n'apparaît pas en l'espèce, malgré des appréciations positives de sa manière de servir, disproportionnée.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY00976 2

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00976
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : MANHOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;23ly00976 ?
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