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07/12/2023 | FRANCE | N°23LY00058

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 07 décembre 2023, 23LY00058


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 octobre 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de retirer sa décision du 29 juillet 2021 mettant à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 36 200 euros et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étra

ngers et du droit d'asile pour un montant de 4 796 euros et ramenant ces montants à la somme glob...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 octobre 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a refusé de retirer sa décision du 29 juillet 2021 mettant à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 36 200 euros et la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 4 796 euros et ramenant ces montants à la somme globale de 30 000 euros en application de l'article alors codifié L. 626-1 du même code, ainsi que cette décision du 29 juillet 2021, et de le décharger de l'obligation de payer cette somme ou, à défaut, de l'en décharger partiellement.

Par un jugement n° 2110104 du 8 novembre 2022, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 janvier et 6 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Delambre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de le décharger de la somme, ramenée à 30 000 euros en application de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mise à sa charge par le directeur général de l'OFII par sa décision du 29 juillet 2021 au titre de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 822-2 du même code et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, les premiers juges n'ayant pas communiqué son mémoire enregistré le 14 octobre 2022 et ne s'étant pas prononcés sur le moyen tiré du vice de procédure tenant à ce qu'il n'avait pas été mis à même de demander la communication du procès-verbal de constat avant l'intervention de la décision en litige ;

- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure, au regard des articles L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, R. 8253-3 du code du travail et R. 822-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'ayant pas été mis à même de demander la communication du procès-verbal de constat avant son intervention.

Par un mémoire enregistré le 9 juin 2023, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen dirigé contre la décision contestée n'est pas fondé ;

- cette décision est fondée.

Par une ordonnance du 6 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle le 10 décembre 2019 du salon de coiffure exploité par M. B..., sous l'enseigne " Fashion coiffure " sur le territoire de la commune de Lagnieu (Ain), les services de l'inspection du travail de l'Ain ont constaté la présence de deux ressortissants étrangers originaires pour l'un de la République du Kosovo et pour l'autre de la République d'Albanie, non autorisés à travailler sur le territoire national. Un procès-verbal a été dressé le 28 septembre 2020 et transmis à l'OFII. Par un courrier du 16 juin 2021, reçu le 18 juin suivant, l'OFII a informé M. B... de ce qu'il envisageait de mettre en œuvre les contributions spéciale et forfaitaire prévues respectivement à l'article L. 8253-1 du code du travail et à l'article alors codifié L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et l'a invité à présenter ses observations sous quinze jours. Par une décision du 29 juillet 2021, notifiée le 4 août suivant, le directeur général de l'OFII a mis à sa charge 36 200 euros au titre de la contribution spéciale, et 4 796 euros au titre de la contribution forfaitaire, la somme totale étant ramenée à un montant de 30 000 euros en application de l'article L. 626-1 précité. Le recours gracieux formé par l'intéressé par un courrier du 1er octobre 2021 a été rejeté par une décision du 15 octobre, reçue le 18, suivant. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juillet 2021 et à la décharge de l'obligation de payer la somme visée par cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / (...). ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'État selon des modalités définies par convention. / (...). ". Aux termes de l'article L. 8271-17 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions. " Aux termes de l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1. / (...). ". Aux termes de l'article alors codifié L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. (...) / (...) / Sont applicables à la contribution forfaitaire prévue au premier alinéa les dispositions prévues aux articles L. 8253-1 à L. 8253-5 du code du travail en matière de recouvrement et de privilège applicables à la contribution spéciale. / (...). ". Aux termes de l'article alors codifié R. 626-1 de ce code : " I.- La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. / II.- Le montant de cette contribution forfaitaire est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations d'éloignement vers la zone géographique de réacheminement du salarié, dans la limite prescrite à l'alinéa 2 de l'article L. 626-1. ". Aux termes de l'article alors codifié R. 626-2 de ce code : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1. Le ministre chargé de l'immigration est l'autorité compétente pour la liquider et émettre le titre de perception correspondant. / (...). ".

3. D'abord, il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi comme juge de plein contentieux d'une contestation portant sur une sanction prononcée sur le fondement des dispositions précitées du code du travail et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision et de prendre, le cas échéant, une décision qui se substitue à celle de l'administration. Celle-ci devant apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l'employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé, le juge peut, de la même façon, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir les contributions, au montant fixé de manière forfaitaire par les dispositions citées au point 2, ou en décharger l'employeur.

4. Ensuite, si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, pas plus que les anciennes dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la contribution forfaitaire dont le régime suit celui de la contribution spéciale, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus.

5. Enfin, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

6. Il ne résulte pas de l'instruction que, avant l'intervention de la décision litigieuse, M. B... aurait été informé par l'OFII de ce qu'il avait la possibilité de demander la communication du procès-verbal dressé le 28 septembre 2020 par une inspectrice du travail exerçant dans le département l'Ain, sur la base duquel les contributions en litige ont été déterminées après transmission de ce document. Il n'apparaît pas qu'il aurait présenté des observations après avoir reçu le courrier du 16 juin 2021, ou spontanément demandé la communication de ce procès-verbal. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, il été privé d'une garantie. Il est donc fondé à soutenir que la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. B... est fondé à en demander l'annulation ainsi que la décharge de la somme, ramenée à 30 000 euros, mise à sa charge par la décision du directeur général de l'OFII du 29 juillet 2021.

8. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par l'OFII au même titre doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 novembre 2022 est annulé.

Article 2 : M. B... est déchargé de la somme, ramenée à 30 000 euros, mise à sa charge par la décision du directeur général de l'OFII du 29 juillet 2021.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... et par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V.-M. Picard La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00058

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00058
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

59-02-02-02 Répression. - Domaine de la répression administrative - Régime de la sanction administrative. - Régularité.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;23ly00058 ?
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