Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2022, la société par actions simplifiée Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 16 février 2022 portant permis de construire n° PC 077 431 21 20011 du maire de la commune de Saint-Pierre-lès-Nemours (Seine-et-Marne) en ce qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Pierre-lès-Nemours d'abroger l'arrêté du 16 février 2022 en ce qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre-lès-Nemours la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'arrêté est illégal dès lors qu'il a été délivré avant l'expiration du délai de recours contre l'avis de la commission départemental d'aménagement commercial et que la commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable.
La requête a été communiquée à la commune de Saint-Pierre-lès-Nemours et à la société LIDL qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
Par un mémoire et des pièces, enregistrés respectivement les 11 avril et 29 septembre 2023, la Commission nationale d'aménagement commercial demande à la Cour de faire droit aux conclusions de la requête.
Elle soutient que le permis de construire contesté est devenu illégal dès lors que son avis du 22 juillet 2022 est défavorable au projet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Vu l'avis du Conseil d'État statuant au contentieux n° 398077 du 23 décembre 2016 du Conseil d'État statuant au contentieux
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert ;
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public ;
- et les observations de Me Girard, substituant Me Bolleau, avocat de la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 février 2022, le maire de la commune de Saint-Pierre-lès-Nemours a délivré à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la suite de l'avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial en date du
19 janvier 2022. Saisie d'un recours de la société par actions simplifiée Distribution Casino France dirigé contre cet avis, la commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable audit projet le 2 juin 2022. La société par actions simplifiée Distribution Casino France demande à la Cour, compétente en premier ressort et dernier ressort en vertu de l'article L. 600-1 du code de justice administrative, d'annuler l'arrêté du 16 février 2022.
2. Il résulte de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme et des articles L. 752-17 et R. 751-8 du code de commerce que l'État a la qualité de partie au litige devant une cour administrative d'appel saisie en premier et dernier ressort d'un recours pour excès de pouvoir, formé par l'une des personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce, tendant à l'annulation de la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire en tant qu'elle concerne l'autorisation d'exploitation commerciale, le président de la Commission nationale d'aménagement commercial ayant qualité pour représenter l'État devant les juridictions administratives dans ces litiges. Par suite, le mémoire de la commission nationale d'aménagement commercial, quoique présenté sous la forme d'une intervention, doit être regardé comme constituant en réalité un mémoire en défense.
Sur le cadre juridique applicable au litige :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. (...) ". Il résulte de ces dispositions les professionnels mentionnés au I de l'article L. 752-17 du code de commerce ne peuvent régulièrement saisir le juge administratif de conclusions tendant à l'annulation d'un permis valant autorisation d'exploitation commerciale qu'en tant que ce permis tient lieu d'une telle autorisation.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. / À peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. ". Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I. - [...], tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. (...) ".
5. D'une part, il résulte de l'avis n° 398077 du 23 décembre 2016 du Conseil d'État statuant au contentieux, d'une part, qu'en cas de recours introduit devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale compétente, ou en cas d'auto-saisine de la Commission nationale, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, qui bénéficie d'un délai d'instruction prolongé de cinq mois en vertu des dispositions de l'article R. 423-36-1 du code de l'urbanisme, doit attendre l'intervention de l'avis, exprès ou tacite, de la commission nationale pour délivrer le permis dès lors que cet avis se substituant, ainsi qu'il a été dit, à l'avis de la commission départementale, le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ne saurait en principe légalement intervenir avant qu'il ait été rendu ; d'autre part, qu'un tel permis de construire, délivré avant l'expiration des délais d'un mois prévus par le I de l'article L. 752-17 du code de commerce, ne se trouve pas entaché d'illégalité de ce seul fait.
6. D'autre part, le recours organisé par les dispositions des combinées de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme et de l'article L. 752-17 du code de commerce doit être formé, dans tous les cas, avant tout recours contentieux. Par suite, l'avis rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial, saisie en application de ces dispositions, se substitue à l'avis de la commission départementale statuant sur le permis valant autorisation d'exploitation commerciale. Dès lors que la teneur de cet avis a pour effet, en vertu du premier alinéa précité de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, de lier l'autorité administrative, la survenue d'un avis négatif a pour effet d'entacher d'illégalité le permis délivré, et il appartient alors au juge, saisi de conclusions en ce sens, d'en prononcer l'annulation.
Sur la légalité du permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale :
7. Aux termes de l'article R. 752-19 du code de commerce : " (...) En cas de décision ou avis favorable, le préfet fait publier, dans les dix jours suivant la réunion de la commission ou la date de l'autorisation tacite, aux frais du demandeur, un extrait de cette décision ou de cet avis dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. ".
8. La seule circonstance que le permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, en date du 16 février 2022, a été délivré avant l'expiration du délai de recours d'un mois ouvert à l'encontre de l'avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial rendu public le 5 février 2022 n'est pas de nature à emporter son illégalité, même s'il incombe normalement au maire, conformément au principe de sécurité juridique, de veiller à ne délivrer une telle autorisation qu'après l'expiration des délais de recours.
9. Toutefois, la Commission nationale d'aménagement commercial, saisie le 4 mars 2022 par la société requérante, a rendu le 2 juin 2022 un avis défavorable au projet concerné, qui s'est substitué à l'avis favorable de la commission départementale. Dès lors, et comme il a été dit au point 6, l'arrêté accordant le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale doit être regardé comme illégal et la société requérante est fondée à en demander l'annulation.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre-lès-Nemours le versement à la société requérante d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du maire de la commune de Saint-Pierre-lès-Nemours du 16 février 2022 portant permis de construire n° PC 077 431 21 20011 est annulé.
Article 2 : La commune de Saint-Pierre-lès-Nemours versera à la société par actions simplifiée Distribution Casino France la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, à la commune de Saint-Pierre-lès-Nemours, à la société LIDL et à la commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.
Le président - rapporteur
S. DIÉMERTL'assesseure la plus ancienne,
I. JASMIN-SVERDLIN
La greffière,
C. POVSELa République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03678