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07/12/2023 | FRANCE | N°22LY02737

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 07 décembre 2023, 22LY02737


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.



Par un jugement n° 2202776 du 9 août 2022, le t

ribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 8 sep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2202776 du 9 août 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2022, Mme C... A..., représentée par Me Bescou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ; il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle remplit les conditions prévues par la circulaire du 28 novembre 2012 pour voir sa situation régularisée ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant à quatre-vingt-dix jours le délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est entachée d'erreur de fait ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; en prononçant une interdiction de retour pendant une durée de douze mois le préfet a commis une erreur d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme C... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 13 décembre 1993, déclare être entrée en France en août 2013. Elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai le 9 décembre 2013. Sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugiée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 24 décembre 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 avril 2014. A la suite d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, elle a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 23 février 2015 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 octobre 2015, puis un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 27 juin 2017. Elle a, le 29 octobre 2019, déposé une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le refus implicite du préfet du Rhône d'accorder un tel titre de séjour a été annulé pour défaut de motivation par un jugement du 29 juin 2021 aux termes duquel le tribunal administratif de Lyon a enjoint au préfet de réexaminer la demande de l'intéressée. Par arrêté du 14 mars 2022, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Mme C... A... relève appel du jugement du 9 août 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 12-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. Mme C... A... se prévaut de la durée de son séjour en France, du fait que les pères de ses deux filles, nées en France, résident en France, l'un d'eux bénéficiant du statut de réfugié, qu'elle a obtenu en France un CAP de restauration collective et qu'elle est bien insérée dans la société française. Toutefois, ainsi que l'a indiqué le tribunal, si Mme C... A... résidait depuis huit ans en France à la date de la décision litigieuse, elle a fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécutées. Elle ne réside avec aucun des deux pères de ses filles. Si le père de sa fille aînée a la qualité de réfugié, ses seules déclarations ne permettent pas d'établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Le père de sa seconde fille, qui est un compatriote, réside en région parisienne et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français au cours de l'année 2021. Dans ces conditions, malgré les efforts d'intégration de l'intéressée en France, en prenant à son encontre un refus de titre de séjour, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... A... au respect de sa vie privée et familiale. Il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C... A....

4. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point précédent, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme C... A..., le préfet n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. En troisième lieu, les considérations dont Mme C... A... s'est prévalue à l'appui de sa demande de titre de séjour et rappelées au point 3 ne constituent pas des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation au regard de ces dispositions.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication (...) les circulaires (...) qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les (...) circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'État et publiés sur des sites internet désignés par décret (...) ". L'article D. 312-11 du même code établit la liste des sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3.

7. En instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration.

8. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme C... A... remplirait les conditions prévues par la circulaire du 28 novembre 2012, qu'elle serait en droit d'invoquer en application de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté comme inopérant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Compte tenu de ce qui précède, Mme C... A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

Sur la décision fixant à quatre-vingt-dix jours le délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination :

11. Compte tenu de ce qui précède, Mme C... A... n'est pas fondée à demander l'annulation de ces décisions par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision d'interdiction de retour pendant une durée de douze mois :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, Mme C... A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

13. En deuxième lieu, Mme C... A... reprend en appel les moyens tirés de ce que cette décision est entachée d'une erreur de fait sur l'atteinte portée à sa vie privée et familiale et de ce qu'en prononçant une interdiction de retour pendant une durée de douze mois le préfet a commis une erreur d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs exposés par le tribunal, respectivement aux points 15 et 16 du jugement.

14. En dernier lieu, compte tenu de la situation de Mme C... A..., rappelée au point 3 ci-dessus, en prononçant à son encontre une interdiction de retour pour une durée de douze mois, le préfet n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et tendant à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

N° 22LY02737

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02737
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;22ly02737 ?
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