Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de confirmer l'article 2 de la décision de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 26 février 2020 ayant annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'Isère du 14 avril 2015 qui avait autorisé son licenciement et d'annuler l'article 3 de la décision de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 26 février 2020 ayant autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 2002364 du 31 mai 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Janot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de confirmer l'article 2 de la décision de la ministre du travail du 26 février 2020 ayant annulé la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2015 ;
3°) d'annuler l'article 3 de la décision de la ministre du travail du 26 février 2020 ayant autorisé son licenciement ;
4°) de condamner l'association des paralysés de France à lui verser 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'annulation par la ministre à l'article 2 de sa décision du 26 février 2020 de la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2015 autorisant son licenciement doit être confirmée ; l'inspecteur du travail n'a pas respecté la procédure contradictoire ; les motifs pour lesquels il a retiré la précédente autorisation de licenciement ne sont pas exposés ; la nouvelle autorisation de licenciement a été accordée sans que ne soit examinée la réalité de l'inaptitude professionnelle ;
- l'autorisation de licenciement du 26 février 2020 ne repose sur aucun fondement juridique puisque la ministre n'a pas statué en temps et en heure sur l'autorisation de licencier Mme B... comme l'ont précisé le Conseil d'État dans sa décision du 16 avril 2021 et la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur renvoi du Conseil, dans son arrêt du 14 avril 2022 ;
- la ministre n'a pas respecté le délai de trente jours qui lui avait été imparti par la cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 19 décembre 2019 pour réexaminer son recours hiérarchique de sorte que l'autorisation de licenciement du 26 février 2020 est illégale ;
- son employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement ; la recherche de reclassement a été faite sur la base d'un avis d'inaptitude qui a été annulé ; certains postes proposés étaient contraires aux préconisations du médecin du travail ; certaines offres n'étaient pas sérieuses ; certains postes disponibles ne lui ont pas été proposés ;
- le licenciement a un lien avec son mandat.
Par un mémoire enregistré le 22 septembre 2022, l'association APF France Handicap, venant aux droits de l'association des paralysés de France, représentée par Me Chomel de Varagnes, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 31 mars 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 21 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Janot pour Mme B... ainsi que celles de Me Jacquemond-Collet pour l'association APF France Handicap ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 février 2015, l'association des paralysés de France, aux droits de laquelle est venue l'association APF France Handicap, a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Mme B..., salariée protégée, pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. Cette demande a été implicitement rejetée le 13 avril 2015 par l'inspecteur du travail qui a, par décision du 14 avril 2015, retiré sa décision implicite et accordé à l'association l'autorisation de licencier Mme B.... Par décision du 18 mai 2015, l'inspecteur du travail a retiré sa décision du 14 avril 2015 et de nouveau autorisé le licenciement de Mme B.... Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisi le 16 juillet 2015, sur recours hiérarchique de Mme B..., a, par une décision expresse du 19 janvier 2016, retiré sa décision implicite née le 21 novembre 2015 du silence gardé sur le recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 18 mai 2015 et constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2015 pour laquelle il n'avait pas été formellement saisi d'un recours hiérarchique.
2. Par un jugement du 9 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a notamment rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du ministre du 19 janvier 2016. Sur appel de Mme B..., la cour administrative d'appel de Lyon a, par arrêt du 19 décembre 2019, annulé ce jugement et les décisions du 21 novembre 2015 et du 19 janvier 2016 du ministre et enjoint au ministre de réexaminer le recours hiérarchique présenté par Mme B... à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2015 dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt.
3. La ministre du travail a alors, par décision du 26 février 2020, retiré sa décision implicite de rejet qu'elle estimait être née le 20 février 2020 du recours hiérarchique de Mme B..., annulé la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2015 et autorisé le licenciement de Mme B.... Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Grenoble de confirmer cette décision en ce qu'elle annule la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2015 et de l'annuler en ce qu'elle autorise son licenciement. Par un jugement du 31 mai 2022 dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions de Mme B... tendant à la confirmation de l'article 2 de la décision du 26 février 2020 :
4. Ainsi que l'a indiqué le tribunal, il n'appartient pas au juge administratif de confirmer tout ou partie d'une décision administrative. Par suite, et alors que Mme B... ne conteste pas que ces conclusions étaient irrecevables à raison de leur objet, elles ne peuvent être que rejetées.
Sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'article 3 de la décision du 26 février 2020 ayant autorisé son licenciement :
5. En premier lieu, par une décision du 16 avril 2021, le Conseil d'État a annulé l'arrêt du 19 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon, qui avait annulé la décision du 19 janvier 2016 du ministre et enjoint au ministre de réexaminer le recours hiérarchique présenté par Mme B... à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2015. Le Conseil d'État a retenu qu'il n'appartenait pas au ministre du travail de se prononcer sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2015, contrairement à ce qu'avait jugé la cour, mais qu'il devait statuer directement sur la demande d'autorisation de licenciement dont il se trouvait saisi. Par arrêt du 14 avril 2022 statuant sur renvoi du Conseil d'État, la cour administrative d'appel de Lyon, se fondant sur le même motif que celui retenu par le Conseil d'État, a annulé l'article 3 de la décision du 19 janvier 2016 du ministre du travail.
6. Comme l'a indiqué le tribunal, il résulte de cette annulation, revêtue de l'autorité absolue de la chose jugée, que le ministre du travail a été rétroactivement saisi au 19 janvier 2016 de la demande d'autorisation de licenciement. Si le Conseil d'État, puis la cour administrative d'appel ont jugé qu'il appartenait au ministre, dès lors qu'il avait annulé la seconde décision de l'inspecteur du travail de se prononcer lui-même, dès ce stade, de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, la circonstance que le ministre ne l'avait pas fait en janvier 2016 ne faisait pas obstacle à ce qu'il le fasse par la suite compte tenu de l'annulation prononcée. La ministre du travail a pu, en l'espèce, dès lors qu'elle avait été rétroactivement saisie de cette demande du fait de l'annulation prononcée le 14 avril 2022 par la cour administrative d'appel de Lyon, se prononcer dans la décision du 26 février 2020 sur la demande d'autorisation de licenciement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorisation de licenciement du 26 février 2020 ne reposerait sur aucun fondement juridique puisque le ministre n'aurait pas statué en temps et en heure sur l'autorisation de licencier Mme B... conformément à ce qu'avaient jugé le Conseil d'État dans sa décision du 16 avril 2021, puis la cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 14 avril 2022, ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la ministre du travail n'aurait pas respecté le délai imposé par la cour administrative d'appel de Lyon dans son arrêt du 19 décembre 2019 pour statuer sur la demande de licenciement doit être écarté pour les motifs retenus par le tribunal dans le jugement attaqué.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa réaction applicable au litige : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. (...) / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. "
9. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Lorsqu'après son constat d'inaptitude, le médecin du travail apporte des précisions quant aux possibilités de reclassement du salarié, ses préconisations peuvent, s'il y a lieu, être prises en compte pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de reclassement de l'employeur.
10. L'inaptitude physique de Mme B... a été constatée par le médecin du travail le 17 septembre 2014. Par décision du 3 avril 2015, le ministre du travail, annulant la décision de l'inspecteur du travail se prononçant sur recours dirigé contre l'avis d'inaptitude du médecin du travail, a indiqué que Mme B... était inapte à tous postes dans l'établissement de l'IEM d'Eybens mais qu'elle serait apte à un poste d'aide médico-psychologique ou à un poste d'éducateur technique spécialisé dans un autre établissement de l'association des paralysés de France, sous réserve de limiter le port de charges.
11. Il ressort des pièces du dossier que l'employeur de Mme B... lui a proposé, par courriers des 17 octobre 2014, 13 et 26 janvier, 5 et 27 février, 6, 13, 20 et 27 mars et 3 avril 2015, vingt-huit postes de reclassement. Il lui a ainsi proposé dix-neuf postes d'aide médico psychologique dans d'autres établissements que celui dans lequel elle était jusqu'alors affectée, deux postes de moniteurs d'atelier, l'un à Montvilliers, l'autre à Rixheim, un poste d'employé administratif à Laval, deux postes d'agent de production à Sauvagnon, un poste d'agent de services à Redon, un poste d'agent des services logistiques à Talence et un poste de plongeuse à Talence.
12. Si aucun poste ne lui a été proposé après le 3 avril 2015, date de la décision du ministre sur son inaptitude physique, il ressort des pièces du dossier que la plupart des postes proposés à Mme B... jusque-là répondaient déjà aux préconisations contenues dans la décision du ministre. Il n'était donc pas nécessaire pour son employeur de lui proposer de nouveaux postes.
13. Mme B... n'ayant pas été déclarée inapte à exercer tout poste d'aide médico-psychologique, mais apte à l'exercice de ce poste sous réserve de limiter le port de charges, son employeur a pu lui proposer de tels postes. Mme B... a refusé, par principe, tous ces postes d'aide médico-psychologique au motif qu'ils n'étaient pas adaptés à son état de santé, alors que son employeur avait indiqué qu'il vérifierait, le moment venu, la question du port de charges. Par ailleurs, plusieurs postes, notamment les deux postes de moniteurs d'atelier, correspondant à des postes d'éducateur technique spécialisé, lui ont également été proposés. Deux postes d'aide médico-psychologique correspondant à la qualification de l'intéressée se situaient à Echirolles, dans l'agglomération grenobloise, et à Lyon. Ni l'éloignement géographique des autres postes de son domicile, ni la circonstance que certains des postes proposés étaient à durée déterminée ou à temps partiel, ne faisaient obstacle à ce que son employeur lui propose dès lors qu'il s'agissait de postes disponibles dans l'entreprise.
14. Si Mme B... fait grief à son employeur de ne pas lui avoir proposé plusieurs postes d'éducateur spécialisé qui ont été pourvus dans la région où elle réside, toutefois, ces postes n'étaient pas équivalents au poste qu'elle occupait jusqu'alors et nécessitaient l'obtention d'un diplôme d'État différent de celui d'éducateur technique spécialisé. S'il est vrai qu'un poste d'éducateur technique spécialisé, en contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein à Villeneuve, ne lui a pas été proposé, Mme B... s'était systématiquement opposée à prendre des postes éloignés géographiquement de son domicile, ce qui était le cas de ce poste. Les postes de veilleuse de nuit à l'IEM FP Le Chevalon de Voreppe, qui ont été pourvus les 1er février et 2 juin 2015, concernaient l'IEM Le Chevalon de Voreppe et ne pouvaient être attribués à l'intéressée compte tenu des difficultés relationnelles rencontrées avec le directeur de l'IEM d'Eybens et du pôle enfance qui en assurait la direction par intérim. Le poste de chef de service au SPASAS, qui a été pourvu le 1er juin 2015, n'était pas équivalent à celui détenu par l'intéressée, qui n'avait pas la qualification nécessaire pour prétendre occuper un tel emploi, qui requiert le certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale (CAFERUIS).
15. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'employeur de Mme B... n'aurait pas loyalement recherché à la reclasser en lui proposant différents postes conformes aux indications de la décision du ministre du travail du 3 avril 2015. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la ministre du travail aurait entaché sa décision d'erreur d'appréciation en estimant que son employeur avait satisfait à son obligation de reclassement.
16. En dernier lieu, pour les motifs exposés par le tribunal qu'il y a lieu d'adopter, le moyen tiré de ce que le licenciement serait en lien avec l'exercice de ses fonctions syndicales doit être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme à verser à l'association APF France Handicap sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'association APF France Handicap au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à l'association APF France Handicap et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 22LY02246
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