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07/12/2023 | FRANCE | N°22DA02442

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 07 décembre 2023, 22DA02442


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Oise a interdit temporairement l'accès du public à certaines zones de la forêt domaniale de Compiègne durant les opérations de chasse à courre, les mercredis et samedis du 15 septembre 2020 au 31 mars 2021.

Par un jugement n° 2003406 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.



Pr

océdure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 22 novembre 2022, M. A... B..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Oise a interdit temporairement l'accès du public à certaines zones de la forêt domaniale de Compiègne durant les opérations de chasse à courre, les mercredis et samedis du 15 septembre 2020 au 31 mars 2021.

Par un jugement n° 2003406 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2022, M. A... B..., représenté par Me Pierre-Edouard Szymanski, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 ;

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'inexactitude matérielle des faits ;

- il porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir du public et au principe d'égalité entre les usagers ;

- il est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés

Par une ordonnance du 16 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 novembre 2023 à 12 h 00.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code forestier ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La préfète de l'Oise a réglementé l'accès du public à certaines zones de la forêt domaniale de Compiègne durant les saisons de chasse 2018-2019 et 2019-2020. Par un arrêté du 11 septembre 2020, elle a pris un nouvel arrêté portant interdiction temporaire d'accès du public à cette forêt pour la saison de chasse 2020-2021. Par la présente requête, M. B... interjette appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes qui y sont relatifs ". Aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. (...) ". Aux termes de l'article L. 2215-1 de ce code : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : (...) 3° Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune ; (...) ". La forêt domaniale de Compiègne s'étend sur le territoire de treize communes.

3. Pour interdire temporairement l'accès du public à certaines zones de la forêt de Compiègne pendant la saison de chasse 2020-2021, l'arrêté, après avoir rappelé les perturbations de chasses à courre et les affrontements entre les militants anti-chasse et les veneurs qui se sont produits, notamment le 9 décembre 2017 et les 9 et 12 janvier 2019, se fonde sur la persistance de " la détermination des militants anti-chasse et du climat délétère qui règne entre les deux parties " et " les risques pour la sécurité du public (...) pendant les chasses à courre, en particulier dans les parties identifiées comme étant les plus probables pour l'hallali ". Si M. B... soutient, d'une part, que les manifestations du collectif " Abolissons la vénerie aujourd'hui " sont pacifistes et n'ont pour d'autre objet que de documenter la chasse à courre, d'autre part, qu'aucune contravention n'a été dressée pour les opérations de perturbation qui leur sont reprochées en 2017 et 2019, la matérialité des faits allégués, non sérieusement contestée par l'appelant, est établie par les articles de presse et les comptes-rendus d'association auxquels la préfète renvoie dans son mémoire en défense. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L.121-3 du code forestier : " Les bois et forêts relevant du régime forestier satisfont de manière spécifique à des besoins d'intérêt général soit par l'accomplissement des obligations particulières prévues par ce régime, soit par une promotion d'activités telles que l'accueil du public, la conservation des milieux, la prise en compte de la biodiversité et la recherche scientifique ". Les mesures de police administrative et notamment les interdictions d'accès des bois et forêts au public ne doivent pas présenter un caractère général et absolu et porter une atteinte manifestement disproportionnée à des droits et libertés, notamment la liberté d'aller et venir et le principe d'égalité. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative compétente règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

5. En l'espèce, d'une part, l'arrêté attaqué circonscrit l'interdiction d'accès du public à la forêt de Compiègne à six zones précisément identifiées et délimitées, dont sont exclues les voiries forestières, les sentiers de randonnée balisés et les pistes cyclables, qui demeurent accessibles. En outre, cette interdiction ne s'applique pas aux " équipages de chasse " (article 1er), aux " veneurs qui servent le cerf ", aux " personnels de l'office national des forêts " (ONF), ni aux " personnels (...) intervenant sur des chantiers proches du lieu de l'hallali dans le cadre de contrats passés avec l'ONF " (article 2). Enfin, cette mesure est limitée à la saison de chasse 2020-2021, du 15 septembre 2020 au 31 mars 2021, et à deux journées par semaine, les mercredis et samedis. Dans ces conditions, la mesure d'interdiction prise par la préfète de l'Oise n'a pas le caractère d'une interdiction générale et absolue. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 3, cette mesure a été prise en réaction à des incidents constatés notamment en 2017 et 2019, afin d'assurer la tranquillité et la sécurité du public pendant les opérations de chasse à courre, et a montré, par le passé, son efficacité en réduisant sensiblement les troubles à l'ordre public. Si M. B... fait état de ce que deux brigades de gendarmerie sont mobilisées pour encadrer ces chasses, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet encadrement serait suffisant et que des mesures moins contraignantes que l'interdiction relative d'accès auraient pu être mises en place pour préserver la tranquillité et la sécurité du public. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir du public et au principe d'égalité entre les usagers.

6. En troisième et dernier lieu, à supposer que M. B... ait entendu invoquer le détournement de pouvoir dont serait entaché l'arrêté qui ne viserait, selon lui, qu'à interdire aux opposants de filmer la mise à mort du cerf et la curée, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué serait fondé sur des considérations étrangères à la préservation de la sécurité du public durant les opérations de chasse à courre. Par suite, le moyen, à le supposer soulevé, tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 23 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°22DA02442 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02442
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SZYMANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;22da02442 ?
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