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07/12/2023 | FRANCE | N°22DA00718

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 07 décembre 2023, 22DA00718


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 29 mars 2022 et un mémoire enregistré le 25 octobre 2023, M. B... A..., la société civile immobilière (SCI) G et A du Troncq et l'indivision A..., représentés par Me Thibault Soleilhac, demandent à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Eure a autorisé l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Tourville-la-Campagne et Saint-Meslin-du-Bosc ;



2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne du Torpt la somme de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2022 et un mémoire enregistré le 25 octobre 2023, M. B... A..., la société civile immobilière (SCI) G et A du Troncq et l'indivision A..., représentés par Me Thibault Soleilhac, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Eure a autorisé l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Tourville-la-Campagne et Saint-Meslin-du-Bosc ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne du Torpt la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour agir ;

- leur requête n'est pas tardive ;

- la demande d'autorisation et le dossier d'enquête publique sont lacunaires ;

- les avis sollicités et l'évaluation environnementale sont obsolètes ;

- l'évaluation environnementale est lacunaire ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2023, la société Ferme éolienne du Torpt, représentée par Me Yaël Cambus, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement aux fins de régulariser les vices qui seraient relevés, enfin, à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants n'ont pas intérêt pour agir ;

- les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement aux fins de régulariser les vices qui seraient relevés.

Il soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 10 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Audran Perrin représentant, M. A... et autres et de Me Yaël Cambus représentant, la société Ferme éolienne du Torpt.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne du Torpt a déposé le 17 mai 2013 une demande d'autorisation aux fins d'exploiter un parc éolien composé de cinq aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Tourville-la-Campagne et de Saint-Meslin-du-Bosc. Par un arrêté du 29 novembre 2021, le préfet de l'Eure a autorisé les aérogénérateurs E1 à E4 et le poste de livraison de ce projet. M. B... A..., la société civile immobilière (SCI) G et A du Troncq et l'indivision A... demandent l'annulation de cet arrêté.

Sur le droit applicable :

2. Aux termes du 1° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 visée ci-dessus : " Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance (...) sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (...) ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ".

3. En outre, le 2° du même article dispose : " Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement (...) régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ".

4. En l'espèce, par un arrêt n° 19DA00501 du 29 décembre 2020, la cour a annulé l'arrêté du 8 juin 2016 par lequel le préfet de l'Eure avait refusé la demande d'autorisation présentée par la société Ferme éolienne du Torpt, en tant seulement que celui-ci portait sur les aérogénérateurs E1 et E4 et le poste de livraison. A la suite de cette annulation, le préfet de l'Eure, ressaisi dans cette mesure de la demande initiale, a autorisé, par l'arrêté attaqué, les aérogénérateurs E1 à E4 et le poste de livraison.

5. Dès lors que la demande initiale a été déposée le 17 mai 2013, l'autorisation litigieuse a été instruite et délivrée, conformément au 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, selon les dispositions du code de l'environnement antérieures à l'entrée en vigueur de cette ordonnance. En outre, en application des 1° et 2° de l'article 15 de la même ordonnance, l'autorisation litigieuse doit être regardée, depuis sa délivrance, comme une autorisation environnementale au sens du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement.

6. Dans ces conditions, les dispositions de ce chapitre relatives aux conditions dans lesquelles une autorisation environnementale peut être contestée sont en l'espèce applicables.

Sur la fin de non-recevoir :

7. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative :/ (...) / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...) ". Aux termes du I de l'article L. 181-3 du même code : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Figurent, parmi les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, la commodité du voisinage, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

8. Il résulte de l'instruction que le château de Troncq et son domaine, dont sont propriétaires les requérants, se situent au plus près à 3,82 kilomètres du projet. Les façades et toitures du " château ", le " parc ", le " grand parc " dont les " portes et murs anciens de clôture ", les façades et toitures de la " conciergerie " et du " pavillon d'entrée ", ainsi que le " chenil en totalité " sont inscrits au titre des monuments historiques, tandis que le " colombier " est intégralement classé à ce titre.

9. En premier lieu, si, dans son avis défavorable du 2 juin 2015, l'architecte des bâtiments de France, consulté sur les demandes de permis de construire ayant pour objet le même parc éolien, a estimé que le projet serait visible depuis le parc " juste au-dessus de la clôture " et depuis les étages de " l'aile nord-ouest " du château, il résulte de l'instruction que, vus depuis l'intérieur du " parc ", au sein duquel se situent le château, la conciergerie, le chenil et le colombier, les aérogénérateurs du projet, bien qu'ils présentent une hauteur de 150 mètres, seront en grande partie dissimulés par la végétation arborée du domaine. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que le projet serait visible depuis le pavillon d'entrée, qui est situé à l'extrémité est du " parc ".

10. En second lieu, il résulte de l'instruction que, vus depuis le mur d'enceinte entourant le " grand parc ", les aérogénérateurs du projet s'intègreront dans le paysage agricole sans le dominer compte tenu de la distance d'éloignement et dans un rapport d'échelle comparable aux éléments verticaux existants, ou qu'ils seront partiellement occultés par les boisements ou le bâti environnants.

11. Dans ces conditions, eu égard à cette distance d'éloignement et à la faible covisibilité ou intervisibilité que le projet entretient avec le domaine de Troncq, les requérants ne justifient pas d'un intérêt suffisant pour contester l'arrêté attaqué. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, la fin de non-recevoir opposée par la société Ferme éolienne du Torpt doit être accueillie et les conclusions à fin d'annulation de la requête doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne du Torpt, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.

13. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme globale de 2 000 euros à la société Ferme éolienne du Torpt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et autres est rejetée.

Article 2 : M. A... et autres verseront une somme globale de 2 000 euros à la société Ferme éolienne du Torpt en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société civile immobilière (SCI) G et A du Troncq, à l'indivision A..., à la société Ferme éolienne du Torpt et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 23 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°22DA00718 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00718
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : HELIOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;22da00718 ?
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