Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I- M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés des 16 juin 2021, 20 octobre 2021, 1er février 2022 et 7 juin 2022 par lesquels le recteur de l'académie de Paris a prolongé sa suspension de fonctions prononcée à titre conservatoire, pour des périodes successives de quatre mois à partir du 10 juillet 2021.
Par un jugement commun nos 2115313, 2125157, 2205259 et 2213879 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
II- M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2022 par lequel le recteur de l'académie de Paris a prolongé sa suspension à titre conservatoire pour une durée de quatre mois à compter du 10 novembre 2022.
Par un jugement n° 2223436 du 29 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête enregistrée sous le n° 23PA00846 le 27 février 2023, M. B..., représenté par Me Mayet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 janvier 2023 ;
2°) d'annuler les arrêtés des 16 juin 2021, 20 octobre 2021, 1er février 2022 et 7 juin 2022 par lesquels le recteur de l'académie de Paris a prolongé sa suspension de fonctions prononcée à titre conservatoire, pour des périodes successives de quatre mois à partir du 10 juillet 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le recteur de l'académie de Paris ne pouvait légalement prendre les arrêtés attaqués qui ne constituent pas une nouvelle mesure de suspension mais la prolongation de précédents arrêtés annulés par un jugement du tribunal administratif de Paris du 8 avril 2020 compte tenu du caractère rétroactif de ces annulations contentieuses.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, le recteur de l'académie de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par M. B... n'est pas fondé.
II- Par une requête enregistrée sous le n° 23PA02323 le 24 mai 2023, M. B..., représenté par Me Mayet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2022 par lequel le recteur de l'académie de Paris a prolongé sa suspension à titre conservatoire pour une durée de quatre mois à compter du 10 novembre 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le recteur de l'académie de Paris ne pouvait légalement prendre l'arrêté attaqué qui ne constitue pas une nouvelle mesure de suspension mais la prolongation de précédents arrêtés annulés par un jugement du tribunal administratif de Paris du 8 avril 2020 compte tenu du caractère rétroactif de ces annulations contentieuses.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, le recteur de l'académie de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par M. B... n'est pas fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code pénal ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., professeur agrégé de mathématiques, a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois à compter du 10 juillet 2018 par un arrêté du recteur de l'académie de Paris du 28 juin 2018. Cette décision, qui n'a pas été contestée, a été prolongée par quatre arrêtés successifs de même durée qui ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Paris du 8 avril 2020 sur le moyen tiré de leur insuffisance de motivation. Le 9 mars 2020, en cours d'instance, le recteur de l'académie de Paris a pris un nouvel arrêté de prolongation. Le 10 avril 2020, il a pris quatre nouveaux arrêtés en conséquence de l'annulation contentieuse qui avait été prononcée, puis a décidé de la prolongation de cette mesure conservatoire par des arrêtés des 23 juin 2020, 16 octobre 2020 et 25 février 2021. Par un arrêt n° 21PA03995 rendu le 23 février 2023, la Cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé, à la demande de M. B..., les arrêtés du 10 avril 2020 sur le moyen tiré de la rétroactivité illégale dont ils étaient entachés ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 9 mars 2020 qui prolongeait des précédentes décisions réputées n'être jamais intervenues et a, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête tendant à l'annulation des arrêtés pris ultérieurement les 23 juin 2020, 16 octobre 2020 et 25 février 2021. Par la présente requête, M. B... relève régulièrement appel des jugements du tribunal administratif de Paris des 4 janvier 2023 et 29 mars 2023 rejetant ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 16 juin 2021, 20 octobre 2021, 1er février 2022, 7 juin 2022 et 10 octobre 2022.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées nos 23PA00846 et 23PA02323, présentées pour M. B..., concernent la situation d'un même agent, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé des arrêtés :
3. D'une part, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judiciaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. (...). ". Aux termes de l'article L. 531-1 du code général de la fonction publique, entré en vigueur le 1er mars 2022 : " Le fonctionnaire, auteur d'une faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. " Aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " Si, à l'expiration du délai mentionné à l'article L. 531-1, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. / Le fonctionnaire qui fait l'objet de poursuites pénales est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai sauf si les mesures décidées par l'autorité judiciaire ou l'intérêt du service y font obstacle ".
4. D'autre part, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation.
5. Le fonctionnaire qui fait l'objet d'une mesure de suspension étant maintenu en position d'activité, l'annulation d'une telle mesure ne suppose l'intervention d'aucun acte pour assurer la continuité de la carrière de l'agent ou régulariser sa situation. Par suite, l'administration est en droit, après l'annulation contentieuse d'une première mesure de suspension, d'en prendre une nouvelle, ainsi que, à l'expiration de la période couverte par cette nouvelle mesure, de prolonger cette suspension, sous réserve que les conditions prévues à l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 désormais codifié aux articles L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique demeurent remplies, dès lors qu'elle ne donne pas à ces mesures de suspension un effet rétroactif.
6. En l'espèce, l'annulation contentieuse des arrêtés prolongeant la période de suspension de fonctions de M. B... entre le 10 novembre 2018 et le 9 mars 2020, prononcée le 8 avril 2020, ne privait pas le recteur de l'académie de Paris de la possibilité de pendre à nouveau une mesure de même nature si les conditions prévues à l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 codifié aux articles L. 531-1 et suivants du code général de la fonction publique demeuraient réunies. Il est constant que postérieurement à cette annulation contentieuse, le recteur de l'académie de Paris a de nouveau suspendu M. B... de ses fonctions à compter du 10 juillet 2020 par un arrêté du 23 juin 2020 puis a prolongé cette mesure jusqu'au 9 juillet 2021 par des arrêtés des 16 octobre 2020 et 25 février 2021. Dans le cadre de la présente instance, les arrêtés contestés des 16 juin 2021, 20 octobre 2021, 1er février 2022, 7 juin 2022 et 10 octobre 2022 ont été pris par le recteur de l'académie de Paris au titre de la période comprise entre le 10 juillet 2021 au 9 mars 2023 en raison, d'une part, de la mise en examen de M. B... par le parquet national antiterroriste, pour participation à une association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes visés au 1° de l'article 421-1 du code pénal et, d'autre part, de la gravité de ces faits susceptibles de troubler la sérénité nécessaire au bon fonctionnement du service public et s'opposant à toute affectation dans un autre emploi, y compris dans un autre corps par la voie du détachement. Contrairement à ce que soutient M. B..., ces arrêtés qui ont été pris au regard des circonstances de droit et de fait non contestées existantes à la date de leur édiction, ne constituent pas la prolongation des actes qui avaient disparu de l'ordonnancement juridique à la suite de leur annulation contentieuse mais prolongent la nouvelle période de suspension de fonctions qui a débuté le 10 juillet 2020 par l'arrêté pris le 23 juin 2020 par le recteur de l'académie de Paris.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements contestés, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Par suite, ses conclusions dans leur ensemble ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes nos 23PA00846 et 23PA02323 présentées par M. B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 5 décembre 2023.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00846, 23PA02323