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05/12/2023 | FRANCE | N°23PA00248

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 05 décembre 2023, 23PA00248


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le directeur de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de La Poste située 13, rue Talma à Paris (75016) a prononcé son retrait du service et la décision du 15 décembre 2020 par laquelle la directrice exécutive de Paris de La Poste l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire.



Par un jugement n° 2103413 du 14 novem

bre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions des 11 décembre 2020 et 15 déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le directeur de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de La Poste située 13, rue Talma à Paris (75016) a prononcé son retrait du service et la décision du 15 décembre 2020 par laquelle la directrice exécutive de Paris de La Poste l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire.

Par un jugement n° 2103413 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions des 11 décembre 2020 et 15 décembre 2020, a enjoint à La Poste de réintégrer M. A... dans ses fonctions à compter du 11 décembre 2020, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit et d'effacer de son dossier tout élément relatif aux décisions des 11 et 15 décembre 2020.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 janvier 2023 et 27 mars 2023, la société anonyme La Poste, représentée par Me Pouillaude, demande à la Cour :

1°) d' annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 novembre 2022 en toutes ses conclusions ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. A... en première instance ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux dépens.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;

- c'est à tort que les juges de première instance ont retenu que les faits reprochés à M. A... n'étaient pas susceptibles de justifier la suspension de fonctions dont il a fait l'objet ;

- le moyen présenté par M. A... en première instance tiré de l'incompétence des signataires des décisions attaquées n'est pas fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, M. A..., représenté par le cabinet Cassel (Selafa) conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de La Poste la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Il soutient que les moyens soulevés par La Poste ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Roux, représentant La Poste.

Une note en délibéré, enregistrée le 17 novembre 2023, a été présentée pour La Poste et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 11 décembre 2020, le directeur de la plateforme de préparation et de distribution du courrier de La Poste située 13, rue Talma à Paris (75016) a pris à l'encontre de M. A... une décision de retrait de service. Le 15 décembre 2020, la directrice exécutive de Paris l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire. Par la présente requête, La Poste relève régulièrement appel du jugement du 14 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions et a enjoint à la Poste de réintégrer M. A... dans ses fonctions à compter du 11 décembre 2020, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit et d'effacer de son dossier tout élément relatif aux décisions des 11 et 15 décembre 2020.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des points 4 à 6 du jugement contesté que les premiers juges ont énoncé de façon suffisamment complète et précise les motifs pour lesquels ils ont considéré que M. A... était fondé à demander l'annulation des décisions des 11 et 15 décembre 2020, le bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif étant sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le jugement attaqué satisfait aux exigences de motivation posées par l'article L. 9 du code de justice administrative et le moyen tiré pour ce motif de son irrégularité doit être écarté.

4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, La Poste ne peut utilement soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur manifeste d'appréciation, d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, les moyens ainsi relevés tendant uniquement à contester le bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif.

Sur le moyen d'annulation retenu par les juges de première instance :

5. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires applicable à la date des décisions en litige : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline./ Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois (...) ". Il en résulte que la suspension d'un agent, lorsqu'elle est prononcée aux fins de préserver l'intérêt du service, est une mesure à caractère conservatoire qui peut être prise lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.

6. Le retrait de service en date du 11 décembre 2020, qui en l'espèce a précédé la suspension proprement dite, revêt, au regard à ses effets identiques, le même caractère que cette dernière. Il est ainsi également soumis aux textes et principes rappelés au point précédent.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été suspendu de ses fonctions à la suite d'une suspicion d'utilisation des moyens du service afin d'expédier à titre gratuit deux colis personnels à destination de la Guadeloupe le 25 novembre 2020. Une enquête interne a ainsi été ouverte par La Poste le 27 novembre 2020 dans le cadre de laquelle M. A... a été entendu le 2 décembre 2020 et a reconnu avoir lui-même préparé les documents d'envoi de ces colis et les avoir oblitérés avec le timbre à date de son service. Le rapport d'enquête remis le 3 décembre 2020 a permis de mettre en évidence, notamment à la suite du visionnage d'une vidéosurveillance et des auditions de tiers, des indices suffisants de vraisemblance de la commission des faits qui lui sont reprochés et n'ont pas été sérieusement démentis par l'intéressé qui n'a pu apporter d'explications cohérentes et concordantes avec les éléments factuels recueillis sur les conditions d'expédition de ces colis. Par ailleurs, en dépit, d'une part, du faible préjudice financier susceptible d'être supporté par La Poste par l'envoi de colis non affranchis et, d'autre part, de l'ancienneté de manquements dont s'était précédemment rendu responsable M. A..., les agissements retenus à son encontre, constitutifs d'un manquement au devoir de probité des agents publics, étaient d'une gravité suffisante pour justifier l'édiction d'une mesure conservatoire, dans l'intérêt du service, le temps nécessaire à La Poste de tirer les conséquences de son comportement. Dans ces conditions, La Poste n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant que M. A... devait être écarté du service en application des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 et est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu ce motif pour annuler l'arrêté en litige.

8. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'unique autre moyen soulevé par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur le moyen tiré de l'incompétence des signataires des décisions attaquées :

9. Les décisions en litige des 11 et 15 décembre 2020 ont été signées respectivement par M. E... C..., directeur de la plateforme de préparation et de distribution du courrier située 13, rue Talma à Paris (75016) et par Mme B... F..., en qualité de directrice exécutive de la DEX de Paris. D'une part, pour établir la compétence de M. C..., La Poste produit une décision n° 76 du 1er mai 2020 de Mme F... lui accordant une délégation de pouvoirs temporaires, les pouvoirs ainsi conférés étant ceux octroyés par une décision n° 394 du 1er octobre 2019 portant délégation de pouvoirs aux directeurs d'établissement des plateformes de distribution. En l'absence de production de cette seconde décision, La Poste ne démontre pas que M. E... C... avait régulièrement compétence pour signer la décision du 11 décembre 2020. En particulier, cette compétence ne saurait résulter d'une décision n° 340 du 1er octobre 2018 donnant, en son article 2, délégation de pouvoirs aux directeurs d'établissement en matière de gestion du personnel, notamment en matière disciplinaire, dès lors que cette délégation est antérieure à celle prise le 1er octobre 2019 et au demeurant que cette délégation est limitée à certaines catégories de personnel dont aucune pièce ne permet d'établir que M. A... en relèverait. D'autre part, en se bornant à produire la décision n° 194-19 du 13 juillet 2018 portant nomination de Mme B... F... à ses fonctions, La Poste ne démontre pas davantage sa compétence pour prendre la décision de suspension de fonctions du 15 décembre 2020.

10. Il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions des 11 et 15 décembre 2020 décidant l'exclusion temporaire de fonctions de M. A.... Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et celles présentées au titre des frais d'instance et des dépens doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance d'appel, les conclusions présentées à ce titre par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société anonyme La Poste est rejetée.

Article 2 : La Poste versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme La Poste et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 5 décembre 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA00248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00248
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET BRL ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;23pa00248 ?
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