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05/12/2023 | FRANCE | N°21TL23153

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 05 décembre 2023, 21TL23153


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée Camar a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, de condamner le département de la Haute-Garonne à lui verser les sommes hors taxes de 160 380 euros et 39 020 euros au titre de travaux supplémentaires qu'elle estime avoir réalisés dans le cadre du marché de travaux portant sur la reconstruction du collège Georges Chaumeton à l'Union et, d'autre part, d'arrêter le solde du marché à la somme de 435 760 euros.

Par un jugement n° 1902397 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Camar a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, de condamner le département de la Haute-Garonne à lui verser les sommes hors taxes de 160 380 euros et 39 020 euros au titre de travaux supplémentaires qu'elle estime avoir réalisés dans le cadre du marché de travaux portant sur la reconstruction du collège Georges Chaumeton à l'Union et, d'autre part, d'arrêter le solde du marché à la somme de 435 760 euros.

Par un jugement n° 1902397 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le département de la Haute-Garonne à verser à la société Camar une somme de 39 020 euros hors taxes assortie des intérêts au taux légal, a fixé le solde du marché à la somme de 273 380 euros hors taxes, a mis à la charge de ce département les sommes de 1 500 euros, 800 euros et 800 euros à verser respectivement à la société Camar, à la société Dompnier-Lemaire architecture et à la société Seti et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, les 20 juillet, 9 novembre et 17 décembre 2021, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Camar, représentée par Me Bonnet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 mai 2021 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la condamnation du département de la Haute-Garonne à lui verser une indemnité de 160 380 euros hors taxes au titre de travaux supplémentaires ;

2°) de condamner le département de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 160 380 euros hors taxes au titre de travaux supplémentaires portant sur la dépose et le traitement des plafonds des bâtiments C, D, E, G, H et I du collège Georges Chaumeton de l'Union et, d'autre part, de fixer le décompte général et définitif du marché à la somme de 435 760 euros, ces sommes devant être assorties des intérêts moratoires à compter de la date de réception de sa réclamation ;

3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les travaux de dépose des plaques de plâtre composant le plafond des bâtiments C, D, E, G, H et I n'étaient pas des travaux supplémentaires alors que les pièces graphiques du cahier des prescriptions communes à tous les lots ne comportent aucun plan ou élément relatif à la démolition de plafonds en plaques de plâtre dans ces bâtiments ;

- ces travaux de démolition n'étant pas prévus dans le cahier des clauses techniques particulières et n'ayant pas été figurés sur les plans et les détails d'exécution, ils ne sont pas compris dans le cadre du marché à forfait ; surtout, le diagnostic plomb avant démolition ne prévoit que la démolition des plafonds de certains bâtiments, non de tous, et seul doit être pris en compte ce document, qui complète le cahier des clauses techniques particulières ;

- en vertu de l'article 3.3.7 du cahier des clauses techniques particulières, elle n'était tenue à la dépose des plafonds " de toute nature " qu'à la condition que ceux-ci aient été mentionnés et répertoriés dans le dossier de consultation des entreprises ainsi que dans la décomposition des prix globale et forfaitaire, ce qui n'est pas le cas des plafonds composés de plaques de plâtre des bâtiments C, D, E, H et I ;

- les prestations de dépose et de traitement de ces plafonds constituent des travaux indispensables à la réalisation de l'ouvrage et ont engendré un surcoût financier important ;

- il lui était impossible tant en fait qu'en droit de détecter la présence de plafonds en plaques de plâtre dans les bâtiments C, D, E, H et I ;

- il ne lui appartient pas de supporter les carences avérées du diagnostiqueur alors que ni les diagnostics ni la décomposition du prix global et forfaitaire ne font apparaître la présence de déchets composés de plaques de plâtre ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il lui appartenait de procéder à une visite des lieux pour apprécier et appréhender l'ampleur et la nature des travaux à réaliser alors, d'une part, que seuls des sondages destructifs lors de la visite des lieux auraient permis de déceler la présence de plafonds en plaques de plâtre et, d'autre part, que le maître de l'ouvrage ne l'a pas mise en mesure de visiter l'ensemble du collège ;

- la faute du maître de l'ouvrage dans l'estimation de ses besoins a eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat dès lors que la prestation de dépose et de traitement des plafonds représente une somme de 160 380 euros hors taxes, soit une augmentation de 68 % du prix du marché d'un montant initial de 236 360 euros hors taxes ;

- l'exécution de ces travaux supplémentaires lui a causé un préjudice direct et certain dont elle est fondée à demander l'indemnisation ;

- elle a dûment alerté le maître de l'ouvrage et la maîtrise d'œuvre sur les prestations en litige qu'elle a exécutées dans les règles de l'art tandis que le constat préalable prévu par l'article 12 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux n'est qu'une faculté ;

- le seuil de tolérance de 4 % dont se prévaut la société Dompnier-Lemaire architecture ne lui est pas opposable ;

- le département de la Haute-Garonne ne peut appeler en garantie le groupement de maîtrise d'œuvre qu'en ce qui concerne les travaux supplémentaires dont elle réclame le règlement dans le cadre du présent litige, les autres prétentions tirées de ce que son offre était 30 % plus chère relevant d'un litige distinct.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 11 octobre 2021 et le 16 septembre 2022, la société à responsabilité limitée Dompnier-Lemaire architecture, représentée par Me Gendre, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Camar ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société anonyme d'études techniques industrielles (SÉTI) à la relever et à la garantir de toute condamnation éventuelle prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Garonne ou de toute partie succombante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- les travaux en litige font partie intégrante du marché forfaitaire dont est titulaire la société Camar et ne peuvent être regardés comme des travaux supplémentaires ;

- la société appelante n'a pas procédé à une visite préalable du chantier et s'est abstenue de réaliser un constat préalable à son intervention en méconnaissance de l'article 12 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché ;

- seule cette société a présenté un calcul tronqué de nature à fausser les règles de la concurrence alors les autres entreprises candidates ont complété le poste relatif à la dépose du plafond de sorte que l'erreur de métré lui est directement imputable ;

- les prestations en litige sont forfaitairement prévues par le marché ainsi que cela résulte des articles 2.8, 3.3.7 et 3.4.2 du cahier des clauses techniques particulières du marché ;

- la responsabilité du bureau d'études techniques SÉTI pourrait être engagée dès lors, premièrement, qu'il a quantifié les prestations devant être réalisées dans le cadre du lot en litige, deuxièmement, qu'il a rédigé la décomposition du prix global et forfaitaire du marché, notamment au cours de la phase de consultation des entreprises menée en octobre 2014, troisièmement, qu'il a participé à la rédaction du cahier des prescriptions communes à tous les lots et du cahier des clauses techniques particulières du marché en litige, quatrièmement, qu'il a été en charge des lots techniques à travers l'organisation de réunions de chantiers et, enfin, cinquièmement, qu'il a personnellement suivi l'élaboration du dossier des ouvrages exécutés et traité la réclamation de la société Camar ;

- à l'inverse, elle n'a participé ni à l'élaboration du cahier des clauses techniques particulières ni à la décomposition du prix global et forfaitaire en ce qui concerne les quantités de prestations attendues ;

- le maîtrise d'œuvre bénéficie d'un seuil de tolérance de 4 % dans le coût de réalisation des travaux après achèvement de l'ouvrage ainsi que cela résulte des articles 18 et 21 de son contrat de sorte qu'elle ne peut, tout au plus, qu'être assujettie à une pénalité au titre du dépassement de ce seuil, ce que ne démontre pas le maître de l'ouvrage dans le cadre de son appel en garantie.

Par un mémoire en défense et un mémoire en production de pièces, enregistrés les 29 novembre et 2 décembre 2021, le département de la Haute-Garonne, représenté par Me Pintat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Camar ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement les sociétés Dompnier-Lemaire et SÉTI à le relever et à le garantir à hauteur de 130 728 euros hors taxes ;

3°) de mettre à la charge de la société Camar une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, de mettre solidairement à la charge des sociétés Dompnier-Lemaire et SÉTI une somme de 2 000 euros au même titre.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal a fixé le solde du marché à la somme de 275 380 euros hors taxes ;

- les travaux de dépose, de démolition et de traitement des plafonds en plaques de plâtre étaient prévus par le marché ;

- s'il est constant que les pièces graphiques du cahier des prescriptions communes à tous les lots ne comportent pas de plan ou d'élément relatif à la démolition des plafonds, y compris ceux en plaques de plâtre, les travaux en litige étaient toutefois prévus par le marché, en particulier par les articles 3.3.7 et 3.4.2 du cahier des clauses techniques particulières, lesquels priment, dans la hiérarchie des pièces constitutives du marché, sur le diagnostic avant démolition (DDD) ;

- le dossier de consultation des entreprises a prévu la possibilité pour les entreprises candidates d'évaluer les prestations en litige, y compris après visite préalable des lieux, de sorte qu'il appartenait à la société appelante de vérifier et de compléter au besoin l'énumération des ouvrages ainsi que la décomposition du prix global et forfaitaire ;

- la circonstance que des quantités déterminées de plafonds à démolir n'étaient annoncées à titre indicatif que pour le bâtiment G ne permet pas à la société Camar de considérer que les prestations en litige ne relevaient pas de ses obligations contractuelles alors qu'il lui appartenait, le cas échéant, de présenter une offre intégrant les modifications qu'elle estimait nécessaires, ainsi que l'ont, au demeurant, fait les autres entreprises candidates dans leur offre ;

- les diagnostics relatifs à la gestion des déchets générés par l'ensemble des prestations n'ont pas vocation à rendre compte de manière exhaustive des prestations contractuellement attendues du titulaire ;

- conformément à l'article 1.3.3 du cahier des clauses techniques particulières, la société Camar a effectué une visite du site le 16 avril 2015 afin d'appréhender les contraintes et la nature des travaux à réaliser et il lui appartenait, en tant que professionnelle avertie, de poser toutes les questions utiles, y compris postérieurement à cette visite, ou même de solliciter une visite complémentaire, de sorte qu'elle ne peut demeurer dans l'ignorance de la présence de plafonds composés de plaques de plâtre dans les bâtiments en litige ;

- aucune faute ne peut lui être imputée, l'insuffisance de métré allégué n'étant imputable qu'aux propres fautes de la société appelante ;

- à titre subsidiaire, il est fondé à appeler les sociétés Dompnier-Lemaire et SÉTI à le relever et à le garantir solidairement à hauteur de 130 728 euros hors taxes en raison des fautes commises par ces sociétés dans la rédaction des documents de la consultation ; en particulier, si les quantités établies par le maître d'œuvre avaient concerné tous les bâtiments de l'opération et non seulement le bâtiment G, la société appelante aurait alors proposé un prix unitaire moindre dans son offre de nature à réduire le prix du marché de 30 %.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2022, la société anonyme Société d'études techniques et industrielles (SÉTI), représentée par Me de la Marque, conclut au rejet de la requête de la société Camar et des appels en garantie présentés à son encontre par le département de la Haute-Garonne et par la société Dompnier-Lemaire et, en outre, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel en garantie présenté à son encontre par le département de la Haute-Garonne doit être rejeté dès lors qu'il ne démontre nullement, ainsi que cela lui incombe, que la maîtrise d'œuvre aurait commis une faute ayant conduit à la réalisation de travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et qu'il aurait renoncé au projet s'il avait eu connaissance de ces travaux supplémentaires ;

- le maître de l'ouvrage ne démontre pas un quelconque surcoût dans la fixation des prix unitaires à l'origine de son préjudice ; le taux fantaisiste de 30 % ne reposant sur aucune démonstration et l'assiette de calcul servant à évaluer le préjudice étant erronée dès lors que la somme de 435 760 euros correspond au solde restant dû d'après la société appelante alors que les marges des entreprises se situent autour de 2 % ;

- l'appel en garantie présenté à son encontre par la société Dompnier-Lemaire sera rejeté dès lors qu'elle n'est pas la seule responsable dans la réalisation des métrés à prendre en compte pour la dépose des plafonds des cinq bâtiments ; en particulier elle n'était pas la seule en charge de la mission en phase APS, APD, PRO ou DQD, correspondant au chiffrage estimatif de l'opération, et de la phase ACT, correspondant à la sélection des entreprises ;

- en tout état de cause, aucune faute n'est imputable au groupement de maîtrise d'œuvre dans le chiffrage du marché.

Par une ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- les observations de Me Bonnet, représentant la société Camar, de Me Elissalde, représentant le département de la Haute-Garonne, de Me Lonjou, représentant la société Dompnier-Lemaire et celles de Me de la Marque, représentant la société d'études techniques et industrielles.

Considérant ce qui suit :

1. En 2013, le département de la Haute-Garonne a entrepris de reconstruire en site occupé le collège Georges Chaumeton situé à l'Union (Haute-Garonne). Par un acte d'engagement du 11 juin 2013, la maîtrise d'œuvre du projet a été confiée à un groupement conjoint composé de la société Dompnier-Lemaire, architecte et mandataire du groupement, de la société d'études techniques et industrielles (SÉTI), bureau d'études voirie-réseaux divers et structure, de la société assistance conception équipements techniques (SACET), bureau d'études fluides, de la société INOTEHC, bureau d'études cuisine, et de la société BÉHI, bureau d'études haute qualité environnementale - bâtiment basse consommation. Les travaux ont été allotis en six macro-lots et quatre lots. Par un acte d'engagement du 4 mai 2015, le macro-lot n° 1 " démolition-voiries réseaux divers-espaces verts " a été confié à un groupement conjoint composé de la société Eurovia Midi-Pyrénées, mandataire, de la société Camar et de la société Bourdarios, pour un montant de base de 2 090 911,49 euros toutes taxes comprises. Les prestations de démolition et de désamiantage ont été confiées aux sociétés Bourdarios et Camar pour un montant de 939 277,22 euros toutes taxes comprises.

2. Par une lettre du 23 janvier 2018, la société Camar a adressé son projet de décompte final mentionnant un solde créditeur de 435 760 euros hors taxes, à la société Eurovia, mandataire de son groupement, pour transmission à la maîtrise d'œuvre. Par une lettre reçue le 7 septembre 2018, le département de la Haute-Garonne a notifié à la société Camar le décompte général de son marché établi le 4 septembre précédent mentionnant un solde créditeur de 287 585,72 euros hors taxes. S'estimant créancière des sommes de 39 020 euros et 160 380 euros hors taxes au titre de travaux supplémentaires portant respectivement sur les travaux de déplombage au sein des bâtiments C, D et H et sur la dépose et le traitement des plafonds en plaques de plâtre des bâtiments C, D, E, H et I, la société Camar a, par une lettre du 3 octobre 2018 adressée au mandataire de son groupement, présenté un mémoire en réclamation. Le silence gardé par le maître de l'ouvrage a fait naître une décision implicite de rejet.

3. Par un jugement du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le département de la Haute-Garonne à verser à la société Camar la somme de 39 020 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal, au titre des travaux supplémentaires portant sur la dépose et le traitement d'éléments en plomb et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Camar relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des travaux supplémentaires portant sur la dépose et le traitement des plafonds composés de plaques de plâtre des bâtiments C, D, E, H et I et demande à la cour de fixer le solde du marché à la somme de 435 760 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Dans ce cadre, l'entreprise peut également solliciter l'indemnisation des travaux supplémentaires utiles à la personne publique contractante lorsqu'ils sont réalisés à sa demande.

5. En vertu de l'article 2 de l'acte d'engagement, le marché comprend une partie de travaux fixe, réglée par application d'un prix forfaitaire et une partie variable, qui porte sur les canalisations amiantées enterrées, traitée à prix unitaires, sans lien avec les travaux en litige.

6. Les articles 00.3.2 et 00.3.3 du cahier des prescriptions communes à tous les lots portant respectivement sur la " consistance des travaux " et " le volume des travaux " précisent, d'une part, que l'entrepreneur du lot concerné doit prévoir tout ce qui découle du travail à effectuer dans les règles de l'art sans pouvoir élever de réclamations ultérieures et, d'autre part, que le cahier des clauses techniques particulières décrit l'essentiel des ouvrages dus par l'entrepreneur mais ne définit pas dans le détail les ouvrages. Aux termes de l'article 00.3.5 de ce même document contractuel relatif à la " connaissance du projet " : " (...) Aucune omission dans la description d'un ouvrage ne saurait soustraire l'entreprise à son obligation de les exécuter. / L'entreprise ne pourra réclamer d'indemnités, ni de plus-value pour méconnaissance des inconvénients, difficultés ou sujétions de quelque nature qu'ils soient, et reconnaît : / (...) avoir demandé tous renseignements complémentaires et pris toutes mesures utiles au cas où les pièces du dossier lui sembleraient insuffisantes. / avoir contrôlé les indications des documents du dossier d'appel à la concurrence. / s'être entourée de tous renseignements complémentaires nécessaires auprès du maître d'œuvre (...) ". S'agissant de l'environnement existant, ces mêmes stipulations prévoient qu'" avant la remise de son acte d'engagement, l'entrepreneur est réputé avoir pris toutes dispositions pour se rendre sur place et constater les travaux à effectuer. / L'entreprise ne pourra réclamer d'indemnités, ni de plus-value pour méconnaissance des inconvénients, difficultés ou sujétions de quelque nature qu'ils soient, et reconnaît : / - avoir visité le site afin d'appréhender l'ensemble des difficultés inhérentes aux prestations à réaliser ". Par ailleurs, l'article 00.3.7 du cahier des prescriptions communes à tous les lots stipule que : " L'attention de l'entrepreneur est attirée sur le fait que la liste des ouvrages à exécuter au titre des lots et macro-lots (...) n'est pas limitative. / Tous les travaux repérés sur les plans du maître d'œuvre par le numéro de lot et macro-lot correspondant sont à la charge de l'adjudicataire, même s'il n'en est pas fait mention dans les CCTP. / Seule la liste des ouvrages non compris est limitative. (...) / tout ouvrage figurant aux plans et non décrit au C.C.T.P. est formellement dû et vice-versa (...) ".

7. L'article 1.2 du cahier des clauses techniques particulières afférent au lot n° 01-1 démolition-désamiantage stipule, s'agissant de la consistance des travaux, que : " Le présent descriptif a trait aux travaux à réaliser et ne présente aucun caractère limitatif. Les entreprises devront exécuter comme étant compris dans leur forfait, sans exception ni réserve, tous les travaux de leur profession indispensables au parfait achèvement des ouvrages, et, ce, quelles que soient les quantités d'ouvrages qu'elles auront énoncées dans leur offre (...) ". L'article 1.3 de ce même cahier relatif à la " connaissance des lieux ", prévoit que " Avant la remise de son offre, l'entreprise est réputée : / Avoir pris connaissance de tous les documents utiles à la réalisation des travaux, / Avoir pris connaissance de toutes les conditions d'exécution des ouvrages et s'être totalement et parfaitement rendu [e] compte de leur nature, de leur importance et de leur particularité, / Avoir procédé à une visite détaillée des lieux et avoir pri [s] toutes les sujétions relatives aux lieux des travaux (...) ". S'agissant des " documents graphiques ", l'article 1.4 du cahier des clauses techniques particulières applicable au marché en litige précise que : " Une série de plans des bâtiments existants est jointe au dossier, pour information à l'entreprise. Les données y figurant sont fournies à titre indicatif, et devront faire l'objet de vérifications de la part de l'entreprise avant toute intervention (...) ".

8. Il résulte de la combinaison de ces stipulations, d'une part, que l'entrepreneur est réputé avoir pris connaissance de l'intégralité des ouvrages ainsi que de l'ampleur et de la difficulté des travaux à exécuter sans pouvoir réclamer d'indemnités en se prévalant de la méconnaissance des difficultés, sujétions de toute nature impliquées par le chantier et, d'autre part, que la liste des ouvrages à réaliser n'est pas limitative, contrairement à la liste des ouvrages exclus du marché de travaux en litige.

9. En ce qui concerne plus particulièrement la dépose des plafonds, l'article 3.3.7 du cahier des clauses techniques particulières applicable au lot en litige prévoit que : " L'entrepreneur réalisera la dépose des plafonds de toutes natures, y compris ossature et éléments de suspension. / Démolition des plafonds de toutes natures (plaques, placoplâtre, lattes, plafonnette...). / Ces déchets seront triés selon leur nature et stockés dans des bennes prévues à cet effet. Traitement et valorisation des matériaux ". Il résulte clairement de ces stipulations que la société Camar était tenue de procéder à la dépose et au traitement de l'ensemble des plafonds quels que fussent les matériaux qui les composaient et, notamment, les plaques de plâtre, sans pouvoir opposer la circonstance que les travaux de démolition en litige n'étaient figurés ni sur les plans et les détails d'exécution ni sur les pièces graphiques prévues par le cahier des prescriptions communes à tous les lots dès lors que ces documents graphiques n'ont, en application des stipulations précitées de l'article 1.4 de ce cahier, qu'une valeur indicative et doivent être vérifiés par l'entrepreneur. En outre, la société appelante ne démontre pas, ainsi que cela lui incombe, que les travaux en litige n'étaient pas expressément exclus de la masse des travaux de démolition attendus d'elle et forfaitairement compris dans le prix du marché.

10. Pour établir que les prestations en litige constituent des travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art devant donner lieu à indemnisation, la société appelante soutient que la dépose des plafonds de toute nature se limite aux seuls plafonds mentionnés et répertoriés dans le dossier de consultation des entreprises ainsi que dans le cadre de la décomposition du prix global et forfaitaire. Toutefois, il résulte de l'article 00.3.7 du cahier des prescriptions communes à tous les lots que seule la liste des ouvrages expressément exclus des travaux était limitative et il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas davantage démontré que le pouvoir adjudicateur a entendu expressément exclure les plaques de plâtre composant les plafonds des bâtiments C, D, E, G, H et I de la masse des travaux contractuellement prévus. De même, contrairement à ce que persiste à soutenir en appel la société Camar, le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire ne présente pas de caractère exhaustif ni impératif qu'il s'agisse des matériaux composant les ouvrages à démolir ou des métrés à retenir ainsi que cela résulte des mentions contenues dans son préambule selon lesquelles : " L'entreprise devra se reporter aux articles du CCTP pour obtenir une définition complète de la prestation. (...) / L'entreprise est tenue de vérifier qu'aucune erreur ou omission ne subsiste dans l'énumération des ouvrages du descriptif et du cadre de décomposition du prix forfaitaire pour mener à leurs termes les travaux faisant l'objet de la présente étude. / Le présent quantitatif est fourni à titre indicatif. Il est réalisé à partir du dossier projet et ne pourra en aucun cas être opposable au titre d'un métré d'exécution. Dans le cas où l'entreprise estimerait que les quantités ne correspondent pas à la réalité, elle présentera son offre en intégrant les modifications qu'elle estimera devoir apporter à ce cadre de décomposition : / - en modifiant les quantités de natures d'ouvrages qui sont indiquées, / et/ou / - en y ajoutant éventuellement des natures d'ouvrages et en indiquant les quantités et prix correspondants. / En conséquence, ce prix sera réputé intégrer toutes les prestations décrites dans les pièces techniques du marché (CCTP ou Plans) et son caractère forfaitaire ne pourra, en aucun cas, être remis en cause ". Par suite, il appartenait à la société appelante, en sa qualité de professionnelle avertie des travaux de démolition, de s'assurer de la composition exacte des plafonds à démolir, sans pouvoir se retrancher derrière les éventuelles carences du diagnostiqueur, et d'adapter, le cas échéant, son offre, la circonstance selon laquelle elle n'a pu réaliser une visite de l'ouvrage que le 16 avril 2015 au sein de locaux occupés, à la supposer établie, n'étant pas de nature à établir qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de demander une visite complémentaire ou, à tout le moins, des éclaircissements au maître de l'ouvrage au stade de l'établissement de son offre sur l'étendue de la prestation en litige. Dès lors que ces prestations figuraient parmi ses obligations contractuelles, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande d'indemnisation des travaux de dépose et de traitement des plafonds en plaques de plâtre des bâtiments C, D, E, G, H et I.

En ce qui concerne les appels en garantie :

11. En premier lieu, dès lors que le présent arrêt ne prononce aucune condamnation à l'encontre du département de la Haute-Garonne, l'appel en garantie présenté par ce dernier contre la société Dompnier-Lemaire, architecte mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, et le bureau d'études techniques SÉTI est dépourvu d'objet et ne peut, en tout état de cause, qu'être rejeté.

12. En second lieu, en l'absence de condamnation prononcée à l'encontre de la société Dompnier-Lemaire, l'appel en garantie qu'elle présente contre la société SÉTI, cotraitante au sein du groupement de maîtrise d'œuvre dont elle est membre, ne peut qu'être rejeté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée à l'appel en garantie présenté par le département de la Haute-Garonne, la société Camar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'indemniser des préjudices subis du fait de travaux supplémentaires portant sur la dépose et le traitement des plafonds des bâtiments C, D, E, G, H et I.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Haute-Garonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Camar demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

15. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Camar une somme de 800 euros à verser tant au département de la Haute-Garonne, qu'à la société Dompnier-Lemaire et à la société SÉTI au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de la société Camar est rejetée.

Article 2 : La société Camar versera une somme de 800 euros chacun au département de la Haute-Garonne, à la société Dompnier-Lemaire et à la société SÉTI au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Camar, au département de la Haute-Garonne, à la société à responsabilité limitée Dompnier-Lemaire et à la société anonyme société d'études techniques et industrielles.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL23153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL23153
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-05-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant. - Indemnités. - Travaux supplémentaires.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CABINET PIERREPINTAT AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;21tl23153 ?
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