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01/12/2023 | FRANCE | N°23NT02113

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 décembre 2023, 23NT02113


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2307394 du 15 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête e

t un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2023 et le 2 novembre 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), M. B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2307394 du 15 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2023 et le 2 novembre 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué), M. B..., représenté par Me Benveniste, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert aux autorités suisses ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué a omis d'examiner la demande de suppression de propos sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;

- il convient de supprimer des propos tenus par la préfecture en défense devant les premiers juges sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les dispositions des articles 21 et 23 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet ;

- et les observations de Me Benveniste, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant congolais né le 17 mai 2000 à Kinshasa (République démocratique du Congo), déclare être entré en France le 3 avril 2023. Il a déposé une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique, qui a été enregistrée le 14 avril 2023. Les recherches conduites par la préfecture dans le fichier Visabio ont fait apparaître que lors du dépôt de sa demande d'asile, M. B... était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois délivré par les autorités suisses. Ces autorités, saisies le 20 avril 2023 en application de l'article 12 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ayant donné leur accord explicite le 21 avril 2023 à la prise en charge de M. B..., le préfet de Maine-et-Loire a pris le 4 mai 2023 un arrêté portant transfert de l'intéressé aux autorités suisses. M. B... relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a omis de viser et d'examiner les conclusions tendant à la suppression de propos sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative. Le jugement attaqué doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions présentées par M. B....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le fichier Visabio aurait été consulté, aux fins de comparaison des empreintes de M. B..., par une personne non autorisée et non par l'autorité nationale désignée à cet effet. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 21 du règlement du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 modifié du 2 septembre 2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Enfin, aux termes de l'article 19 de ce même règlement : " 1. Chaque État membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante. (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national font foi de la transmission de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

5. Il ressort des pièces du dossier que les autorités françaises ont formulé leur demande de prise en charge le 20 avril 2023 par l'intermédiaire du réseau de communication Dublinet, soit dans le délai prévu par l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé, que le formulaire adressé par ces autorités, qui comporte le numéro de référence du dossier du requérant, a été reçu par les autorités suisses le même jour et que les autorités suisses ont donné explicitement leur accord le 21 avril 2023 au transfert de l'intéressé. Le délai de trois mois applicable, en l'absence de résultat positif Eurodac, pour l'introduction par les autorités françaises d'une demande de prise en charge a donc été respecté. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'est pas établi qu'une requête aux fins de prise en charge a été effectivement présentée aux autorités suisses et acceptée doit être écarté. Le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'article 23 du règlement du 26 juin 2013 qui ne concerne que le requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande d'asile a été introduite dans l'Etat membre requérant dès lors qu'il est constant qu'il n'a pas sollicité l'asile en Suisse.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. Si M. B... invoque sa situation de vulnérabilité en ce qu'il souffre d'épilepsie, la production d'une ordonnance du 6 juin 2023 faisant état de son traitement médicamenteux à prendre quotidiennement et de deux convocations médicales pour les 19 et 31 juillet 2023 ne suffit pas à démontrer que son état de santé la placerait dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Il ne ressort pas non plus de l'examen de ces pièces que l'état de santé du requérant serait incompatible à la date de la décision contestée avec son transfert en Suisse. En tout état de cause, il n'est aucunement établi qu'il n'aurait pas accès en Suisse aux traitements éventuellement requis par son état de santé. Le requérant ne démontre pas davantage qu'il serait exposé au risque de subir en Suisse des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au surplus, il ne peut utilement invoquer les risques encourus dans son pays d'origine à l'encontre d'une décision de transfert.

8. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément de vulnérabilité, le requérant n'est fondé à soutenir ni que la décision de transfert méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que le préfet de Maine-et-Loire, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

9. En dernier lieu, la seule circonstance, à la supposer établie, que la tante de l'intéressé réside en France avec le statut de réfugié ne suffit pas à établir que le préfet de de Maine-et-Loire aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, eu égard à l'entrée récente du requérant en France. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la suppression d'écrits sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

11. En vertu de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, reprenant les dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, les juges peuvent " prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires " d'écrits produits devant eux.

12. Contrairement à ce que soutient M. B..., les passages contenus dans le mémoire de la préfecture du Maine-et-Loire du 8 juin 2023 à la page 2 commençant par " par son argumentation " et finissant par " déontologie " dont il demande la suppression, n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse et ainsi ne présentent pas un caractère injurieux ou diffamatoire qui justifierait qu'ils soient supprimés en application des dispositions citées au point 11. Dans ces conditions, les conclusions tendant à cette suppression doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes du 15 juin 2022 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions tendant à la suppression de propos.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à la suppression de propos et le surplus des conclusions de sa requête devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Benveniste et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT02113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT02113
Date de la décision : 01/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : BENVENISTE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-01;23nt02113 ?
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