Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet du Morbihan a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner M. A... au paiement de l'amende maximale prévue en matière d'occupation sans titre du domaine public par les dispositions de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques et de 1'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la cinquième classe et au titre de l'action domaniale, d'enjoindre à M. A... de procéder à l'enlèvement, si cela n'est déjà fait, de l'installation infractionnelle dans un délai de huit jours, sous peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard, et d'autoriser 1'administration à réaliser 1'enlèvement aux frais, risques et périls du contrevenant en cas de carence de ce dernier.
Par un jugement n° 2200515 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné M. A... à payer une amende de 1 500 euros, lui a enjoint de procéder, s'il ne l'a déjà fait, à l'enlèvement de son embarcation et du dispositif de va-et-vient du domaine public maritime, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et a autorisé l'administration, passé ce délai, à procéder d'office à ces opérations aux frais et risques de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Perraud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 juillet 2022 et de rejeter la demande de première instance du préfet du Morbihan ;
2°) subsidiairement, de ramener le montant de l'amende à de plus justes proportions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la preuve d'une occupation du domaine public le 28 juillet 2021 dépassant le droit d'usage qui appartient à tous n'est pas apportée, dès lors que l'embarcation en cause est légère et retirée après son utilisation, avec son mouillage ;
- le montant de l'amende infligée par les premiers juges est disproportionné, représentant 20 fois la valeur de la barque.
La requête a été communiquée au préfet du Morbihan, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu :
- le code pénal ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Morbihan a déféré au tribunal administratif de Rennes, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. A..., pour avoir installé sur le domaine public maritime un dispositif de va-et-vient permettant la mise à l'eau d'une annexe et pour y avoir laissé amarrée l'annexe du navire " Barbillon " entre 2017 et 2021 au lieudit de la Pointe du Blair sur le territoire de la commune de Baden. Par un jugement du 21 juillet 2022, le tribunal a condamné M. A... à payer une amende de 1 500 euros, lui a enjoint de procéder, s'il ne l'a déjà fait, à l'enlèvement de son embarcation et du dispositif de va-et-vient du domaine public maritime, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et a autorisé l'administration, passé ce délai, à procéder d'office à ces opérations aux frais et risques de M. A.... Ce dernier fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...). ". Aux termes de l'article L. 2132-2 du même code : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". Ces dispositions définissent les infractions propres au domaine public maritime naturel dont la constatation justifie que les autorités chargées de la conservation de ce domaine engagent, après avoir cité le contrevenant à comparaître, des poursuites conformément à la procédure de contravention de grande voirie prévue par les articles L. 774-1 à L. 774-13 du code de justice administrative. Dans le cadre de cette procédure, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action publique, à une sanction pénale consistant en une amende ainsi que, au titre de l'action domaniale et à la demande de l'administration, à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale ou à l'enlèvement des installations. Si le contrevenant n'exécute pas les travaux dans le délai prévu par le jugement, l'administration peut y faire procéder d'office, si la loi le prévoit ou si le juge l'a autorisée à le faire. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention.
Sur l'infraction :
3. Il résulte d'un constat de procès-verbal dressé par un agent assermenté le 28 octobre 2021, que M. A... a laissé son va-et-vient et son embarcation sans autorisation sur le domaine public maritime, au lieu-dit " Pointe du Blair " sur le territoire de la commune de Baden, le 28 juillet 2021. Ce document fait foi jusqu'à preuve contraire et M. A... n'apporte aucun élément de nature à l'infirmer. En outre, alors même que l'occupation sans titre n'aurait duré qu'une seule journée, le 28 juillet 2021, cette circonstance suffit à caractériser un usage privatif dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous, alors même que cette occupation n'entraverait pas le passage vers la mer. Si M. A... soutient que l'embarcation est retirée après son utilisation, avec son mouillage, il ne l'établit pas. Au demeurant, il ressort de constats d'agents assermentés et de photographies que cette occupation a déjà été constatée à de multiples reprises depuis 2016. Dans ces conditions, l'infraction reprochée tenant à l'occupation irrégulière du domaine public maritime est constituée.
Sur le montant de l'amende :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal (...) ". L'article 131-13 du code pénal dispose que : " (...) Le montant de l'amende est le suivant : (...) / 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5ème classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention est un délit. ". Lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant. Alors même que les dispositions précitées ne prévoient pas de modulation des amendes, le juge, qui est le seul à les prononcer, peut toutefois, dans le cadre de ce contentieux répressif, moduler leur montant dans la limite du plafond prévu par la loi et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences. Dans les circonstances citées au point 3, il y a lieu de fixer le montant de l'amende à une somme de 1 500 euros, comme l'ont fait les premiers juges, la valeur de l'embarcation et l'absence de trouble à l'ordre public ne pouvant être utilement invoquées.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à payer une amende de 1 500 euros, lui a enjoint de procéder, s'il ne l'a déjà fait, à l'enlèvement de son embarcation et du dispositif de va-et-vient du domaine public maritime, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et a autorisé l'administration, passé ce délai, à procéder d'office à ces opérations aux frais et risques de M. A.... Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.
La rapporteure
P. Picquet
Le président
L. LainéLe greffier
C. Wolf
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03052