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30/11/2023 | FRANCE | N°23NC00633

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 30 novembre 2023, 23NC00633


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2200123 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire

enregistrés respectivement le 26 février et le 10 mai 2023, M. A..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200123 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 26 février et le 10 mai 2023, M. A..., représenté par Me Jeannot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 200 euros par jour de retard et une autorisation provisoire de séjour sans délai sous astreinte de 20 euros par jour de retard

4°) à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sans délai sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle en ce qu'elle se fonde uniquement sur l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est estimé à tort être en situation de compétence liée vis-à-vis du rapport d'expertise documentaire de la police de l'air et des frontières du 24 février 2021 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il remplit les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où le préfet ne renverse pas la présomption de validité des actes civil produits, qu'il suit de manière réelle et sérieuse sa formation et qu'il a un excellent comportement depuis son entrée en France ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il est inséré socialement et professionnellement ;

- le préfet n'a pas fait application de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France.

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008, dès lors que le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée pour prendre à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Par des mémoires enregistrés les 20 et 27 avril 2023 et le 12 mai 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;

- le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser,

- et les observations de Me Jeannot, représentant M. A....

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 13 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité malienne, déclare être né le 6 mars 2002 à Khouloum (Mali) et être entré irrégulièrement sur le territoire français le 19 octobre 2018. Par un jugement en assistance éducative du 3 avril 2019, il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle jusqu'au 6 mars 2020. Le 20 mai 2020, par le truchement du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 2 novembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 14 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise notamment l'article 47 du code civil et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 435-1, L. 435-3, L. 423-23, L. 811-2 et R. 431-10 sur lesquels il se fonde et fait état des circonstances de fait relatives à la situation personnelle de M. A... à savoir les documents d'état civil produits à l'appui de sa demande de titre de séjour ainsi que la durée et les conditions de son séjour en France. Il comporte ainsi de manière suffisante et non stéréotypée l'indication des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée afin de prendre à l'encontre de M. A... la décision qu'il conteste. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait fondé sa décision sur le seul article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et aurait ainsi entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de la situation de M. A....

4. En troisième lieu, si le préfet de Meurthe-et-Moselle s'approprie dans son arrêté les termes du rapport d'examen technique documentaire de la police de l'air et des frontières du 24 février 2021 qui ne constitue pas une expertise judiciaire mais un élément d'appréciation de la situation de M. A..., il n'est pas démontré qu'il se serait estimé en situation de compétence liée pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Selon l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " lequel précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

6. Le II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice dispose que : " II. - Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Un décret en Conseil d'Etat précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ". Aux termes de l'article 3 du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère : " I. - L'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français peut légaliser : 1° Les actes publics émis par les autorités de son Etat de résidence, légalisés le cas échéant par l'autorité compétente de cet Etat ;(...) ".

7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger qu'il ait fait l'objet d'une légalisation ou non peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

8. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

9. M. A... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un acte de naissance n° 89 du 14 mars 2002, un extrait d'acte de naissance et un certificat de nationalité n° 4400 du 23 novembre 2020. Pour écarter ces documents au motif de leur caractère non authentique, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est à bon droit fondé sur un rapport d'examen technique documentaire émanant de la direction zonale de la police aux frontières zone est du 24 février 2021. L'analyste en fraude documentaire, dont il n'est pas démontré qu'il ne serait pas compétent pour ce faire, pointe notamment, s'agissant de l'acte de naissance, l'absence d'impression du mot " date " à la rubrique n° 3 relative à la date de déclaration et s'agissant de l'extrait d'acte de naissance, les altérations sur les mentions pré-imprimées et le fait que ce modèle de document n'était pas en circulation à la date de sa prétendue délivrance ainsi que l'atteste l'absence d'inscription du numéro " NINA ". Il souligne que ces constations sont caractéristiques des documents défectueux en sortie de production et voués à la destruction qui sont régulièrement détournés et mis sur le marché des faux documents. S'agissant du certificat de nationalité, il indique que l'année pré-imprimée en bas de la page présente un grattage et l'ajout du nombre " 20 " tandis que l'article 224 du code des personnes et de la famille malien est incorrectement cité puisque la nationalité des parents ne figure pas sur le document. L'analyste en conclut que ces trois documents sont des faux.

10. Si M. A... soutient qu'il n'a obtenu son numéro de carte NINA qu'au moment de l'enrôlement du 12 février 2019, cette circonstance, à la supposée établie, n'explique pas pourquoi son extrait d'acte de naissance est établi sur un modèle de document qui n'était pas en circulation en 2002 alors qu'il ressort de la fiche de description individuelle portant son numéro NINA que son acte de naissance est estimé comme étant " faux ". En outre, M. A... se prévaut de la légalisation de l'extrait du registre d'état civil par le consulat général du Mali en France le 9 décembre 2022. Toutefois, d'une part cette légalisation ne respecte pas les dispositions citées au point 6 puisqu'elle n'a pas été opérée par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français au Mali, d'autre part, la légalisation se borne à attester de la régularité formelle d'un acte. Par conséquent, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation selon laquelle ce document serait un faux. Par ailleurs, s'agissant de la nouvelle comme de l'ancienne carte d'identité consulaire, qu'il produit, ces documents, comme d'ailleurs le certificat de nationalité malienne, ne constituent pas des actes d'état civil et ne sont donc pas de nature à justifier de son identité dès lors qu'ils ont été établis sur le fondement d'actes d'état civil non probants. Enfin, ni le récépissé des frais payés pour l'établissement d'un passeport biométrique malien le 12 novembre 2020 non suivi de la délivrance de ce passeport, ni la confirmation d'un rendez-vous pour la délivrance d'un passeport le 15 février 2022 ne sont de nature à justifier de son identité.

11. A l'appui de sa requête d'appel, M. A... se prévaut également d'une attestation du consulat général de la République du Mali du 25 mars 2019 délivré à un tiers précisant que l'informatisation n'est pas encore effective au Mali et qu'aucun support ou mode d'impression avec une imprimante particulière n'est exigé ni sur le territoire malien, ni dans les missions diplomatiques et consulaires et que, par conséquent, les autorités maliennes compétentes utilisent tout procédé existant pour imprimer les documents administratifs. Toutefois, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, les anomalies opposées par le préfet sont sans lien avec la qualité des impressions et des supports, caractérisant au contraire l'existence de malfaçons. Il s'ensuit que le préfet a pu légalement considérer, sans que la décision de placement par le jugement en assistance éducative du 3 avril 2019 y fasse obstacle et sans être tenu de saisir les autorités maliennes, que les éléments dont il disposait étaient précis et suffisants pour écarter comme dépourvus de valeur probante les documents fournis par le requérant. Il a pu ainsi en déduire que l'intéressé, en l'absence de certitude sur sa date de naissance véritable, ne démontrait pas qu'il avait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans. Dans ces conditions, le préfet a renversé la présomption posée à l'article 47 du code civil et a pu légalement, pour ce seul motif, refuser de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent donc qu'être écartés.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine./ L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. M. A..., présent sur le territoire français depuis octobre 2018, est confié à l'aide sociale à l'enfance depuis février 2019, a bénéficié de contrats jeune majeur jusqu'au 31 juillet 2022 et a suivi par un alternance une formation pour obtenir le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) restauration qui lui a été décerné en juin 2021 et suit une formation complémentaire pour obtenir un second CAP. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, ait développé des attaches personnelles depuis son entrée sur le territoire français. Par ailleurs, outre son précédent emploi dans le cadre de son apprentissage et sa scolarité pour laquelle il ressort notamment des témoignages de ses professeurs versés au dossier qu'il fournit des efforts et a des bons résultats, M. A... ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de M. A... en France, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales. Il n'a pas non plus méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : "Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret./ Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée./Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". Aux termes de l'article R. 312-10 du même code : " Les sites internet sur lesquels sont publiés les documents dont toute personne peut se prévaloir dans les conditions prévues à l'article L. 312-3 précisent la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site./ Ces sites comportent, sur la page donnant accès aux documents publiés en application de l'article L. 312-3, la mention suivante : " Conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". Enfin, aux termes de l'article D. 312-11 du même code : " Les sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3 sont les suivants : / (...) / ; www.interieur.gouv.fr (...)/ Lorsque la page à laquelle renvoient les adresses mentionnées ci-dessus ne donne pas directement accès à la liste des documents mentionnés à l'article L. 312-3, elle comporte un lien direct vers cette liste, identifié par la mention " Documents opposables " ".

15. Les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est dépourvue de caractère réglementaire, constituent seulement des orientations générales adressées par le ministre aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, ces autorités administratives disposant d'un pouvoir d'appréciation pour prendre une mesure au bénéfice de laquelle la personne intéressée ne peut faire valoir aucun droit. Cette circulaire, qui ne prévoit pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à l'étranger qui justifierait des durées de résidence et d'emploi qu'elle indique, ne comporte ainsi pas de lignes directrices dont les intéressés pourraient utilement se prévaloir devant le juge et ne comporte pas davantage une interprétation du droit positif ou d'une règle qu'ils pourraient invoquer sur le fondement des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration. Au surplus, il résulte des dispositions combinées des articles L. 312-3, R. 312-10 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration que, pour être opposable, une circulaire du ministre de l'intérieur adressée aux préfets doit faire l'objet d'une publication sur le site www.interieur.gouv.fr par le biais d'une insertion dans la liste définissant les documents opposables et comportant les mentions prescrites à l'article R. 312-10 et doit être pourvue d'un lien vers le document intégral publié sur le site " Légifrance.gouv.fr ", site relevant du Premier ministre. En l'espèce, la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, si elle a bien été publiée sur le site légifrance et figure sur le site du ministère de l'intérieur reprenant les publications au bulletin officiel, ne l'a pas été dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.

16. Il résulte des points ci-dessus que M. A... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012.

17. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

18. Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".

19. Compte tenu notamment des circonstances mentionnées au point 13 ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de son pouvoir de régularisation. De plus, les circonstances dont se prévaut M. A..., à savoir le soutien de son ancien employeur et de ses perspectives d'insertion par le travail, ne constituent pas des motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doivent être écartés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

20. En premier lieu, M. A... reprenant en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré du fait que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait estimé en situation de compétence liée en méconnaissance de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de la directive du 16 décembre 2008, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Nancy dans son jugement du 14 avril 2022.

21. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Jeannot.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : C. MosserLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 23NC00633


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00633
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Cyrielle MOSSER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;23nc00633 ?
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