Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 22 avril 2022 par lesquels le préfet de la Moselle, d'une part, l'a obligée à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée, d'autre part, l'a assignée à résidence.
Par un jugement n° 2202709 et n° 2202710 du 3 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Dollé, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2202709 du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mai 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 avril 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour comportant autorisation de travail, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai déterminé au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dollé, avocat de Mme A..., de la somme de 1 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit dans la mesure où elle est fondée à exciper de l'illégalité de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et l'intérêt supérieur de ses enfants ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation à titre exceptionnel ;
- dans la mesure où elle pourrait être régularisée, la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle risque d'être soumise à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
27 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,
- et les observations de Me Dollé, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 9 avril 1983, est entrée en France en octobre 2016 selon ses déclarations, en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile, les 30 décembre 2016 et 2 août 2017. Dans le dernier état de la procédure, par deux arrêtés du 22 avril 2022, le préfet de la Moselle, d'une part, a obligé l'intéressée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée, d'autre part, a assigné l'intéressée à résidence. Par un jugement n° 2202709 et n° 2202710, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Mme A... relève uniquement appel du jugement n° 2202729 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 avril 2022 prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Dans la mesure où un refus de titre de séjour n'est pas le fondement d'une obligation de quitter le territoire français, l'éventuelle annulation du refus de titre de séjour ne conduit pas, par elle-même, à l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français, qui aurait pu être légalement prise en l'absence du refus de titre de séjour et n'est pas intervenue en raison de ce refus. Il en va ainsi, en principe, pour les obligations de quitter le territoire français prises sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Lors de son entrée en France, Mme A... a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié et sa demande a été rejetée par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides, le 30 décembre 2016, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 2 août 2017. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de la Moselle a pris une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de Mme A... sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, même si, par un jugement du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a, pour absence de communication des motifs, annulé la décision implicite née du silence gardé par le préfet de la Moselle sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme A... présentée le 19 avril 2021, le préfet de la Moselle pouvait légalement se fonder sur le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prendre, à l'encontre de l'intéressée, une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision implicite rejetant la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par Mme A... doit être écarté comme inopérant.
4. En deuxième lieu, Mme A... reprend, en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges. Il y a en conséquence lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg.
5. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait commis erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la scolarisation des enfants de l'intéressée, sa situation personnelle ou familiale.
Sur la décision fixant le pays de destination :
6. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination vise les articles L. 721-3 à
L. 721-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état de l'absence de risques de traitements inhumains ou dégradants auxquels serait exposé Mme A... en cas de retour dans son pays d'origine. La décision fixant le pays de destination, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est donc suffisamment motivée, contrairement à ce qu'allègue Mme A....
7. En second lieu, si Mme A... soutient qu'elle encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants, elle n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Dollé et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 23NC00032