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30/11/2023 | FRANCE | N°23MA01604

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 novembre 2023, 23MA01604


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 mars 2023 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2302327 du 12 avril 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une re

quête enregistrée le 26 juin 2023, M. B..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :



1°) d'annuler ce jugement de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 mars 2023 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2302327 du 12 avril 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, M. B..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 12 avril 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 4 mars 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont entachées d'une erreur de fait quant à sa nationalité ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La procédure a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 26 mai 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal d'instance de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... relève appel du jugement du 12 avril 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mars 2023 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, M. B... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de ce que l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille au point 4 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen.

3. En deuxième lieu, M. B... qui avait été enregistré par les autorités préfectorales comme étant de nationalité albanaise lorsqu'il a présenté une demande d'asile et s'était prévalu de ses craintes à l'égard de l'Albanie, qui a fait l'objet de deux mesures d'éloignement le 18 décembre 2018 et le 12 janvier 2021 qui l'identifient également comme un ressortissant albanais et qui n'a pas contesté les mentions du procès-verbal d'audition qu'il a signé le 3 mars 2023 selon lesquelles son pays d'origine était l'Albanie, fait désormais valoir qu'il est de nationalité macédonienne. A supposer même qu'il ne possède pas la nationalité albanaise, cette erreur est néanmoins sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, laquelle est fondée sur les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont l'application ne dépend pas de la nationalité de l'intéressé. Par ailleurs, le préfet a fixé le pays de renvoi comme étant celui dont l'intéressé " a la nationalité ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible ".

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui. ".

5. M. B..., né le 24 juillet 1980, est entré en France le 28 avril 2017 pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'OFPRA le 31 octobre 2017, confirmée par la CNDA le 24 octobre 2018. Sa demande de réexamen a été rejetée comme irrecevable le 11 juillet 2019. Comme il a été mentionné au point 3, il a fait l'objet de deux arrêtés l'obligeant à quitter le territoire français, le 18 décembre 2018 et le 12 janvier 2021, auxquels il s'est soustrait. Il s'est ainsi maintenu en France avec son épouse née le 27 septembre 1985 et leurs deux filles nées respectivement le 14 mars 2006, en Albanie, et le 2 décembre 2009, en Belgique. A supposer même, ainsi qu'il a été dit au point 3, qu'il ne partage pas la nationalité albanaise de son épouse, il n'établit pas ni même n'allègue que sa vie familiale ne pourrait se poursuivre soit en Macédoine, soit en Albanie, pays dans lequel il a vécu, ainsi qu'en témoigne son permis de conduire, où les époux se sont mariés et ont donné naissance à leur premier enfant. Il fait valoir sans plus de précisions qu'il exerce une activité non déclarée de maçon, son épouse, atteinte de rétinite pigmentaire, ne travaillant pas. Il justifie que leurs filles sont scolarisées au moins jusqu'au dernier trimestre de l'année 2022. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, et en dépit d'une demande de titre de séjour déposée par son épouse uniquement très peu de temps avant l'édiction de l'arrêté attaqué, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Var aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. Comme il a été dit au point 5, M. B... n'établit pas qu'il ne serait pas admissible en Albanie ou que son épouse ne le serait pas en Macédoine. La circonstance qu'il se borne à faire valoir que celle-ci est autorisée à séjourner en France durant la période de validité du récépissé de sa demande de titre de séjour qui lui a été remis, ne s'oppose pas à ce que leurs deux enfants suivent leurs parents en Macédoine ou en Albanie où ils pourront y poursuivre leur scolarité. Par suite, en dépit des bons résultats scolaires obtenus par les enfants du requérant, le moyen tiré des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;/ (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

9. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a refusé d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire aux motifs notamment qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et qu'il s'est déjà soustrait à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement. Pour contester le bien-fondé de ces motifs, le requérant ne peut utilement se prévaloir ni de la détention d'un passeport ni de la justification d'une adresse stable ni, enfin, de son intention de déposer une demande de titre de séjour. Dès lors, la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire n'est entachée ni d'une erreur de droit ni d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En sixième lieu, M. B... soutient que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Ce moyen doit être écarté pour les motifs énoncés aux points 7 et 9 ci-dessus.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Carmier.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.

N° 23MA01604 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01604
Date de la décision : 30/11/2023

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;23ma01604 ?
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