Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Par un jugement n° 2300587 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Ka, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de droit en lui opposant la condition de disposer d'un visa long séjour à son entrée sur le territoire, en application de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que cette condition est expressément exclue par les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code ;
- il justifie résider en France depuis plus de 10 ans et le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'est pas retourné au Sénégal depuis 30 ans, a perdu tout lien avec sa famille et son pays d'origine et a établi en France le centre de ses intérêts privés et familiaux ; l'arrêté attaqué méconnaît dès lors les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité sénégalaise, demande l'annulation du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 8 décembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. "
3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort nullement des termes de l'arrêté litigieux que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait opposé à la demande de titre de séjour de M. A... la circonstance qu'il ne satisfaisait pas à la condition de disposer d'un visa long séjour à son entrée sur le territoire, fixée par les dispositions de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais seulement que les conditions et la date de son entrée sur le territoire étaient indéterminées. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit doit donc être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, pour justifier d'une présence habituelle sur le territoire depuis plus de dix ans, M. A... produit, outre des attestations insuffisamment circonstanciées, pour l'essentiel des bulletins de salaires et des certificats de travail en qualité d'intérimaire qui ne pourraient accréditer, comme le relève l'arrêté attaqué, qu'une présence ponctuelle sur le territoire. En particulier, aucun document n'est produit propre à accréditer sa présence au cours des années 1993, 2002, 2003, 2007 et 2017 à 2022, hormis deux ordres de transfert bancaire datés de juillet et d'août 2021 et deux autres datés de janvier et juillet 2022. Alors que M. A... produit, au surplus, un récépissé en date du 25 janvier 2021 apparemment établi au Sénégal pour le retrait d'un passeport, ces bulletins de salaires, qui mentionnent une domiciliation systématiquement différente, avec parfois un hébergement par un tiers, n'établissent donc pas que M. A... résidait habituellement sur le territoire depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Ce dernier n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait prendre l'arrêté litigieux sans saisir préalablement la commission du titre de séjour.
5. En troisième lieu, au regard de ces seuls éléments, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. "
7. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A... n'établit pas sa résidence habituelle sur le territoire depuis plus de trente ans, ainsi qu'il l'allègue, ni la réalité, l'intensité, l'ancienneté et la stabilité des liens personnels et familiaux qu'il aurait en France. Il n'établit pas, en outre, être dépourvu d'attaches privées et familiales au Sénégal alors que l'attestation mentionnée au point 4, si elle indique une adresse à Marseille, mentionne qu'il est marié et sa qualité de commerçant, ainsi que le nom de ses parents qui ont bénéficié, comme d'autres membres de sa famille, des ordres de transfert bancaire mentionnés au même point. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels l'arrêté a été pris et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente,
- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2023.
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N°23MA01161