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30/11/2023 | FRANCE | N°22DA01907

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 30 novembre 2023, 22DA01907


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer l'annulation des arrêtés de débets émis à son encontre les 21 et 24 octobre 2019 par la direction des finances publiques de l'Oise et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées par ces deux arrêtés.



Par un jugement no 1904164 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :r>


Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Cochereau, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer l'annulation des arrêtés de débets émis à son encontre les 21 et 24 octobre 2019 par la direction des finances publiques de l'Oise et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées par ces deux arrêtés.

Par un jugement no 1904164 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2022, Mme C..., représentée par Me Cochereau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés de débets émis les 21 et 24 octobre 2019 ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer les sommes de 1 200 euros et 1 579 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont mépris sur leur office en analysant la requête de première instance comme un recours en excès de pouvoir ;

- le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré de l'absence de caractère certain et liquide de la créance ;

- le tribunal a commis une erreur de fait en estimant que le trésorier de Noyon avait valablement pu donner un avis conforme à sa nomination ;

- les procès-verbaux de vérification sont dépourvus de valeur probante ;

- les formalités d'installation, de remise de service et de clôture de la régie constituent des formalités substantielles qui n'ont pas été respectées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2022, la commune de Caisnes, représentée par Me Porcher, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme C....

Il soutient que les moyens invoqués sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu de substituer l'application du décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 à celle du décret n° 2008-227 du même jour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

- l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 ;

- le décret n° 2008-227 du 5 mars 2008 ;

- le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 ;

- le décret n° 2022-1605 du 22 décembre 2022 ;

- l'arrêté du 28 mai 1993 modifié relatif aux taux de l'indemnité de responsabilité susceptible d'être allouée aux régisseurs d'avances et aux régisseurs de recettes relevant des organismes publics et montant du cautionnement imposé à ces agents ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Porcher, représentant la commune de Caisnes.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Mme C... a été recrutée en 2015 par la commune de Caisnes en tant qu'agent contractuel puis a été nommée au grade d'adjoint administratif stagiaire à compter du 1er octobre 2017. Par ailleurs, par deux arrêtés du 30 octobre 2015, le maire de la commune l'a nommée régisseur des recettes communales résultant, d'une part, de la location de la salle des fêtes municipales, et, d'autre part, des " évènements festifs " organisés par la commune. A l'occasion d'une opération de contrôle de ces deux régies, réalisée par le comptable de Noyon le 5 juin 2019, des déficits résultant de recettes non encaissées au cours des années 2017 et 2018 ont été constatés pour des montants de 1 200 euros s'agissant de la régie de recettes liée aux " évènements festifs " et de 1 578,70 euros s'agissant de la régie de recettes liée à la location de la salle des fêtes.

2. Par deux ordres de reversement du 13 septembre 2019, le maire de Caisnes a demandé à Mme C... de couvrir ces déficits. Cette dernière n'ayant pas donné suite à cette demande, le directeur départemental des finances publiques de l'Oise, par deux arrêtés des 21 et 24 octobre 2019, a constitué Mme C... débitrice de ces sommes. Cette dernière a alors saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une requête tendant à l'annulation de ces deux arrêtés et à la décharge de l'obligation de payer les sommes en cause. Toutefois, par un jugement du 7 juillet 2022 dont Mme C... relève appel, le tribunal a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, il ne résulte pas du jugement attaqué que, ainsi que le soutient Mme C..., le tribunal ait statué comme juge de l'excès de pouvoir. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu leur office et que le jugement en litige serait, de ce fait, entaché d'irrégularité doit être écarté.

4. En second lieu, si Mme C... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré de l'absence d'opposabilité de la créance, il résulte du jugement que le tribunal s'est prononcé sur les conditions d'engagement de la responsabilité de l'intéressée ainsi que sur l'existence d'un déficit. Par suite le jugement n'est pas irrégulier sur ce point.

Sur la responsabilité de Mme C... :

5. Aux termes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 demeurant applicable au litige : " I - Outre la responsabilité attachée à leur qualité d'agent public, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public (...) / X - Les régisseurs, chargés pour le compte des comptables publics d'opérations d'encaissement et de paiement, sont soumis aux règles, obligations et responsabilité des comptables publics dans les conditions et limites fixées par l'un des décrets prévus au paragraphe XII ci-après. / (...) / XII - Les modalités d'application du présent article sont fixées soit par le décret portant règlement général sur la comptabilité publique, soit par décrets contresignés par le ministre des finances. / (...) ".

6. Aux termes de l'article 1er du décret du 5 mars 2008 demeurant également applicable au litige : " Les régisseurs chargés pour le compte des comptables publics d'opérations d'encaissement (régisseurs de recettes) ou de paiement (régisseurs d'avances) sont personnellement et pécuniairement responsables de la garde et de la conservation des fonds et valeurs qu'ils recueillent ou qui leur sont avancés par les comptables publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives ainsi que de la tenue de la comptabilité des opérations. / La responsabilité pécuniaire des régisseurs s'étend à toutes les opérations de la régie depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les régisseurs de recettes sont personnellement et pécuniairement responsables de l'encaissement des recettes dont ils ont la charge. (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " La responsabilité d'un régisseur se trouve engagée dès lors qu'un déficit en monnaie ou en valeurs a été constaté, (...) ou que, par le fait du régisseur, une recette n'a pas été encaissée (...) ".

7. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une opération de vérification réalisée le 5 juin 2019 par le trésorier de Noyon des deux régies de recettes dont avait la charge Mme C... au sein de la commune de Caisnes, il a été constaté que différentes recettes perçues par cette dernière en 2017 et 2018 en sa qualité de régisseuse n'avaient pas été reversées au comptable public. En effet, sur ces recettes non reversées, certaines en espèces n'ont pas été retrouvées et d'autres recouvrées par chèques n'ont pas pu être endossées en raison de leur prescription.

8. D'une part, si Mme C... invoque l'irrégularité de sa nomination comme régisseuse de recettes et de la procédure de son installation, cette circonstance n'est en tout état de cause pas de nature, alors qu'un fonctionnaire irrégulièrement nommé aux fonctions qu'il occupe doit être regardé comme légalement investi de ces fonctions tant que sa nomination n'a pas été annulée et alors que peut être déclarée comptable de fait toute personne ayant participé, fût-ce indirectement, à des irrégularités financières ou les ayant facilitées par son inaction ou les ayant tolérées, à exonérer l'intéressée de la responsabilité qui résulte de l'exercice effectif des fonctions auxquelles elle a été nommée par deux arrêtés du maire de Caisnes du 30 octobre 2015 et du simple constat d'un déficit ou de l'absence d'encaissement d'une recette.

9. D'autre part, si Mme C... soutient que, eu égard à la date de réalisation de cette opération de vérification et à l'imprécision des procès-verbaux de vérification, le déficit ne peut être regardé ni comme certain ni comme lui étant imputable, les procès-verbaux et les pièces qui leur sont jointes permettent d'identifier la nature et le montant des recettes non encaissées, lesquelles ont été versées aux régies municipales alors que Mme C... en était encore titulaire. Dès lors, le montant du déficit constaté pour chacune des régies ainsi que son imputabilité à la gestion de Mme C... doivent être regardés comme établis.

10. Enfin, la requérante ne se prévaut d'aucune circonstance constitutive d'un cas de force majeure seul de nature à l'exonérer de la responsabilité de plein droit qui pèse sur elle en application des dispositions précitées de la loi du 23 février 1963 et du décret du 5 mars 2008.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés des 21 et 24 octobre 2019 et à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 1 200 euros et de 1 578,70 euros dont elle a été reconnue débitrice.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme C..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par la commune de Caisnes au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et les conclusions de la commune de Caisnes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la commune de Caisnes.

Copie en sera transmise au directeur départemental des finances publiques de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 16 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°22DA01907

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01907
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : OFFICIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;22da01907 ?
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