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30/11/2023 | FRANCE | N°21NC02000

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 30 novembre 2023, 21NC02000


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Mobiwoom a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2013, 2014 et 2015, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ainsi que de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts.

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Par un jugement n° 2001640 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Mobiwoom a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignés au titre des années 2013, 2014 et 2015, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 ainsi que de l'amende de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2001640 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021 la SAS Mobiwoom, représentée par Me Irigoyen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de la décharger, en droits et pénalités, des impositions et amendes contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle réalise exclusivement des prestations d'entremise entre les utilisateurs de la carte " Bonjour Metz " et les partenaires de cette carte, ce qui implique que soient enregistrées dans des comptes de tiers les cagnottes constituées par les commerçants partenaires, les ristournes obtenues par les titulaires des cartes et les ristournes utilisées par eux à l'occasion d'achats auprès des commerçants partenaires ; selon la position nette (ristournes versées, ristournes utilisées), elle verse le solde au commerçant concerné ; dans ces conditions, ces sommes ne sont pas des recettes imposables à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés au sens des articles 38, 266 et 267 du code général des impôts ; seule la commission facturée distinctement qui rémunère ses services est à soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Mobiwoom, ayant pour activité la réalisation de prestations informatiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant concerné la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2015. Par lettre du 19 décembre 2016, notifiée dans le cadre de la procédure de taxation d'office prévue par les articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales, le service vérificateur a informé la société de diverses rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés. La société n'a pas présenté d'observations à la suite de cette notification des bases d'imposition et les impositions supplémentaires assorties de pénalités pour retard de dépôt de déclarations et de l'amende en cas d'absence de désignation des bénéficiaires des revenus distribués ont été mises en recouvrement au cours de l'année 2017. Sa réclamation préalable a fait l'objet d'une décision d'admission partielle du 29 janvier 2020. La SAS Mobiwoom relève appel du jugement du 20 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires découlant du rehaussement de son chiffre d'affaires dans la mesure des encaissements qu'elle n'avait pas regardés comme des recettes.

Sur la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

3. Il résulte de l'instruction que les bases d'imposition de la SAS Mobiwoom ont été taxées d'office, en application des dispositions du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, la société n'ayant pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire, et des dispositions combinées du 2° de l'article L. 66 et de l'article L. 68 du même livre, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, faute de dépôt des déclarations de résultats auxquelles la société était tenue dans le délai de trente jours suivant la notification d'une mise en demeure. Dès lors, la société requérante supporte, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du mal-fondé des impositions auxquelles elle a été assujettie.

Sur la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires :

4. Il ressort de la notification des bases d'imposition du 19 décembre 2016 que la comptabilité présentée par la société requérante au titre de la période vérifiée était affectée de nombreuses et graves anomalies et irrégularités tandis que les pièces justificatives de charges et de produits, présentées après la première intervention du vérificateur, étaient lacunaires ou affectées d'anomalies, certaines n'étant pas comptabilisées. En l'absence d'une comptabilité régulière et probante, afin de reconstituer les chiffres d'affaires et bénéfices imposables de la société Mobiwoom, le service a déterminé le montant des recettes imposables à partir des comptes bancaires et, le cas échéant, des déclarations déposées tardivement, des indications de la comptabilité, des résultats de l'exercice du droit de communication exercé auprès de la Fédération des commerçants de Metz et des pièces justificatives disponibles. Une telle méthode ne saurait être regardée comme viciée dans son principe ou sommaire.

Sur la qualité d'intermédiaire transparent revendiquée par la société Mobiwoom :

5. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ... V. L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée :/a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ;/ (...) b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction :/Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 ". Aux termes de l'article 267 du même code : " II. - Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition :/1° Les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients ;/2° Les sommes remboursées aux intermédiaires qui effectuent des dépenses au nom et pour le compte de leurs commettants dans la mesure où ces intermédiaires rendent compte à leurs commettants, portent ces dépenses dans leur comptabilité dans des comptes de passage, et justifient auprès de l'administration des impôts de la nature ou du montant exact de ces débours ". Aux termes de l'article 269 du même code : "1 Le fait générateur de la taxe se produit :/ (...) a ter) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires réputées effectuées en application des dispositions du V de l'article 256 (...), au moment où l'opération dans laquelle l'assujetti s'entremet est effectuée ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 38 du même code applicable à la détermination du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1 (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés ". Et aux termes de l'article 39 du même code, " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ". Pour la détermination de leur bénéfice imposable, les intermédiaires opaques doivent par conséquent inclure dans leurs produits l'intégralité des sommes dues par les clients et non leur seule rémunération d'intermédiaire. Corrélativement, ils doivent inclure dans leurs charges déductibles les sommes dues aux fournisseurs à condition d'en justifier.

7. Il résulte de l'instruction que la SAS Mobiwoom exploite un système de paiement du stationnement payant sur la voie publique ou dans des parkings publics ou privés situés à Metz, par le moyen d'une carte de paiement, émise sous la marque " Bonjour Metz ", ou d'une application ayant le même nom, téléchargée sur un téléphone portable. Le compte de l'utilisateur de ce système de paiement peut être abondé à l'occasion d'un achat auprès d'un commerçant adhérent. Le vérificateur a constaté que la SAS Mobiwoom avait encaissé au titre de l'année 2015 une somme de 8 215,24 euros enregistrée au crédit du compte 467100 " débiteurs, créditeurs divers " par le débit du compte banque ainsi qu'au titre des années 2013 et 2015 des sommes respectives de 1 083,56 euros et de 318,90 euros inscrites dans un compte d'attente 471000 par le débit du compte banque. Il a aussi relevé que la société avait inscrit au même compte d'attente deux acomptes versés en 2015 par la fédération des commerçants de Metz de 1 200 euros et 2 016 euros. Il a, enfin, observé que le solde des opérations enregistrées en 2014 pour la somme de 32 076,19 euros figurait sous le libellé " ristournes " au compte 512100 " comptes en monnaie nationale ". Ainsi, alors que la société requérante a entendu limiter ses recettes imposables aux seules commissions de 2% facturées à ses clients à raison de ces prestations informatiques, le vérificateur a regardé l'ensemble de ces encaissements comme des recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal de 19,6 % en 2013 et de 20 % en 2014 et 2015 ainsi que comme des produits à comprendre dans les bénéfices imposables.

8. La SAS Mobiwoom soutient que ces sommes, pour l'essentiel, n'ont été encaissées par elle qu'en qualité de " dépositaire " dès lors qu'elles n'ont été collectées auprès des utilisateurs de l'application Mobiwoom ou des commerçants adhérents que pour être intégralement reversées, sans marge, aux gestionnaires des stationnements payants en paiement du stationnement des utilisateurs, la société requérante ne retenant que sa commission facturée séparément. Elle fait valoir symétriquement que les remboursements qui lui ont été accordés sont des débours au sens de l'article 267 précité. Toutefois, en l'absence de comptabilité régulière et probante, la réalité de cette allégation n'est pas établie par la production devant cette cour de la convention conclue avec la commune de Metz et d'un tableau difficilement lisible présenté comme retraçant les ristournes acquises par les divers utilisateurs auprès d'un des commerçants concernés, dès lors qu'il ne ressort pas de ces documents que la société requérante n'aurait pas agi en son nom propre auprès des utilisateurs ou des commerçants adhérents. Il résulte au contraire de ce qui précède que la société requérante ne justifie d'aucun contrat de mandat conclu avec les partenaires pour lesquelles elle entend jouer un rôle d'intermédiaire transparent. En outre, la société ne justifie d'aucun autre élément permettant de qualifier son activité d'intermédiaire transparent. Il s'ensuit que c'est à bon droit que l'administration a regardé les encaissements litigieux comme des recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions ci-dessus reproduites.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité d'une partie des conclusions à fin de décharge, que la SAS Mobiwoom n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Mobiwoom est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Mobiwoom et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 21NC02000

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02000
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GOUPILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;21nc02000 ?
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