Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.
Par un jugement n° 2002107 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2021, M. C... et Mme B..., représentés par Me Jehl, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis ;
2°) de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière en ce qu'ils n'ont pas réceptionné la proposition de rectification qui leur a été adressée le 28 septembre 2016 ;
- la mention des destinataires de cette proposition est erronée puisqu'elle n'est pas adressée à leurs deux noms ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce que l'administration se fonde sur des constats opérés par l'Urssaf sans en tirer les conséquences fiscales et fait référence à des extraits de la proposition de rectification adressée à la société KB Services Propreté ;
- le nombre de feuillets indiqué sur le courrier de transmission accompagnant la copie de la proposition de rectification adressée le 24 octobre 2016 ne concorde pas avec le document produit à l'instance ;
- les impositions supplémentaires ne sont pas justifiées dans la mesure où ils ont été empêchés de rapporter la preuve de l'absence d'appréhension des sommes réputées distribués.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 décembre 2021 et 2 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... et Mme B... sont associés et salariés de la société M2B qui détenait 100 % du capital de la société KB Services Propreté exerçant une activité de nettoyage de locaux et d'entretien d'espaces verts. A la suite de la vérification de la comptabilité de la société KB Services Propreté, cette société a désigné les contribuables bénéficiaires d'une partie des avantages occultes constatés par l'administration et de sommes correspondant aux soldes débiteurs des comptes fournisseurs 401 enregistrés aux noms des deux requérants. Ces sommes ont été regardées comme des revenus distribués, imposables dans les mains des bénéficiaires dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par une proposition de rectification du 28 septembre 2016, M. C... et Mme B... ont été informés de ces impositions supplémentaires mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014. Contestées par courrier du 15 décembre 2016, les rectifications ont été partiellement maintenues. Les cotisations supplémentaires ont été mises en recouvrement par un avis du 30 novembre 2017 pour un montant, en droits et pénalités, de 11 544 euros. La réclamation préalable présentée par M. C... et Mme B... a fait l'objet d'une décision de rejet le 3 août 2018 tandis que leur seconde réclamation est demeurée sans réponse. M. C... et Mme B... relèvent appel du jugement du 2 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux : " En cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, le prestataire informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré. / Au moment du retrait par le destinataire de l'envoi mis en instance, l'employé consigne sur la preuve de distribution les informations suivantes : (...) - la date de distribution. / La preuve de distribution comporte également la date de présentation de l'envoi. ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " A la demande de l'expéditeur, et moyennant rémunération de ce service additionnel fixée dans les conditions générales de vente, le prestataire peut établir un avis de réception attestant de la distribution de l'envoi. Cet avis est retourné à l'expéditeur et comporte les informations suivantes : (...) - la date de présentation si l'envoi a fait l'objet d'une mise en instance ;/ - la date de distribution ; (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Les rectifications doivent être notifiées au contribuable. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
4. Il résulte de l'instruction et notamment des mentions de l'avis de réception sur le pli recommandé contenant la proposition de rectification du 28 septembre 2016, retourné à l'administration, que le préposé du service postal s'est présenté le 1er octobre 2016 à leur domicile mais qu'en leur absence, un avis de passage leur a été délivré comme l'indique la mention " pli avisé et non réclamé ". Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, la mention " Avisé à : STRG Meinau " apposée au moyen d'une étiquette adhésive sur l'avis de réception est suffisante, sans que la production d'une attestation de l'administration postale soit nécessaire, pour estimer que les contribuables ont été avisés du lieu où ils pouvaient retirer ce pli. La circonstance, à la supposée établie, que les requérants vivent dans un immeuble comprenant près de soixante logements et que l'un de leurs voisins se nommerait également B... et un autre C..., n'est pas de nature à démontrer que la proposition de rectification qui comporte distinctement les noms et prénoms des contribuables n'a pas été correctement adressée. Eu égard aux mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents postaux et la proposition de rectification, celle-ci doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée aux requérants.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. (...) / Sauf application des dispositions du 4 et du second alinéa du 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie aux noms des époux. / Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil font l'objet, pour les revenus visés au premier alinéa, d'une imposition commune. L'imposition est établie à leurs deux noms. ". L'article L. 54 A du livre des procédures fiscales énonce : " (...) chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre. ". L'article L. 286 A du même livre dispose : " Les règles de contrôle de l'impôt sur le revenu (...) prévues par le présent livre pour les contribuables mentionnées au deuxième alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts s'appliquent aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité qui font l'objet d'une imposition commune ".
6. L'article L. 54 A du livre des procédures fiscales précité institue une présomption irréfragable de représentation mutuelle entre les personnes soumises à imposition commune pour la procédure de contrôle de l'impôt dû au titre des revenus perçus au cours de la période d'imposition commune. En l'espèce, les contribuables ayant conclu un pacte civil de solidarité le 18 décembre 2013, enregistré le 23 décembre suivant, ils étaient, pour les années en litige, soumis à une imposition commune des revenus perçus par chacun d'eux. Ainsi l'administration fiscale a pu régulièrement envoyer la proposition de rectification relative aux impositions supplémentaires pour les années 2013 et 2014 à " M. C... A... Mme B... " et non à chacun d'eux pour imposer les revenus distribués en leur main dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions de l'article 111c du code général des impôts.
7. Si M. C... et Mme B... se prévalent de la doctrine et en particulier le paragraphe 450 de l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée BOI-CF-IOR-10-30, publiée au bulletin officiel des impôts du 27 avril 2014, celle-ci, qui est relative à la procédure d'imposition, ne saurait être utilement invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. ".
9. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. S'agissant de revenus distribués, cette motivation peut résulter, soit de la reproduction de la teneur de la proposition de rectification adressée à la société distributrice, soit de la jonction de cette proposition de rectification en annexe du document adressé au bénéficiaire des distributions, dès lors du moins que le document concernant la société est lui-même suffisamment motivé.
10. Il ressort de l'examen de la proposition de rectification du 28 septembre 2016 que celle-ci indique les motifs et le montant des rectifications envisagées, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils étaient opérés, et les années d'imposition concernées. En particulier, si l'administration fiscale fait référence à un contrôle mené par l'Urssaf portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, elle cite un extrait de la proposition de rectification adressée à la société KB Services Propreté qui liste les sommes payées ou remboursées indûment aux salariés et qualifiées d'avantages en nature à la suite de ce contrôle. La proposition précise en outre que les contribuables ont été désignés par la société comme étant les bénéficiaires de ces sommes ainsi que d'une partie des paiements ou remboursements effectués sans pièces justificatives et des soldes débiteurs de leurs comptes associés respectifs, dont le détail est également précisé. Elle tire ensuite les conséquences fiscales de ces constats en application du c l'article 111 du code général des impôts en vertu duquel les rémunérations ou avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués, indépendamment de leur réintégration au sein des résultats de la société. Dans ces conditions, M. C... et Mme B..., ayant été mis en mesure de discuter utilement le bien-fondé des rectifications, ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification qui leur a été notifiée était insuffisamment motivée.
11. En quatrième et dernier lieu, les contribuables soutiennent que le nombre de feuillets indiqué sur le courrier de transmission accompagnant la copie de la proposition de rectification, adressée le 24 octobre 2016 et réceptionné le 4 novembre suivant, soit après l'envoi de la proposition de rectification du 28 septembre 2016 ne concorde pas avec le document complet produit à l'instance. Toutefois, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, le nombre de feuillets indiqué sur l'avis de réception du 24 octobre 2016, soit sept feuilles, correspond exactement à celui qui est mentionné sur la page de garde de la proposition de rectification produite. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de procédure commise à cet égard doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
12. Aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ".
13. Ainsi qu'il a été dit au point 4, la proposition de rectification du 28 septembre 2016 leur a été régulièrement notifiée le 1er octobre 2016. M. C... et Mme B..., ayant présenté leurs observations le 15 décembre 2016 seulement, ont dépassé le délai maximal de trente jours prévu à l'article R. 47-1 du livre des procédures fiscales. En application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, ils supportent, dès lors, la charge de la preuve de l'exagération des impositions litigieuses.
14. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes... ".
15. Il résulte de l'instruction que, dans un premier temps, l'administration a réintégré dans les comptes de la société KB Services Propreté les sommes déclarées comme étant des avantages en nature, déterminé à la suite d'un contrôle diligenté par l'Urssaf Alsace. Dans un second temps, l'administration a pris en compte les soldes débiteurs des comptes fournisseurs de M. C... et Mme B....
16. A la suite du contrôle de l'Urssaf, la société KB Services Propreté a expressément accepté, par courrier du 23 novembre 2015, la qualification d'avantages en nature non déclarés pour les sommes indûment payées ou remboursées à certains salariés. Par courrier du 19 septembre 2016, la société a ainsi désigné M. C... et Mme B... comme étant les bénéficiaires d'une partie des paiements dépourvus de pièces justificatives constatée par le service à la suite des éléments recueillis par l'Urssaf et des soldes débiteurs de leurs comptes fournisseurs 401 enregistrés respectivement à leur nom. Si les contribuables se prévalent de leurs mauvaises relations avec le gérant de la société KB Services Propreté et de la liquidation judiciaire de cette société ainsi que de la société M2B dont ils étaient associés pour justifier de leur désignation par la société et de la difficulté de produire les justificatifs de ces dépenses, ces circonstances, à les supposer établies, ne sont pas de nature à remettre en cause les constats opérés par l'Urssaf et le service et la qualification de ces sommes comme avantages en nature. Les attestations des anciens salariés produites par les requérants, relatives notamment à la fourniture de vêtements de travail, sont imprécises et ne permettent pas de faire le lien avec des dépenses particulières tandis que celles relatives à l'organisation d'une fête du personnel sont sans objet puisqu'il ressort de la réponse aux observations des contribuables du 25 avril 2017 que ce rehaussement a été abandonné. Enfin, les notes de frais produites ne comprennent ni le nom du client, ni le motif du rendez-vous et ne sont assorties d'aucun justificatif établissant le caractère professionnel des dépenses en cause. Elles ne sont donc pas de nature à établir le caractère professionnel des dépenses regardées comme des avantages indus. Dans ces conditions, M. C... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a regardé les sommes en litige comme étant des rémunérations ou avantages occultes et les a considérées comme des revenus distribués au sens des dispositions précitées.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins de décharge et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et Mme E... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : C. MosserLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC01430