Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti, en droits et pénalités, au titre de l'année 2011.
Par un jugement no 1804990 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a réduit la base de l'impôt sur le revenu de 9 058,38 euros, a déchargé M. A... de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu correspondant à cette réduction en base et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 22 janvier 2021 et 24 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Heckel, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge totale des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les sommes en litige ne peuvent être regardées comme étant à sa disposition pour son usage personnel et ne sont pas imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sur le fondement de l'article 92-1 du code général des impôts, puisqu'elles ont servi à alimenter la trésorerie de son cabinet d'assurances en vue du règlement des primes, sinistres et frais généraux ;
- l'administration, qui n'a pas procédé à un examen de situation fiscale personnelle, n'apporte pas la preuve qu'il a appréhendé les sommes en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Agent général d'assurances, M. A... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité d'agent d'assurances pour les années 2011 et 2012. Ayant exercé son droit de communication auprès de la société Allianz et de l'autorité judiciaire, l'administration fiscale a pris connaissance de la plainte déposée contre lui par la société qui lui reprochait de ne pas lui avoir reversé certaines sommes ainsi que des éléments de son audition, dans laquelle il reconnaissait ne pas avoir transféré ces fonds à la société. Par une proposition de rectification modèle 3924 du 16 décembre 2014, le service a procédé au rehaussement, sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts, du bénéfice non commercial de M. A... en y intégrant notamment le montant des sommes détournées à hauteur de 360 000 euros en 2011 et de 27 875 euros en 2012. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mises en recouvrement, en droits et majorations, pour un montant total de 197 602 euros au titre de l'année 2011. La réclamation préalable formée par M. A... le 22 décembre 2017, limitée aux conséquences financières du contrôle opéré sur les revenus de l'année 2011, a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. M. A... doit être regardé comme relevant appel du jugement du 1er décembre 2020 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg n'a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qu'à hauteur de la réduction en base de 9 058,38 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la charge de la preuve :
2. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) ; 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...). / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". Aux termes de l'article 97 du code général des impôts : " Les contribuables soumis obligatoirement ou sur option au régime de la déclaration contrôlée sont tenus de souscrire chaque année, dans des conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration dont le contenu est fixé par décret ". Aux termes de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / (...) ". Par ailleurs aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
3. Il résulte de la proposition de rectification modèle 3924 du 16 décembre 2014 que l'administration fiscale a, après avoir établi que M. A... relevait du régime de droit commun de la déclaration contrôlée pour l'imposition de son activité d'agent d'assurances, adressé à l'intéressé, par un courrier du 22 mai 2014, dont il a accusé réception, une mise en demeure de produire la déclaration de ses bénéfices non commerciaux et leurs annexes au titre de l'année 2011. En l'absence de régularisation de sa situation dans le délai imparti, l'administration fiscale a régulièrement procédé à l'évaluation d'office de ses bénéfices imposables en application du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Par suite, en application des dispositions précitées des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. A... de démontrer le caractère exagéré de l'imposition en litige.
Sur l'imposition des sommes détournées :
4. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 92 du même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / (...) ". Aux termes de l'article 93 de ce code : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que des détournements de fonds, qui constituent pour leur auteur une source de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus sont, en application des dispositions susmentionnées, imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et, d'autre part, que, dans le cas d'occupations, d'exploitations lucratives ou de sources de profits ne constituant pas une activité professionnelle proprement dite, le bénéfice imposable est le profit brut retiré de l'opération, duquel sont retranchés, s'il y a lieu, les frais et charges de toute nature qu'a entraînés pour le contribuable la réalisation de cette opération.
6. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer le montant du bénéfice non commercial réalisé par M. A... au titre de l'année 2011, l'administration fiscale a ajouté au montant, non contesté, des commissions figurant dans la comptabilité informatisée présentée lors du contrôle, le montant des sommes que le requérant a encaissées sur son compte dit " de trésorerie ", utilisé pour son activité d'agent d'assurances, et dont il est établi, ainsi qu'il ressort du jugement correctionnel du 16 avril 2015 précité, qu'il ne les a pas reversées aux compagnies dont il était le mandataire, soit un montant de 360 000 euros en 2011. L'administration en a retranché le montant des charges, déterminées suivant la comptabilité présentée, sous déduction des intérêts d'emprunt non retenus. M. A... conteste uniquement le caractère imposable des sommes détournées.
7. D'une part, si M. A... soutient qu'à hauteur de 270 000 euros, les sommes appréhendées ont servi à régler des frais de fonctionnement de ses agences et alimenter des comptes de remboursement de prêts, il se borne à faire état de virements opérés depuis son compte dit " de trésorerie " vers les " comptes de gestion " qu'il avait ouverts pour chacune de ses trois agences. A supposer qu'une telle somme ait alimenté les comptes de ses agences en 2011, le requérant n'établit pas qu'elle aurait été affectée au règlement de frais de nature professionnelle, alors au demeurant que l'administration a déjà tenu compte, dans le cadre de l'évaluation d'office de son bénéfice non commercial, des indemnités versées aux clients, des primes versées aux compagnies d'assurances et des charges liées à son activité. La seule circonstance que les comptes de ses agences aient été débiteurs au 31 décembre 2011 n'est pas de nature à établir cette preuve, pas plus d'ailleurs que l'absence de tout virement vers son compte bancaire privé. D'autre part, si M. A... soutient qu'à hauteur de 90 000 euros, les sommes détournées auraient servi à régler des appels de fonds émis par la société Allianz, cette affirmation est contredite par la constatation matérielle des faits opérée dans le jugement du tribunal correctionnel à laquelle s'attache l'autorité absolue de chose jugée. Ainsi, le requérant, à qui incombe la charge de la preuve comme il a été dit plus haut et qui ne saurait utilement reprocher à l'administration fiscale de ne pas établir qu'il a disposé des sommes en litige à des fins personnelles, ne justifie pas que les sommes détournées en 2011 auraient été utilisées pour couvrir des frais liés à son activité d'agent d'assurances ou gérer des fonds pour le compte de ses mandants. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale, qui, contrairement à ce que soutient le requérant, n'était pas tenue pour ce faire de mettre en œuvre préalablement un examen de la situation fiscale personnelle du contribuable, a intégré la somme demeurant en litige dans les bénéfices non commerciaux réalisés par M. A... en 2011 et imposables sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus de sa demande en décharge. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 21NC00233