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30/11/2023 | FRANCE | N°21MA04987

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 novembre 2023, 21MA04987


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de déclarer nul et de nul effet l'arrêté du 12 octobre 2019 par lequel le maire de Plan-de-la-Tour a refusé de leur délivrer un permis de construire pour réaliser divers travaux sur une construction existante à usage d'habitation implantée sur une unité foncière située quartier Saint-Pierre, le Pré d'Icard, sur le territoire communal.



Par un jugement n° 1900228 du 12 octobre 2021, l

e tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.





Procédure devant la Cour :


...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de déclarer nul et de nul effet l'arrêté du 12 octobre 2019 par lequel le maire de Plan-de-la-Tour a refusé de leur délivrer un permis de construire pour réaliser divers travaux sur une construction existante à usage d'habitation implantée sur une unité foncière située quartier Saint-Pierre, le Pré d'Icard, sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1900228 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2021, et un mémoire, enregistré le 31 mars 2023, M. et Mme C... A..., représentés par Me Mendes Constante, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 octobre 2021 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté litigieux et, à titre subsidiaire, d'en prononcer l'abrogation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Plan-de-la-Tour la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la signature apposée sur l'avis du responsable du service instructeur de la direction départemental de l'équipement et de l'agriculture du Var a été imitée, ce qui démontre l'absence d'instruction du dossier, eu égard également au délai de seulement cinq jours ouvrés entre la date de dépôt du dossier de demande de permis et celle à laquelle l'arrêté litigieux a été adopté, ainsi que la circonstance que cet avis et " l'avis maire ", au demeurant signé par son adjoint sans qu'une délégation de signature lui ait été accordée, mentionnent un avis défavorable de l'architecte conseil de la commune, alors que cet avis était favorable ;

- les endroits différents où est apposée la signature du maire de la commune sur les originaux consultés en mairie démontrent que cet arrêté est un faux, de même que l'absence de transmission de cet arrêté au préfet au titre du contrôle de légalité, l'absence d'affichage en mairie et le contenu des auditions des agents de la commune au cours de l'instruction pénale ouverte en raison des attestations qu'ils ont établies, dont il ressort que le dossier de permis a été en réalité reconstitué deux ans après la date à laquelle l'arrêté litigieux a été adopté ;

- un permis de construire est né tacitement du fait la notification de l'arrêté litigieux le 8 mars 2010, qui a dès lors retiré ce permis sans qu'ils aient été mis en mesure de présenter leurs observations et en méconnaissance du principe de sécurité juridique ;

- l'ensemble de ces circonstances et moyens entachent l'arrêté litigieux de graves irrégularités et son existence même, justifiant qu'il soit déclaré nul et non avenu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2022, la commune de Plan-de-la-Tour, représentée par Me Schreck, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme A... de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un courrier du 3 octobre 2023, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête présentées à titre subsidiaire tendant à l'abrogation de l'arrêté attaqué, qui n'ont pas été soumises au juge de première instance et sont ainsi nouvelles en appel.

Par un mémoire enregistré au greffe le 9 octobre 2023, M. et Mme A... ont produit des observations en réponse à ce moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Daimallah, représentant M. et Mme A....

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A... a été enregistrée le 17 novembre 2023 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont acquis, le 24 juin 2008, un terrain d'une superficie d'environ trois hectares située quartier Saint-Pierre, le Pré d'Icard, sur le territoire de la commune de Plan-de-la-Tour sur lequel sont notamment implantés une maison d'habitation principale d'une superficie d'environ 320 m² élevée de deux étages sur rez-de-chaussée et cave, un bâtiment sur deux niveaux abritant un garage pour trois voitures ainsi que trois studios et remises, et une maison dite " maison de gardien " de plain-pied de 80 m². Ils ont déposé une déclaration préalable portant sur la réalisation d'une piscine, d'un accès et d'un portail, laquelle a donné lieu à une décision de non-opposition le 2 juin 2009. Un procès-verbal d'infraction a cependant été établi le 11 septembre 2009 constatant l'édification d'un bâtiment d'une emprise au sol de 100 m² dans le prolongement d'un bâtiment à usage d'habitation existant comportant un étage partiel et un balcon qui n'était pas mentionné dans cette déclaration. M. et Mme A... ont déposé une demande de permis de construire le 5 octobre 2009 portant sur la réfection de la toiture, le changement des menuiseries extérieures, la création d'un garage, d'une chaufferie et d'une terrasse couverte pour une surface hors œuvre brute de 298 m². Cette demande a fait l'objet d'un refus par un arrêté du maire de la commune du 12 octobre 2009. Soutenant que cet arrêté ne leur avait pas été notifié, les requérants ont sollicité, le 8 mars 2010, la délivrance d'une attestation de " non-décision défavorable " à leur demande de permis, laquelle a fait l'objet d'un refus le même jour, notifié le 10 mars suivant. Cette dernière décision a été annulé par un jugement n° 1002076 du 22 décembre 2011 du tribunal administratif de Toulon, lequel a enjoint au maire de la commune de délivrer cette attestation, au motif que la notification de l'arrêté du 12 octobre 2009 n'était pas établie, et qu'un permis de construire tacite était né le 5 décembre 2009. Par un arrêt n° 12MA00339 du 13 janvier 2015 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a cependant annulé ce jugement, et rejeté la requête des époux A..., au motif notamment que la notification de l'arrêté du 12 octobre 2009 était établie à la date du 8 mars 2010, et qu'à la date du 17 août 2010 à laquelle ces derniers ont saisi le tribunal, cet arrêté était devenu définitif, son illégalité ne pouvant dès lors plus être invoquée par voie d'exception. M. et Mme A... ont alors saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, en soutenant, dans l'objectif de faire échec à cette forclusion, que cet arrêté est entaché de vices d'une gravité telle qu'ils remettent en cause son existence même. Cette requête a été rejetée par le jugement attaqué, dont ils relèvent appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Un acte ne peut être regardé comme inexistant que s'il est dépourvu d'existence matérielle ou s'il est entaché d'un vice d'une gravité telle qu'il affecte non seulement sa légalité, mais son existence même.

3. En premier lieu, M. et Mme A... cherchent à soutenir que l'arrêté du 12 octobre 2009 est un faux ou, du moins, que l'instruction dont il a fait l'objet a été elle-même falsifiée. Toutefois, la circonstance que les signatures du maire de la commune de Plan-de-la-Tour sur les originaux de l'arrêté litigieux apparaissent positionnées différemment par rapport au cachet de la commune sur les exemplaires figurant dans le dossier de demande que les requérants ont consulté en mairie, accompagné d'un huissier, le 8 mars 2010, ne saurait établir qu'il s'agit d'un faux dès lors que la commune fait valoir sans être sérieusement contredite que ces différences mineures s'expliquent par le fait que plusieurs exemplaires originaux des arrêtés de permis de construire sont, la plupart du temps, établis à destination du pétitionnaire, du préfet et de la commune elle-même. Par ailleurs, cette dernière fait valoir, sans davantage être contredite, sur la base notamment de l'audition, le 25 mars 2014, de l'adjointe au maire en charge de l'urbanisme par le juge d'instruction en charge de la plainte de M. et Mme A... pour altération frauduleuse de la vérité et usage de faux en écritures, que l'arrêté a, en tout état de cause, bien été transmis au contrôle de légalité et a été affiché durant deux mois en mairie, ce qui explique le défaut d'affichage constaté le 8 mars 2010, par l'huissier mandaté par M. A..., alors que ce délai était écoulé. Enfin, il ne ressort nullement des auditions des agents de la commune par le juge d'instruction dans le cadre de cette affaire que le dossier de permis aurait été " reconstitué " deux ans après le dépôt de la demande, mais seulement qu'a été réalisée une simulation du contenu du pli contenant l'arrêté attaqué pour le comparer au montant de l'affranchissement figurant sur l'enveloppe du pli contenant l'arrêté litigieux notifié à M. et Mme A..., afin de démontrer, dans le cadre du contentieux jugé par l'arrêt de la Cour n° 12MA00339 du 13 janvier 2015 cité au point 1, que le pli adressé à M. et Mme A... contenait bien cet arrêté.

4. S'agissant de l'instruction du dossier, M. et Mme A... soutiennent que la signature de M. B..., affecté alors auprès de la subdivision de Sainte-Maxime de la direction départementale de l'équipement et de l'agriculture (DDEA) du Var, qui apparaît sur la feuille d'étude de leur demande de permis datée du 8 octobre 2009, est un faux, et a manifestement été imitée compte tenu des différences entre cette signature et celles apparaissant en pied de page de son audition le 24 juin 2016 par la juge d'instruction saisie de la plainte déposée par M. A... pour altération frauduleuse de la vérité et usage de faux en écritures à l'encontre de deux agents de la commune ayant attesté du contenu du pli lui notifiant l'arrêté litigieux. Cependant, si M. B... a pu déclarer le 8 février 2013 à l'huissier mandaté par M. A..., dans le cadre d'une sommation interpellative, que cette signature n'est pas la sienne, il est revenu sur cette déclaration dans le cadre de cette audition, sans finalement être en mesure d'indiquer clairement si la signature était de sa main, compte tenu de l'ancienneté de l'instruction de la demande, en précisant qu'il n'y avait rien de choquant dans cette instruction ou la décision de refus opposé par l'arrêté attaqué. A cet égard, il ressort des termes mêmes de l'expertise graphologique produite par le requérant, établie à sa demande, que ses conclusions ne revêtent pas un caractère suffisamment probant, compte tenu des fortes réserves qui y sont émises. Par ailleurs, la circonstance que l'arrêté attaqué a été pris cinq jours après le dépôt de la demande n'établit, en tout état de cause, pas davantage que la demande de M. et Mme A... n'aurait fait l'objet d'aucune instruction ou que la signature de M. B... aurait un caractère frauduleux, celui-ci ayant déclaré, lors de son audition précitée, qu'une instruction de permis pouvait durer d'une journée à deux mois, alors qu'ainsi que l'a relevé le tribunal dans son jugement attaqué, aucune disposition du code de l'urbanisme n'impose une durée minimale pour l'instruction des permis de construire. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'avis émis par l'architecte-conseil de la commune sur leur demande n'était pas favorable, mais soulignait que la façade nord était à revoir, que les dessins étaient insuffisants, et que le dossier nécessitait un reportage photographique complet de l'existant et la précision de l'insertion dans le site, ce qui est cohérent avec la mention, sur la feuille d'étude signée par M. B..., selon laquelle son avis était défavorable quant aux façades.

4. En deuxième lieu, l'incompétence de l'adjoint au maire pour signer l'avis de ce dernier quant à la demande de permis déposée par les appelants, à la supposer établie, le retrait du permis tacite né de la notification sans mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable ou la méconnaissance du principe de sécurité juridique, s'ils constituent des vices de nature à entacher la légalité de l'arrêté attaqué, ne sont pas, en tout état de cause, de nature à affecter son existence même.

Sur les conclusions à fin d'abrogation :

6. M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2009. Leurs conclusions tendant, à titre subsidiaire, à ce que soit prononcé l'abrogation de cet arrêté, constituent des conclusions nouvelles en appel, et sont, par suite, irrecevables. Au surplus, des conclusions à fin d'abrogation d'un acte individuel ne sauraient être directement soumises au juge de l'excès de pouvoir.

7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2009 par lequel le maire de la commune de Plan-de-la-Tour a opposé un refus à leur demande de permis de construire.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Plan-de-la-Tour qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme A... une somme de 5 000 euros à verser à la commune de Plan-de-la-Tour au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : M. et Mme A... verseront la somme de 5 000 euros à la commune de Plan-de-la-Tour en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et à la commune de Plan-de-la-Tour.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente,

- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2023.

2

N° 21MA04987

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04987
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;21ma04987 ?
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