Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision de refus tacite née du silence gardé par l'administration sur sa demande de permis de construire déposée le 29 mars 2018 et reçue par les services instructeurs le 4 avril 2018, portant sur la réalisation de travaux de confort, de commodité et de mises aux normes sur un bastidon existant sur une parcelle cadastrée section DR26, sise ancienne route des Alpes, lieudit la Seguirane-Maruége à Aix-en-Provence.
Par un jugement n° 1807659 du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Par une décision n° 449606 du 5 octobre 2021, le Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de M. A... tendant à l'annulation de ce jugement à la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2021, et un mémoire enregistré le 17 août 2022, M. B... A..., représenté par Me Boulisset, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 décembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision tacite de rejet de sa demande de permis de construire ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute n'est pas signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- ce jugement est également irrégulier en raison de ce que les conclusions du rapporteur public n'ont pas été portées à la connaissance des parties en temps utile, en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- le maire de la commune d'Aix-en-Provence ne pouvait lui demander de produire, pour compléter sa demande de permis de construire, la copie de l'autorisation d'urbanisme ayant permis de procéder au changement de la destination du bastidon dont il est propriétaire, qui ne figure pas au nombre des pièces qui peuvent être demandées à l'appui d'une telle demande, en application des articles R. 431-1 à R. 431-37 du code de l'urbanisme ;
- il résulte de l'acte d'acquisition de la parcelle en cause du 26 avril 2012 que le bastidon qui y est édifié est affecté à l'habitation depuis au moins 1938, et à tout le moins utilisé comme telle, cet usage prévalant, par l'effet du temps, sur la destination initiale ;
- le maire de la commune d'Aix-en-Provence ne pouvait lui demander de compléter son dossier par une demande d'autorisation de défrichement, alors que son projet n'impliquait aucun défrichement ;
- il n'y avait aucune incohérence entre les surfaces indiquées dans les pièces qui composaient sa demande de permis de construire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2023, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Andréani, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés ;
- le rejet litigieux aurait pu être fondé sur les incohérences relatives aux surfaces mentionnées dans le dossier de demande de permis de construire et elle sollicite une substitution de motifs sur ce point.
Un mémoire, enregistré le 7 octobre 2023, présenté pour M. A..., n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code forestier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Claudé-Mougel,
- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,
- et les observations de Me Boulisset, représentant M. A..., et celles de Me Tosi, représentant la commune d'Aix-en-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Par une lettre du 25 septembre 2018, le service en charge de l'instruction des autorisations du droit des sols de la commune d'Aix-en-Provence a informé M. A... que sa demande de permis de construire déposée le 4 avril 2018, en vue de la réalisation de " travaux de confort, de commodité et de mises aux normes sur un bastidon d'habitation existant " sur une parcelle cadastrée section DR26, sise ancienne route des Alpes à Aix-en-Provence, avait fait l'objet d'un rejet tacite en application de l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme, faute d'avoir répondu à la demande qui lui avait été notifiée par une lettre du 26 avril 2018 tendant à ce que son dossier soit complété notamment par la production, d'une part, de la lettre par laquelle le préfet lui a fait connaître que son dossier de demande d'autorisation de défrichement était complet, d'autre part, d'une copie de l'autorisation d'urbanisme ayant permis le changement de destination de la construction et enfin, d'une " mise en cohérence du tableau des surfaces avec les surfaces indiquées sur les plans du dossier ". Par un jugement du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A... qui devait être regardée comme tendant à l'annulation de la lettre du 25 septembre 2018 lui opposant la naissance d'une décision tacite de rejet. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les demandes de permis de construire (...) sont présentées et instruites dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat. / (...) Aucune prolongation du délai d'instruction n'est possible en dehors des cas et conditions prévus par ce décret (...) ".
3. S'agissant du dépôt et de l'instruction des demandes de permis de construire, l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ". L'article R. 423-22 du même code prévoit que : " (...) le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 ". Selon l'article R. 431-4 de ce code : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R.* 431-33-1 ; c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1. /Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente ". L'article R. 423-23 du même code fixe à trois mois le délai d'instruction de droit commun pour les demandes de permis de construire autres que celles portant sur une maison individuelle. L'article R. 423-38 de ce code dans sa rédaction alors applicable dispose que : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du [livre IV de la partie réglementaire du code relatif au régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions], l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...), indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes ". Aux termes de l'article R. 423-39 : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie ". Aux termes de l'article L. 423-41 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Une demande de production de pièce manquante notifiée après la fin du délai d'un mois prévu à l'article R.* 423-38 n'a pas pour effet de modifier les délais d'instruction définis aux articles R.* 423-23 à R.* 423-37-3 et notifiés dans les conditions prévues par les articles R.* 423-42 à R.* 423-49 ". Enfin, l'article R. 424-1 du même code prévoit qu'à défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction, déterminé comme il vient d'être dit, le silence gardé par l'autorité compétente vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable.
4. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l'urbanisme relatives à l'instruction des demandes de permis de construire, naît un permis tacite. En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu ni modifié par une demande, en principe illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Dans ce cas, un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle. Une demande tendant à compléter le dossier ne peut ainsi interrompre le délai d'instruction que si elle porte sur une pièce absente du dossier alors qu'elle est exigible en application du a) de l'article R. 431-4 du code ou sur une pièce complémentaire ou une information apparemment exigible, compte tenu de la nature et/ou de la consistance du projet, en application du b) et du c) de cet article, ou sur une pièce qui, bien que présente, ne comporte pas l'ensemble des informations requises par les dispositions réglementaires de ce même livre ou dont le contenu est entaché d'insuffisances ou d'incohérences telles qu'elle ne peut être regardée comme ayant été produite par le pétitionnaire.
En ce qui concerne la demande de complément en tant qu'elle porte sur la production d'une autorisation de changement de destination du bastidon :
5. L'autorisation d'urbanisme ayant permis le changement de destination de la construction dont la production a été demandée à M. A... par la demande de compléments qui lui a été notifiée le 26 avril 2018 par le service instructeur de la commune d'Aix-en-Provence n'est pas au nombre des pièces et informations exigibles en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Par suite, cette demande ne pouvait, en tout état de cause, être de nature à interrompre ou à modifier le délai d'instruction ni à faire obstacle à la naissance d'un permis tacite. En conséquence, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé qu'une décision de rejet tacite litigieuse avait pu naître du fait de l'absence de production de cette autorisation.
6. Il appartient dès lors à la Cour de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant les deux autres demandes de complément adressées à M. A....
En ce qui concerne la demande de complément en tant qu'elle porte sur l'autorisation de défrichement :
7. Aux termes de l'article R. 431-19 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés nécessitent une autorisation de défrichement en application des articles L. 341-1, L. 341-3 et L. 214-13 du code forestier, la demande de permis de construire est complétée par la copie de la lettre par laquelle le préfet fait connaître au demandeur que son dossier de demande d'autorisation de défrichement est complet, si le défrichement est ou non soumis à reconnaissance de la situation et de l'état des terrains et si la demande doit ou non faire l'objet d'une enquête publique ". Aux termes de l'article L. 341-1 du code forestier : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière./ Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences (...) ".
8. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les travaux objets de la demande de permis de construire déposée par M. A..., qui portaient, ainsi qu'il a été dit au point 1, sur des " travaux de confort, de commodité et de mises aux normes sur un bastidon d'habitation existant " impliquait un quelconque défrichement, au sens de l'article L. 341-1 du code forestier, de la parcelle en cause, ni directement et immédiatement, ni, contrairement à ce que fait valoir la commune d'Aix-en-Provence et en tout état de cause, indirectement et à terme. La demande de complément, qui portait sur une pièce qui n'était pas apparemment exigible, n'était donc pas davantage de nature à interrompre ou à modifier le délai d'instruction ni à faire obstacle à la naissance d'un permis tacite.
En ce qui concerne la demande de complément en tant qu'elle porte sur la mise en cohérence des surfaces mentionnées dans la demande de permis de construire :
9. La circonstance que le cumul des surfaces du bastidon apparaissant sur les plans joints à la demande de permis de construire déposée par M. A... aboutisse à une surface de 18,8 m² alors que le formulaire Cerfa joint à cette demande indiquait en son point 5.3 que le bastidon avait une surface de 19 m² et que la notice descriptive jointe à cette demande indiquait que la surface de ce bastidon était d'" environ 19 m² " ne saurait être regardée comme une incohérence justifiant de regarder cette pièce comme n'étant pas produite. La demande de complément n'était donc, également sur ce point, pas de nature à interrompre ou à modifier le délai d'instruction ni à faire obstacle à la naissance d'un permis tacite.
10. La commune d'Aix-en-Provence ne peut, en tout état de cause, faire utilement valoir en appel que la décision de rejet tacite aurait pu être légalement fondée sur ces incohérences dès lors que cette décision est née, en application du b) de l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme, en l'absence de production de trois des pièces demandées à M. A... et que le nouveau motif ainsi invoqué, qui est sans relation avec l'application de ces dernières dispositions, n'aurait pu justifier la décision tacite en cause et ne peut donc être substitué au motif initial.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, qu'un permis de construire tacite étant né le 4 juillet 2018 en application des principes rappelés au point 4 du présent arrêt, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille ainsi que de la lettre du 25 septembre 2018 par laquelle le service en charge de l'instruction des autorisations du droit des sols de la commune d'Aix-en-Provence l'a informé de ce que sa demande de permis de construire avait fait l'objet d'un rejet tacite en application de l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la commune d'Aix-en-Provence sur le fondement de ces mêmes dispositions doivent être rejetées.
D É C I D E
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : La lettre du 25 septembre 2018 par laquelle le service en charge de l'instruction des autorisations du droit des sols de la commune d'Aix-en-Provence a informé M. A... de ce que sa demande de permis de construire avait fait l'objet d'un rejet tacite en application de l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme est annulée.
Article 3 : La commune d'Aix-en-Provence versera la somme de 2 000 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune d'Aix-en-Provence fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune d'Aix-en-Provence.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente,
- M. C... de D..., vice-président,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2023.
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N° 21MA04095